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Actualités of Tuesday, 8 February 2022

Source: www.bbc.com

Loyer : les locataires du Nigéria ne devront peut-être plus payer un an à l'avance

"Une maison, c'est de l'or ici"

Trouver un endroit décent pour vivre peut être une tâche ardue partout, mais trouver 12 mois de loyer à l'avance est un fardeau supplémentaire pour des millions de Nigérians.

Les propriétaires préfèrent les paiements anticipés importants car ils réduisent les risques de défaillance des locataires. Il est préférable de poursuivre un locataire une fois plutôt que 12 fois par an, pense-t-on.

Mais ce système pourrait être sur le point de changer.

Les législateurs débattent d'une loi visant à rendre illégaux les loyers annuels anticipés dans la capitale, Abuja, tandis que les autorités de la plus grande ville, Lagos, optent pour un système volontaire qui débutera le mois prochain.

Le gouvernement de l'État de Lagos espère qu'en se portant garant d'un nouveau système de paiement, les propriétaires seront encouragés à accepter des loyers mensuels.

De nombreux habitants, notamment les jeunes qui veulent fonder une famille, apprécient l'idée de loyers mensuels.

Tunde Omotayo, qui se marie en avril, doit réunir 600 000 à 800 000 nairas (827 797 à 1 103 932 FCFA) pour un "appartement décent" dans la partie continentale de Lagos, car il prévoit de quitter la maison de son ami après son mariage.

Pour quelqu'un dont le salaire mensuel est de 300 000 naira (413 993 FCFA), c'est extrêmement difficile.

"Je pensais que mon salaire me permettrait de payer mon loyer, mais je suis choqué. Au point où j'en suis, cela ne me dérange pas de payer mon loyer tous les mois, car dans l'état actuel des choses, je suis en détresse", a-t-il déclaré à la BBC.

S'il est inscrit au nouveau système, il ne devra payer qu'environ 50 000 naira (68 998 FCFA) par mois, ce qui, selon lui, lui rendra la vie beaucoup plus facile à l'approche d'un mariage.

Les maisons ne sont pas bon marché à Lagos

Lagos étant l'une des villes dont la croissance est la plus rapide au monde, la demande de logements augmente chaque jour, et les maisons ne sont pas bon marché.

Les appartements de deux chambres situés à proximité du principal quartier d'affaires de la ville, Victoria Island, coûtent entre 11 000 et 22 000 dollars (6 305 270 et 12 610 205 FCFA) par an, tandis que les logements pour les personnes à revenus faibles ou moyens peuvent coûter entre 500 et 5 000 dollars (286 587 et 2 865 870 FCFA) sur le Lagos continental.

C'est aux locataires de trouver les fonds nécessaires, et la majorité des Nigérians de la classe ouvrière ont dû maîtriser l'art de mettre de l'argent de côté chaque mois pour payer le loyer annuel.

Certains de ceux qui ont des difficultés à épargner empruntent auprès d'usuriers avec des taux d'intérêt pouvant atteindre 28 % par mois, tandis qu'une partie d'entre eux reçoivent des prêts sans intérêt de leur employeur pour couvrir le loyer.

La colocation est également devenue populaire auprès des jeunes de la classe moyenne de Lagos, qui peuvent ainsi mettre en commun leurs ressources pour payer l'énorme loyer annuel.

Beaucoup d'autres ont déménagé dans l'État voisin d'Ogun, où les loyers sont plus abordables, mais ils doivent faire un long trajet quotidien pour se rendre au travail à Lagos.

Pam Christopher, qui vient de quitter Jos, dans le centre du Nigeria, où les loyers sont beaucoup plus bas, pour s'installer à Lagos, n'en revenait pas des 2 400 dollars de loyer exigés d'emblée pour un appartement de deux chambres à coucher dans le Lagos continental.

"Une maison, c'est de l'or ici", dit-il à la BBC.

"J'avais besoin d'un appartement à deux chambres parce que je prévoyais d'y installer ma famille, mais il semble que je ne puisse pas me le permettre", ajoute-t-il.

Il vit actuellement avec un ami et attend avec impatience l'intervention du gouvernement, dont le gouverneur de l'État, Babajide Sanwo-Olu, a dit qu'elle était "conçue pour que les gens paient leurs loyers en fonction de leurs revenus mensuels".

Mais comme l'a découvert l'homme d'affaires Tosin Emmanuel lorsqu'il a évoqué l'idée de payer un loyer mensuel, il faut plus qu'un discours du gouverneur pour convaincre un propriétaire de Lagos.

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"Le propriétaire a demandé si c'était le gouvernement qui avait acheté le terrain et construit la maison pour lui. Il a répondu qu'aucun gouvernement ne pouvait déterminer comment il percevait son loyer".

"L'homme a dit que je devais aller rencontrer [le gouverneur] Sanwo-Olu pour qu'il me donne une maison", explique M. Emmanuel à la BBC.

Fonds de retraite

Pour que le programme soit un succès, le gouvernement compte sur le soutien des puissants propriétaires de Lagos. Mais cela risque de ne pas être le cas.

"Les loyers annuels ne devraient pas faire l'objet d'un débat car de nombreux propriétaires en dépendent pour leur survie", indique le propriétaire Ayem Ojie à la BBC.

M. Ojie possède des appartements dans la banlieue d'Ikorodu à Lagos et a déclaré que lui et beaucoup d'autres propriétaires ont construit leurs propriétés pour financer leur retraite. "La planification financière est facile lorsque les fonds sont regroupés", confie-t-il.

Le mot "regroupé" revient souvent dans les discussions avec les propriétaires.

"L'entretien d'un immeuble exige des capitaux regroupés, pas au coup par coup", affirme Lekan Ade, propriétaire d'une maison dans le quartier de classe moyenne d'Illupeju, sur le continent.

La demande de logements dépasse l'offre à Lagos, et le secteur de la location est considéré comme un marché de vendeurs, où ceux qui possèdent la propriété peuvent fixer les conditions que les locataires doivent respecter.

Bien que le gouvernement affirme avoir construit 14 programmes de logements publics depuis 2019, où les occupants fonctionnaires paient des loyers modérés, il existe toujours un important déficit de logements qu'il a été laissé aux promoteurs privés de combler.

Les Nigérians ont l'habitude de payer d'avance

Ils construisent ce qu'ils veulent et facturent ce qu'ils veulent dans un secteur qui est à peine réglementé.

Mais de nombreux locataires qui ont déjà un logement ne sont pas si enthousiastes à l'idée de changer le système.

Les Nigérians ont l'habitude de payer d'avance pour des choses comme les voitures, les téléphones, les frais de scolarité, et il existe peu de possibilités de prêts hypothécaires pour ceux qui veulent acheter leur propre maison.

Adaobi Asuoha, qui vit dans le quartier de classe moyenne d'Ajah sur l'île de Lagos, préfère payer son loyer annuellement car cela lui permet d'être plus flexible financièrement pour le reste de l'année.

"Le paiement mensuel du loyer est une bonne chose, mais le paiement annuel élimine la pression. Il y a des mois où j'aurais besoin de tous mes revenus pour autre chose", raconte-t-elle à la BBC.

Elle rassemble son loyer en économisant un pourcentage de son salaire chaque mois, souligne Mme Asuoha.

Selon le banquier Kayode Omosebi, cet état d'esprit qui consiste à épargner de grosses sommes est le reflet de la culture nigériane du paiement anticipé.

Il pense que les Nigérians ne sont pas culturellement préparés pour les factures mensuelles ou le paiement à tempérament, et que les gens considèrent les loyers comme un investissement.

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"Dans un endroit où la sécurité de l'emploi et les autres factures ne sont pas garanties, les gens n'ont pas envie de plaisanter avec leur logement", dit-il. S'ils ont payé un an à l'avance, c'est quelque chose dont ils n'ont pas à se soucier avant 12 mois."

Mais il pense que si davantage de Nigérians ouvrent leur esprit aux paiements mensuels, "les choses deviendront forcément plus faciles". Même le gouvernement se rend compte que son ambitieux plan de paiements mensuels est à la merci des puissants propriétaires et pourrait être mort à l'arrivée.

"Nous savons que nous ne pouvons pas imposer la collecte mensuelle des loyers aux propriétaires", explique Toke Benson-Awoyinka, conseiller spécial du gouverneur de Lagos pour le logement.

Mais le gouvernement affirme que son nouveau programme a été conçu après consultation de toutes les parties prenantes et ne voit aucune raison pour qu'il ne fonctionne pas.