Actualités of Wednesday, 20 August 2025

Source: www.camerounweb.com

Paul Biya, maître du temps et de la léthargie nationale

À 92 ans, comment Paul Biya a transformé la patience en arme politique absolue
Dans une enquête exclusive, Jeune Afrique analyse la stratégie à long terme de Paul Biya qui, en 33 ans de pouvoir, a réussi à imposer sa "léthargie nationale" comme mode de gouvernance, neutralisant toute velléité de changement.
À 92 ans, Paul Biya s'avance vers un huitième mandat présidentiel avec une sérénité que lui envient tous ses homologues africains. Jeune Afrique révèle comment le président camerounais a fait de la patience et de l'attentisme sa principale arme politique, transformant ce qui pourrait être perçu comme de la faiblesse en force de frappe redoutable.



"Paul Biya a imposé une chose à tout le monde : la patience", confie à Jeune Afrique un magistrat proche du RDPC. Cette révélation résume à elle seule la philosophie politique du doyen des dirigeants africains, qui a réussi le tour de force de transformer l'inaction en stratégie gagnante.


L'hebdomadaire révèle que cette approche trouve ses racines dans l'expérience traumatisante de 1992, première élection multipartite de Paul Biya. Face aux "envolées lyriques" de John Fru Ndi qui enchaînait les bains de foule "village après village", le président avait alors douté pour la première fois. Réélu "dans un climat de suspicion", Paul Biya "n'a jamais oublié cette désagréable expérience", révèle Jeune Afrique.



Trente-trois ans plus tard, nos sources exclusives montrent comment cette leçon de 1992 a façonné toute la stratégie politique du régime. Jeune Afrique révèle ainsi que même dans les "cercles proches d'Etoudi", certains avaient

"discrètement plaidé pour la participation de Maurice Kamto à la présidentielle, gage d'une certaine crédibilité". Mais ces voix sont restées "minoritaires", le président préférant écarter tout risque de répéter l'expérience de 1992.
L'analyse exclusive de Jeune Afrique montre comment Paul Biya a réussi à créer ce que nos interlocuteurs appellent une "léthargie nationale". Un politologue contacté par l'hebdomadaire explique : "Aucun prétendant, même Maurice Kamto, n'a semble-t-il réussi à briser suffisamment cette léthargie nationale, qui pousse une majorité de Camerounais à attendre la fin de Paul Biya pour renouer avec la politique."


Cette stratégie de l'usure trouve son illustration parfaite dans la gestion de l'opposition. Jeune Afrique révèle que contrairement à 2018 où il avait organisé "un unique meeting pour sauver les apparences de campagne", Paul Biya "devrait cette fois encore se contenter de peu, voire de rien". Une attitude qui témoigne de sa confiance absolue dans sa capacité à maintenir cette "léthargie nationale".


L'hebdomadaire révèle également un aspect méconnu de cette stratégie : l'exploitation des divisions générationnelles et géographiques. Nos sources indiquent ainsi que "les voix convoitées du Septentrion, sur lesquelles Kamto voulait capitaliser avant d'être écarté, pourraient se répartir entre Bello Bouba Maïgari et Issa Tchiroma Bakary, tous deux issus de ce Grand Nord".
Le plus troublant, selon l'enquête de Jeune Afrique, concerne l'attitude de la population face à l'exclusion de Kamto. "Quand sa candidature a été invalidée, est-ce que la rue s'est soulevée ? Non, elle s'est résignée", analyse un acteur de la société civile. Cette résignation collective illustre parfaitement la réussite de la stratégie de Paul Biya : transformer l'attente en fatalisme politique.