Actualités of Wednesday, 10 December 2025

Source: www.camerounweb.com

NOSO: Trump envoie un colis à Biya, Comment la diaspora camerounaise aux États-Unis finance la rébellion

L'acte d'accusation fédéral américain contre trois Américano-Camerounais dévoile les mécanismes sophistiqués de financement de la rébellion anglophone depuis les États-Unis. Applications de messagerie cryptées, plateformes de paiement en ligne, comptes de cryptomonnaies et réseaux d'intermédiaires : le document judiciaire révèle une infrastructure financière transnationale alimentant depuis 2018 les Forces de Restauration d'Ambazonie. Plus inquiétant encore, le système d'enlèvements contre rançon ciblant des familles américano-camerounaises transforme la diaspora en source de financement forcé de la guerre. Cette affaire expose les vulnérabilités des communautés diasporiques prises entre deux pays et deux conflits de loyauté.


Au-delà des arrestations spectaculaires, l'acte d'accusation du ministère de la Justice américain contre Claude N. Chi, Francis Chenyi et Lah Nestor Langmi offre un regard inédit sur les mécanismes de financement de la rébellion séparatiste camerounaise depuis le territoire américain.


Le document judiciaire décrit avec précision la chaîne de financement mise en place par les trois accusés. Les fonds étaient "collectés via des applications de messagerie en ligne et des plateformes de paiement" auprès de contributeurs situés aux États-Unis et à l'étranger.


Cette mention d'applications de messagerie suggère l'utilisation de plateformes cryptées comme WhatsApp, Telegram ou Signal, permettant aux organisateurs de solliciter des dons tout en échappant à une surveillance facile. Les plateformes de paiement mentionnées incluent probablement des services comme PayPal, Venmo, Cash App ou des systèmes de transfert d'argent internationaux.


Point crucial : l'argent transitait ensuite "depuis divers comptes financiers et de cryptomonnaies contrôlés par les accusés". L'utilisation de cryptomonnaies n'est pas anodine. Ces actifs numériques permettent des transferts transfrontaliers rapides, difficiles à tracer et échappant aux systèmes bancaires traditionnels.


Le passage par des "intermédiaires" avant d'atteindre les combattants au Cameroun révèle une structure en plusieurs couches, typique des opérations de blanchiment d'argent visant à briser la chaîne de traçabilité entre les donateurs américains et les destinataires finaux armés.


L'aspect le plus troublant de cette affaire concerne le ciblage de la diaspora américano-camerounaise elle-même. L'acte d'accusation révèle que "dans certains cas, des citoyens américains ont été extorqués pour obtenir des paiements de rançon afin d'assurer la libération de leurs proches kidnappés au Cameroun".
Cette stratégie transforme la diaspora en source de financement involontaire. Des familles américaines se retrouvent contraintes de payer des rançons pour sauver leurs parents restés au Cameroun, sans se douter que cet argent alimentera directement les opérations militaires des groupes séparatistes.


Le mécanisme est d'une redoutable efficacité : des civils sont enlevés au Cameroun, leurs proches aux États-Unis reçoivent des demandes de rançon, l'argent est collecté et transféré aux États-Unis via les réseaux organisés par Chi, Chenyi et Langmi, puis renvoyé vers les combattants au Cameroun.
Cette boucle transatlantique crée un système d'autofinancement de la rébellion qui exploite les liens familiaux entre les deux pays. La diaspora, souvent plus prospère économiquement que les populations restées au pays, devient une cible privilégiée.


L'enlèvement du cardinal Christian Tumi et du chef traditionnel Sehm Mbinglo II le 5 novembre 2020 illustre une autre dimension de la stratégie : viser des personnalités influentes pour obtenir une couverture médiatique maximale et des rançons plus élevées.

Le fait que les accusés aient documenté les "fonds liés à l'enlèvement" de ces deux figures publiques montre que ces opérations n'étaient pas le fait d'éléments incontrôlés, mais constituaient des actions planifiées et financées dans le cadre d'une stratégie globale.


L'acte d'accusation mentionne "plus de 350 000 dollars" levés par dons volontaires. Mais ce chiffre ne représente probablement qu'une fraction des sommes réellement collectées. Les rançons extorquées aux familles ne sont pas incluses dans ce montant, tout comme les éventuels financements passant par d'autres réseaux.

Si trois personnes ont pu lever plus de 350 000 dollars, combien d'argent transite réellement depuis la diaspora vers les groupes armés au Cameroun ? Cette question reste ouverte et préoccupe autant Yaoundé que Washington.

Cette affaire place désormais l'ensemble de la diaspora camerounaise aux États-Unis sous le regard vigilant du FBI et du ministère de la Justice. L'appel lancé par les autorités à toute personne disposant d'informations de contacter le FBI suggère que l'enquête se poursuit et que d'autres membres du réseau pourraient être identifiés.


Pour les Camerounais installés aux États-Unis, cette situation crée un climat de méfiance. Participer à des collectes de fonds pour "soutenir les populations anglophones" peut désormais être requalifié en "soutien matériel au terrorisme", une accusation passible de 15 ans de prison.


De nombreux membres de la diaspora se trouvent face à un dilemme moral et légal. Comment aider leurs régions d'origine sans tomber sous le coup de la loi américaine ? Comment distinguer l'aide humanitaire légitime du financement d'activités violentes ?


Les trois accusés occupaient des "postes de direction" dans des organisations de soutien aux séparatistes. Mais qu'en est-il des simples sympathisants qui contribuent financièrement sans connaître l'usage final des fonds ? Cette zone grise inquiète de nombreux Américano-Camerounais.


Ces arrestations constituent un revers stratégique pour les mouvements séparatistes. La perte de cadres basés aux États-Unis et le démantèlement de leurs réseaux de financement pourraient affaiblir la capacité des groupes armés à soutenir leurs opérations.


Mais elles risquent aussi d'alimenter le sentiment de persécution au sein de la communauté anglophone diasporique, qui pourrait y voir une collaboration entre Washington et Yaoundé contre leurs aspirations légitimes.


Cette affaire crée un précédent judiciaire important. Elle démontre que les autorités américaines sont prêtes à poursuivre des citoyens américains pour des activités de soutien à des conflits lointains, dès lors qu'elles impliquent des actes de violence, des enlèvements ou l'utilisation d'armes de destruction massive.


D'autres diasporas africaines impliquées dans le soutien à des mouvements armés dans leurs pays d'origine pourraient se retrouver sous surveillance accrue. Le message est clair : le territoire américain ne peut être utilisé comme base arrière pour financer des conflits violents ailleurs dans le monde.


Le ministère de la Justice a souligné qu'il s'agit d'une "enquête en cours". Cette formulation laisse entendre que le réseau démantelé pourrait être plus vaste que les trois personnes actuellement inculpées.

D'autres villes américaines abritant d'importantes communautés camerounaises – comme Houston, Atlanta ou Washington D.C. – pourraient voir des développements similaires dans les mois à venir. La coopération entre le FBI et les services de renseignement camerounais semble s'être intensifiée.

L'affaire Chi, Chenyi et Langmi marque un tournant dans le conflit anglophone camerounais. Elle expose au grand jour les mécanismes transnationaux de financement de la rébellion et place la diaspora américano-camerounaise face à ses responsabilités et ses vulnérabilités.