Issa Tchiroma Bakary s’est déclaré vainqueur de l’élection présidentielle. L’ancien membre du gouvernement sait comme plusieurs sources, grâce aux résultats du dépouillement dévoilés, qu’il est l’homme le plus plébiscité, loin devant Paul Biya et les autres candidats. Si cela venait à être confirmé par le Conseil constitutionnel, ce serait un vrai grand coup porté au régime de Paul Biya, ce qui fermerait une page vieille de 43 ans.

Pourquoi donc Issa Tchiroma Bakary fait-il rêver autant ? Pourquoi le candidat du FSNC est-il la seule chance des Camerounais ? L’analyste Jean Pierre Bekolo livre tout.

Pourquoi remettre à plus tard ce que nous pouvons régler pacifiquement aujourd’hui ? Quel manque d’anticipation ! Voulez-vous qu’on se retrouve dans un ou deux ans à reparler succession ou élection ? Parce que vous le vouliez ou non, Paul Biya est partant. Le pays est en lambeaux, l’urgence est de se mettre au travail et de reconstruire.

Vous qui voulez garder Paul Biya par tous les moyens, puisque vous ne voulez pas d’une transition démocratique au Cameroun, dites-nous alors : quelle autre transition préparez-vous ? Avec un homme qui, de toute façon, n’est plus avec vous ? Vous croyez encore pouvoir défier le temps, la biologie, l’histoire ?

Le Cameroun doit saisir cette chance unique : celle d’un Tchiroma vainqueur, symbole d’un passage pacifique, avant que le départ de Paul Biya n’ouvre la boîte de Pandore. Car ce départ viendra, avec ou sans votre consentement et il entraînera toutes sortes de conflits ingérables tant au sein du sérail comme dans le pays. L’heure est la pacification et à la construction.

Regardez l’histoire des autres : c’est la fille de Boris Eltsine qui a façonné la Russie d’aujourd’hui, en plaçant Poutine et les oligarques sur orbite, avant de disparaître. Personne n’entend plus parler d’elle. Voilà un exemple de lucidité. Vous voulez faire quoi là ? Prendre tout un pays pris en otage pour sept ans encore quand vous pouvez anticiper et organiser intelligemment la suite sans coups bas et manipulations ?

Vous avez eu 43 ans avec les résultats qu’on connaît, maintenant laissez quelqu’un d’autre essayer. Pourquoi remettre à demain ce que nous pouvons régler pacifiquement aujourd’hui avec cette victoire de Tchiroma ? Quel manque de générosité pour son pays ? Après avoir tout pillé, laissez au moins une chance à l’avenir. Arrêtez avec ce suicide collectif.

Vous voulez donc qu’on soit encore là dans un ou deux ans à parler de succession, d’élections, de constitution trafiquée ? Pendant que le pays tombe en ruine ? Assez de fuite en avant. Les longues dictatures finissent toujours dans le sang : Mobutu, vingt ans de guerre au Congo. Houphouët, quinze ans de chaos en Côte d’Ivoire. Et vous, élite camerounaise, voulez répéter la même erreur, comme si vous étiez incapables d’apprendre ?

Alors, quel scénario ? Attendre qu’il meure au pouvoir pour improviser une transition avec un président du Sénat fantôme ? Organiser une élection sans légitimité, où aucun membre du sérail ne pourra plus gagner ? Ou bien manipuler la Constitution pour inventer un vice-président de circonstance ? Qui va encore avaler ça ? Même les hautes instructions n’impressionnent plus personne : le peuple sait que c’est du vent.

Soyons clairs : aucun scénario ne sera meilleur que celui qu’offre aujourd’hui Tchiroma. Il est démocratique, il est pacifique, il reflète la volonté populaire. Si vous vous considérez comme des victimes parce que votre champion, Paul Biya, ne peut plus régner jusqu’à 99 ans, acceptez au moins d’être des « victimes consentantes » pour le bien de nos enfants et de l’avenir du pays. Et sachez que quiconque tentera d’évacuer cette voie commettra un grave crime contre la patrie et contre sa propre progéniture.