Actualités of Wednesday, 5 November 2025

Source: www.camerounweb.com

'Ne livrez pas Tchiroma à Biya': Bekolo fait une demande au président du Nigéria

Dans une lettre, le cinéaste camerounais vivant en France, Jean-Pierre Bekolo demande au président Nigérian Bola Tinubu de ne pas satisfaire à la demande du président Biya de livrer l'ancien ministre Tchiroma qui se trouve sur le territoire nigérian.

LETTRE OUVERTE AU PRÉSIDENT DU NIGÉRIA ET AU PEUPLE NIGÉRIAN

"Son Excellence le Président Bola Ahmed Tinubu, Cher Peuple nigérian,
Je m’adresse à vous, peuple frère, et à vous, président du grand Nigéria, pour solliciter respectueusement votre haute attention sur la situation du citoyen camerounais Monsieur Issa Tchiroma Bakary, qui se serait récemment réfugié sur votre sol.

Excellence, pour nous Camerounais, le Nigéria, malgré son histoire non sans difficultés, reste un modèle de démocratie vivante, d’alternance et de vitalité politique. Votre pays a donné à l’Afrique des figures majeures comme le président Olusegun Obasanjo, artisan d’une culture démocratique et de paix au Nigéria et sur le continent, qui a permis de responsabiliser le leadership africain et de placer le pouvoir au service du peuple.

Le Cameroun, lui, demeure enfermé dans une ère où, depuis l’indépendance, seuls deux hommes ont régné sans partage, sans élection véritable. En 2025, nous attendons encore notre "année zéro" — celle où le peuple camerounais pourra choisir librement son destin. Toute personne qui ose se présenter à une élection contre Paul Biya devient un ennemi de l’État. Ce fut le cas de Maurice Kamto en 2018, c’est le cas actuellement d’Issa Tchiroma.

L’élection présidentielle du 12 octobre 2025, observée par tous, s’est soldée par la victoire claire d’Issa Tchiroma Bakary. Le simple fait de le dire est aujourd’hui un crime. Oui, au Cameroun, dire la vérité, c’est désormais risquer l’arrestation, la torture ou la mort. En effet, des manifestants non armés ont été abattus à balles réelles pour avoir exigé le respect des urnes.

C’est dans ce contexte que M. Tchiroma traqué par une milice du régime a choisi de trouver refuge au Nigéria. Ce choix est un symbole fort : il traduit sa foi dans la fraternité, la justice et la grandeur morale du peuple nigérian. Sachez que le Nigéria est face à un choix historique. Car ce que fera aujourd’hui le Nigéria aura une portée historique pour l’Afrique entière. Contrairement à nous, où le peuple ne décide plus, la décision que vous prendrez au nom de votre peuple sera lourde de sens.

Elle peut faire honneur à l’Afrique ou lui faire honte. Elle peut rapprocher nos peuples ou les éloigner. Soit le Nigéria se rangera du côté du peuple camerounais et de la vérité, soit il se rangera du côté d’un vieil homme de 92 ans qui refuse obstinément de quitter le pouvoir, au prix du sang de la jeunesse.
Pour aussi évoquer le conflit mal géré des revendications anglophones, qui s’enlise depuis une décennie avec de nombreux morts et déplacés, un proverbe de chez nous dit :

« Ton voisin est ton frère le plus proche. »

Et un autre ajoute :

« Ton frère est comme le sang qui sort de la langue : tu as beau cracher, il y a toujours une partie que tu finis par avaler. »

Ce qui blesse le Cameroun finit toujours par atteindre le Nigéria. Pour dire que nous sommes un même corps, traversé par les mêmes blessures et les mêmes espérances.

Ne cédez pas à une demande d’extradition qui livrerait non pas un homme à ses bourreaux, mais, en mépris de la justice et de la conscience humaine, tout un peuple camerounais qui a voté pour lui. Lorsque le régime de Yaoundé viendra invoquer le droit, rappelez-lui ses propres violations du droit international et des droits fondamentaux.

Quand on vous parlera d’ingérence, répondez qu’il s’agit ici du devoir d’ingérence morale et fraternelle — celui qui empêche la barbarie de triompher du silence.

Je vous appelle, peuple nigérian, Excellence Monsieur le Président, à convoquer les instances panafricaines et internationales afin que cette crise soit examinée publiquement. Car cette affaire n’oppose pas Issa Tchiroma à Paul Biya, mais bien un peuple à un régime qui refuse la vérité. Aidez-nous à préserver la paix au Cameroun et dans notre région, car cette situation porte en elle un risque d’embrasement tribal. Le régime actuel, pour se maintenir, attise les divisions ethniques, notamment contre les populations du Grand Nord, dont Issa Tchiroma est originaire. Cette stigmatisation menace directement la cohésion du Cameroun et nous expose à un risque de "rwandisation" qui pourrait s’étendre non seulement au Nigéria, mais aussi au Tchad voisin et en Centrafrique.

Votre pays a aujourd’hui la possibilité d’être, comme il l’a été par le passé lors d’autres crises, non pas le bourreau d’un peuple frère, mais celui qui entre dans l’Histoire pour avoir choisi la vérité, la justice et la paix.
Son Excellence le Président Bola Ahmed Tinubu,

Cher Peuple nigérian,

Je vous écris non comme un homme politique, mais comme un frère africain, un citoyen convaincu que l’Afrique doit apprendre à se sauver par elle-même. Le Nigéria a souvent montré la voie. Aujourd’hui, son rôle est à nouveau déterminant. Qu’il soit le phare de la conscience africaine dans cette heure sombre, et qu’il protège celui qui incarne, malgré lui, l’espoir d’un Cameroun libre.

Avec tout mon respect et ma confiance et ma confiance fraternelle".