Dans une lettre ouverte adressée au premier ministre, le président du MRC, Mamadou Mota dénonce la militarisation de Garoua par le Ministère de l'Administration territoriale et se SED (gendarmerie nationale).
"Cher Monsieur le Premier Ministre,
C'est avec une indignation sans bornes et le sens de l'urgence que je vous écris, en tant que citoyen camerounais préoccupé par la dérive autoritaire et potentiellement explosive qui s'installe à Garoua, sous les auspices du Ministre de l'Administration Territoriale (MINAT) et du Chef de la Gendarmerie.
Laissez-moi être clair, Monsieur le Premier Ministre, avec la franchise brutale que les circonstances exigent, une franchise qui ne s'embarrasse pas des fioritures de la diplomatie. La militarisation actuelle de Garoua n'est pas un acte de maintien de l'ordre; c'est un acte de provocation politique irresponsable, une démonstration de force dont le seul effet sera d'intimider, d'exaspérer et, à terme, de déstabiliser une région déjà fragile.
Le cynisme de la situation est d'autant plus insupportable que l'on reconnaît la signature d'un homme dont l'historique devrait nous servir de mise en garde macabre. Souvenez-vous, Monsieur le Premier Ministre, et faites appel à votre mémoire historique pour ne pas condamner le Nord à revivre l'horreur du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (NOSO).
Ce même MINAT, par son arrogance, son mépris des sensibilités locales et son geste de défi malheureux à Bamenda – ce fut un déploiement de force brutal et prématuré, un refus obstiné de la conciliation au profit de la répression aveugle – a été l'un des catalyseurs, un détonateur tragique, de la guerre désastreuse qui ravage aujourd'hui le NOSO. Des milliers de morts, des centaines de milliers de déplacés, une économie anéantie... Telle est l'œuvre à laquelle a contribué cette politique du "bras de fer" qu'il réitère aujourd'hui.
Est-ce donc le destin que le Gouvernement réserve à Garoua ? Un bis repetita sanglant ? L'histoire, Monsieur le Premier Ministre, ne se contente pas de bégayer ; parfois, elle crie vengeance. Et si rien n'est fait, Garoua sera son prochain théâtre.
Nous sommes face à une faute politique lourde, qui remplace le dialogue par le canon, la médiation par le képi. Le Chef de la Gendarmerie, en se faisant l'exécutant zélé de cette stratégie de la tension, se rend complice d'une menace à la paix civile.
Monsieur le Premier Ministre, l'heure n'est pas à la tergiversation. Désarmez Garoua ! Rappelez immédiatement les troupes inutiles et provocatrices. Mettez fin à cette politique de la canonnière qui n'a fait qu'engendrer la terreur et la rébellion ailleurs.
Votre silence, votre inaction, ou pire, votre validation tacite de cette dérive, feront de vous, non pas le garant de l'unité nationale, mais le comptable de la prochaine tragédie. Ne laissez pas un seul homme récidiver dans l'erreur qui a coûté tant de sang à la Nation.
La justice et la paix ne s'obtiennent pas par l'intimidation, mais par le respect et la loi. Le temps presse.
Dans l'attente d'une intervention rapide et décisive de votre part, je vous prie d'agréer, Monsieur le Premier Ministre, l'expression de ma très haute exigence de responsabilité.
Sincèrement et sans complaisance".