Cavaye Yegue Djibril, président de l'Assemblée nationale, annonce brutalement la suspension de tous les méga-meetings prévus dans l'Adamaoua et le Nord, sortant de son périmètre habituel de responsabilité. Une décision qui interroge sur la stratégie du RDPC dans le Septentrion à trois semaines du scrutin.
La nouvelle a surpris les observateurs de la scène politique camerounaise. Ce lundi 16 septembre 2025, Cavaye Yegue Djibril, président de l'Assemblée nationale et délégué permanent régional du Comité central du RDPC pour l'Extrême-Nord, a annoncé la suspension de tous les méga-meetings prévus dans les régions de l'Adamaoua et du Nord.
Cette décision suscite d'autant plus d'interrogations que ces deux régions ne relèvent pas du domaine de responsabilité politique habituel de Cavaye Yegue Djibril. En temps normal, le baron de l'Extrême-Nord se cantonne à sa zone d'influence traditionnelle, laissant l'Adamaoua et le Nord aux responsables locaux du parti.
Ce dépassement de périmètre témoigne-t-il d'une coordination défaillante au sein de l'appareil du RDPC ou révèle-t-il une inquiétude plus profonde face à la situation dans l'ensemble du Septentrion ?
Cette suspension intervient dans un contexte particulièrement délicat pour le parti au pouvoir. Selon plusieurs sources concordantes, l'opposition semble effectivement "gagner du terrain dans les trois régions du Septentrion", ces bastions traditionnels du RDPC qui constituaient jusqu'ici des réservoirs de voix fiables pour Paul Biya.
La défection récente d'alliés historiques du régime a fragilisé l'hégémonie du parti au pouvoir dans cette zone stratégique. Le départ du Front national pour le salut du Cameroun (FNSC) d'Issa Tchiroma Bakary et de l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP) de Bello Bouba Maïgari a créé des brèches dans le dispositif électoral traditionnel du RDPC.
Initialement, Cavaye Yegue Djibril avait annoncé en grande pompe l'organisation de "giga-meetings" dans le Septentrion, notamment à Maroua, Ngaoundéré et Garoua. Ces rassemblements étaient censés démontrer la force du parti au pouvoir dans la région et mobiliser les alliés restés fidèles face à la montée de l'opposition.
Le retournement de situation est d'autant plus spectaculaire que ces événements étaient présentés comme des démonstrations de force destinées à rassurer les militants et à dissuader les tentations de défection.
Un communiqué pour tenter d'expliquer
Dans un communiqué diffusé dans l'après-midi au journal télévisé du poste national, Cavaye Yegue Djibril a tenté de justifier cette décision brutale. Si les motivations officielles restent à préciser, cette communication d'urgence traduit la nécessité pour le responsable du RDPC de contrôler le narratif face aux spéculations.
Cette suspension tranche avec la stratégie de campagne annoncée par Paul Biya, qui doit justement lancer sa campagne le 28 septembre prochain à Maroua, dans l'Extrême-Nord. La coordination entre les différents échelons du parti semble défaillante, ou révèle des divergences stratégiques au sein de l'appareil dirigeant.
Au-delà des aspects organisationnels, cette décision soulève des questions fondamentales sur la solidité réelle du RDPC dans ses fiefs traditionnels. Le Septentrion, longtemps considéré comme un acquis électoral, traverserait-il une crise de confiance plus profonde qu'anticipé ?
L'opposition, menée notamment par Maurice Kamto qui a récemment appelé à l'union des candidats, pourrait tirer parti de ces signes apparents de désorganisation pour renforcer sa dynamique dans une région autrefois verrouillée.