Actualités of Sunday, 18 May 2025
Source: www.camerounweb.com
À l'approche des célébrations de la Fête de l'Unité du 20 mai 2025, les débats sur la signification profonde de cette commémoration s'intensifient dans les médias camerounais. Lors d'une intervention remarquée dans l'émission "CLUB D'ÉLITES" sur Vision4, l'analyste politique Messanga Nyamding a livré une réflexion critique sur les fondements de l'unité nationale, appelant à une approche plus inclusive.
"Ce qui détruit l'unité, c'est lorsque certains veulent s'approprier le monopole de la vérité... Nous sommes aujourd'hui dans un cadre où nous avons hérité de ce que les juristes et les politistes appellent le jacobinisme : un système qui cherche à centraliser la pensée. Lorsqu'on parle d'unité, il faut écouter tout le monde. Je crois que c'est la prise en compte de ces écueils qui peut nous y conduire", a déclaré Messanga Nyamding, suscitant de vifs échanges parmi les autres invités de l'émission.
Ces propos interviennent alors que le ministère de la Défense vient d'annoncer le thème officiel retenu pour l'édition 2025 de la Fête de l'Unité : "Armée et Nation unies pour un Cameroun tourné vers la paix et la prospérité" ("Army and Nation united for a Cameroon turned towards peace and prosperity").
Le choix de ce thème, mettant en avant le rôle des forces armées dans la construction nationale, n'est pas anodin dans un contexte où le Cameroun fait face à plusieurs défis sécuritaires, notamment dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, ainsi que dans l'Extrême-Nord.
Comme chaque année, le point culminant des célébrations sera le gigantesque défilé civil et militaire présidé par le chef de l'État Paul Biya sur le boulevard du 20 mai à Yaoundé. Cependant, pour plusieurs observateurs, dont Messanga Nyamding, la véritable unité nationale ne peut se limiter à une démonstration de force et de cohésion protocolaire.
"La critique de Messanga Nyamding sur le 'jacobinisme' touche un point sensible dans notre construction nationale", explique Jean-Marc Eteki, politologue à l'Université de Yaoundé II. "Il nous rappelle que l'unité ne se décrète pas d'en haut, mais se construit par l'inclusion des diverses sensibilités qui composent la nation camerounaise."
Le 20 mai commémore le référendum constitutionnel de 1972 qui a mis fin au système fédéral au profit d'un État unitaire. Cette date marque un tournant dans l'histoire politique du Cameroun, qui avait obtenu son indépendance de la France le 1er janvier 1960 sous le nom de République du Cameroun, avant d'être rejoint par le Cameroun méridional (sous tutelle britannique) le 1er octobre 1961, formant alors un État fédéral.
La transition vers l'État unitaire, orchestrée par le président Ahmadou Ahidjo, visait officiellement à renforcer la cohésion nationale. Cependant, cinquante-trois ans plus tard, cette décision continue de faire l'objet de débats, notamment dans les régions anglophones où certains estiment que la spécificité de leur héritage culturel et institutionnel n'a pas été suffisamment préservée.
Pour Messanga Nyamding, dont les positions tranchées ont souvent fait réagir la classe politique camerounaise, le jacobinisme à la camerounaise représente un obstacle à une véritable unité nationale. Sa critique de la centralisation excessive fait écho aux préoccupations exprimées par diverses voix issues de la société civile et du monde académique.
"L'unité ne signifie pas uniformité", poursuit-il dans son intervention. "Elle devrait plutôt être comprise comme la capacité à intégrer harmonieusement nos différences dans un projet national commun."
Alors que le Cameroun s'apprête à célébrer cette date symbolique, les propos de l'analyste politique invitent à une réflexion de fond sur le modèle d'État et de société que le pays souhaite construire pour les générations futures.