Les coulisses explosives de la DGRE dévoilées au Tribunal Militaire - Un témoin capital brise le silence
Le Tribunal Militaire de Yaoundé a retenu son souffle ce 17 décembre 2025. Dans un témoignage fleuve de près de deux heures, le Commissaire Divisionnaire Ellong Lobé James a ouvert les portes d'un monde secret et révélé les tensions explosives qui ont précédé l'assassinat du journaliste Martinez Zogo.
"Martinez Zogo faisait tout sauf le journalisme"
La journée avait pourtant commencé avec le témoignage musclé du journaliste Xavier Messé. Face au tribunal, ce dernier n'a pas tremblé : il a maintenu toutes ses déclarations malgré les pressions, les menaces et la lettre d'excuses qu'on l'aurait forcé à signer.
Mais c'est sur Martinez Zogo lui-même que Messé a lâché une phrase cinglante qui a fait réagir l'audience. Interrogé sur sa relation avec le défunt, l'ancien patron de la rédaction du Groupe l'Anecdote a déclaré sans ambages : "Martinez Zogo faisait tout sauf le journalisme."
Une déclaration qui en dit long sur les zones d'ombre entourant les activités du journaliste assassiné et qui soulève des questions sur ce qui a réellement conduit à son enlèvement et à sa mort tragique.
Le coup de fil glaçant : "On l'a tué !"
Xavier Messé a raconté comment il a appris la mort de Martinez Zogo. Le témoignage est glaçant : "J'ai reçu un appel très tôt d'un confrère qui est dans le même forum que moi. Ce confrère m'a dit : 'On l'a tué ! On l'a tué.' Je lui ai demandé, on a tué qui ? Il m'a répondu : Martinez Zogo."
Ce premier appel, révèle Messé, n'a duré que 15 secondes. Mais il a suffi à le réveiller en pleine nuit et à lancer la machine médiatique. L'informateur ? Zepherin Koloko, dont le nom revient de manière insistante dans ce dossier.
Face à l'insistance du Ministère Public et au témoignage répété de Xavier Messé, le MP a demandé le retour de Koloko à la barre. Le tribunal tranchera.
La bombe Ellong Lobé : quand la DGRE implose de l'intérieur
Mais le moment le plus attendu de cette audience restera le témoignage du Commissaire Divisionnaire Ellong Lobé James. Ancien Directeur des Opérations de la DGRE de 2014 à 2023, cet homme connaît tous les secrets du service de renseignement extérieur camerounais.
Selon lui, en novembre 2021, soit plus d'un an avant l'assassinat de Martinez Zogo, le Directeur Général Maxime Eko Eko avait pris une décision inhabituelle : tous les rapports du Colonel Justin Danwé, alors Directeur des Opérations, devaient désormais transiter par Ellong Lobé pour être filtrés.
Pourquoi cette défiance soudaine ? Le Commissaire a lâché le morceau : "Il y a eu une succession d'événements, notamment l'affaire du payeur du MINADER et un autre problème d'arrestation d'un proche de Danwé qui avait été arrêté à l'aéroport de Nsimalen en possession de stupéfiants en provenance de Turquie, y compris un Officier de Police dont Danwé avait mis sur le coup."
Le verdict est sans appel : "Le DG avait commencé à stopper ses agissements parce qu'il en avait marre."
Le témoignage d'Ellong Lobé est d'autant plus accablant qu'il a détaillé avec une précision chirurgicale le fonctionnement théorique de la DGRE. Selon lui, aucune opération ne pouvait être menée sans l'aval du Directeur Général. Aucune.
"Tant qu'il n'y a pas une décision de plan d'opération, il n'y a aucune action à mener", a-t-il martelé. Il a également insisté : impossible de louer des véhicules à l'extérieur, interdit de recruter des civils du quartier, pas de sous-traitance.
Alors comment l'enlèvement de Martinez Zogo a-t-il pu avoir lieu ? Qui a autorisé quoi ? Ces questions brûlantes restent en suspens, mais le témoignage d'Ellong Lobé dessine en creux le portrait d'un système où certains auraient pu agir en dehors de tout cadre légal.
Un témoin qui refuse de parler... ou qui en dit trop ?
L'un des moments les plus tendus de l'audience est survenu lorsque le Commissaire Ellong Lobé a invoqué le secret professionnel face à certaines questions du Ministère Public sur l'organigramme et les missions de la DGRE.
Me Claude Assira, avocat de la DGRE et de l'État camerounais, a immédiatement fait objection et demandé un huis clos partiel. S'en est suivi un débat juridique de plus d'une heure et demie où chaque partie a fait valoir ses arguments.
Pour Me Guezo, avocat d'Arthur Essomba, cette objection ne tient pas : le Président Paul Biya avait lui-même autorisé la mise sur pied d'une Commission d'enquête mixte Police-Gendarmerie, levant de facto le secret sur cette affaire.
L'audience criminelle spéciale du 16 au 17 décembre 2025 s'est achevée sans que toutes les questions ne trouvent réponse. Le procès est renvoyé au 5 janvier 2026 pour la suite de la cross-examination du Commissaire Ellong Lobé James.
Les Camerounais espèrent que cette nouvelle session permettra enfin de faire toute la lumière sur les commanditaires et les exécutants de l'enlèvement et de l'assassinat brutal de Martinez Zogo, dont le corps martyrisé avait été retrouvé le 22 janvier 2023, cinq jours après sa disparition.
En attendant, les révélations du Commissaire Ellong Lobé ont ouvert une brèche béante dans le mur du silence qui protégeait jusqu'ici les responsables présumés. La vérité est-elle enfin en marche ? Rendez-vous dans deux semaines pour la suite de ce procès historique.









