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Actualités of Tuesday, 13 September 2022

Source: Le Messager du 13-9-2022

Litige foncier : un ministre de Biya au tribunal des chefs traditionnels

Le ministre des Domaines, du cadastre et des affaires foncières est au banc des accusés Le ministre des Domaines, du cadastre et des affaires foncières est au banc des accusés

Le ministre des Domaines, du cadastre et des affaires foncières est au banc des accusés pour avoir débarqué sur l’île sans crier gare, s’être fait consacrer « fils adoptif » par un profane, et annoncé aux populations qu’il va « gratuitement » (sic) établir un titre foncier pour toute l’île. Les chefs traditionnels et les notables montent au créneau pour s’en insurger.

Tout commence le 06 mai 2022, lorsque deux vedettes conduites par des militaires de la Marine nationale accostent tout à trac, alors que personne ne s’y attendait, sur le débarcadère de Djebale, la paisible ile plantée au milieu du fleuve Wouri, à quelques encablures en amont de la ville de Douala. Les premiers surpris sont ces populations qui se consacraient aux préparatifs des cérémonies des obsèques officielles du Chef de 3e Degré de Djebale 1,Tanga Manga Alfred décédé quelques jours plus tôt. De ces embarcations descendent un homme tiré à quatre épingles accompagné d’une dame élégante – on apprendra plus tard qu’il s’agissait de son épouse - et de quelques autres quidams. En fait, le monsieur élégant tiré à quatre épingles n’était autre que le ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières, Henri Eyebe Ayissi, dont la venue, à l’évidence impromptue, sur cette île n’avait aucunement été annoncée de façon officielle. Que venait faire un grand membre du gouvernement à Djébalè où il n’avait jamais mis les pieds auparavant et où personne ne le connaissait ? Après avoir mis pied à terre, la haute personnalité se renseigne auprès de la première personne rencontrée sur le lieu où se trouve la tombe du chef du village de Djébalè 1 tout récemment décédé et inhumé.

Il est à préciser que le membre du gouvernement n’a jamais connu ce chef. Rendue sur la tombe, la haute personnalité s’inclinera sur la sépulture de façon théâtrale. C’est à ce moment que sont arrivés – et alors que personne du village ne les attendait non plus – le sous-préfet et le maire de Douala 4è et quelques autres personnes. En fait ces nouveaux arrivants venaient de se livrer à une véritable course de vitesse nautique sur les eaux du Wouri pour rattraper le ministre dont ils n’avaient appris le déplacement sur Djébalè que deux heures plus tôt. C’était donc pratiquement au pas de course qu’ils sont allés l’attendre sur le débarcadère de Bonassama, seul site d’embarcation en direction de l’île, d’où ils apprendront par téléphone, au bout de plus de deux heures et demie d’attente, que le ministre était déjà sur l’île.

Indélicatesse

C’est donc en vitesse qu’ils ont foncé vers Djébalè où ils ont trouvé Henri Eyebe Ayissi sur la tombe du chef du village. Parmi les arrivants, accompagnant les responsables locaux de l’administration et de la commune, il y avait quelques élites, et surtout un fils ordinaire de Djébalè – un certain Njonji Alexandre Parfait, exemployé de la CRTV, et licencié de ladite structure, se murmure-t-il, pour cause d’indélicatesses-qui, prenant les devants sur les autorités, salua chaleureusement le ministre, présenta le sous- préfet et le maire au ministre, et pratiquement d’autorité conduisit tout ce monde dans la concession d’un patriarche de Djébalè du nom de Dibobè Isaac, décédé quelques jours avant le chef de Djébalè 1. C’est sur ce lieu que, dans une sorte d’assise improvisée conduite par Njonji – sous le regard interloqué des notables du village qui ne lui reconnaissaient aucune qualité au village – que les villageois apprendront de la bouche de Njonji Alexandre que le ministre est un fils adoptif de Djébalè, et qu’il était venu leur annoncer sa grande décision d’aider la communauté toute entière.

Prenant la parole, le ministre Henri Eyebe Ayissi réaffirmera sa qualité de « fils adoptif » de Djébalè, et annoncera qu’il a décidé d’établir gratuitement pour les villages un titre foncier pour toute l’île, et que chacun pourra ainsi posséder son propre titre de propriété. Du jamais vu ! « Je représente, conclura-t-il, la seule voie pour aboutir efficacement et rapidement à cet objectif, à défaut, tout le monde perdra. » Le ministre profitera en tout cas de cette occasion pour prendre quelques photos devant l’école publique de Djébalè, sur lesquelles on le voit faire risette au milieu de quelques enfants rassemblés à la hâte par Njonji qui, selon toutes les apparences avait bien préparé cette mise en scène. Une mise en scène dont le clou aura été, au domicile du défunt patriarche Dibobé, une espèce de cérémonial traditionnel consistant à « adouber » le ministre comme fils de Djébalè, et même de lui faire solennellement porter le pagne (le Sanja). Sous la stupéfaction des élites et quelques notables qui, non seulement n’avaient pas été prévenus de ce cérémonial, mais surtout n’en reconnaissaient aucune qualité à Njonji Alexandre, l’officiant de ce qu’ils ont tout de suite qualifié de mascarade.

Descente impromptue du MINDCAF

Car ce dernier n’est ni patriarche, ni notable, ni même chef d’une famille pour « adouber » ou « bénir » qui que ce soit à Djébalè. Les élites présentes sur les lieux en ont eu le souffle coupé. Après tout ce cirque, le ministre quittera l’île pour s’en retourner à Douala avec un sourire d’une oreille à l’autre. C’est alors que les questions pleuvront par derrière : Qu’est ce qui pouvait expliquer cette descente impromptue du ministre des Domaines sur cette île où personne ne l’attendait ? Comment comprendre l’incroyable cirque improvisé par Njonji Alexandre, fils très ordinaire de Djébalè qui s’est même offert le luxe d’organiser effrontément un rituel aussi sensible sans la permission des autorités traditionnelles du village ?

C’est au milieu de ces conjectures que certaines langues révèleront que Njonji Alexandre et le défunt patriarche Dibobè Alexandre se seraient rendus à Yaoundé il y a quelques mois procéder à l’adoption et l’adoubement du ministre … dans son bureau ! Bien évidemment à l’insu des chefs des villages Djébalè 1 et Djébalè 2, ainsi que des notables. Plus tard Njonji s’activera de son propre chef à relever les noms des responsables de familles et de foyers de sa convenance présents sur les lieux aux fins de les remettre au ministre pour, leur disait-il, la suite de la procédure. Mais le plus curieux est que le ministre Henri Eyebe Ayissi qui avait quitté Yaoundé pour une visite de travail de deux jours à Douala n’en avait accompli que la moitié, consacrant son deuxième jour pour la descente à Djébalè qui n’était nullement prévu dans son programme officiel.


En effet, le programme de sa visite de travail avait prévu, pour la journée du 05 mai, la remise des titres fonciers aux clients Maetur.
Celle du 06 mai devait être consacrée à la visite de la réserve foncière de Mbwang Bakoko - du côté de Yassa -, la visite du complexe de l’ex-Cami à Akwa, et enfin la rencontre avec les personnels des services départementaux et régionaux du MINDCAF à Bonanjo. Ce qui est vrai est que le chronogramme de la journée du 05 mai avait été bien respecté, alors que celui du 06 mai a été supprimé et remplacé par le périple de Djébalè où le ministre s’est fait consacrer Djébalè de façon indue par un personnage sans qualité. Manœuvres malicieuses Autant de raisons surchargées de suspicions qui ont poussé les chefs et notables de la communauté Djébalè à subodorer légitimement une hypothétique opération mafieuse en gestation.

C’est en conséquence que le chef de Djébale 2 et le régent du village Djébale 1, ont adressé une mise en garde particulièrement pimentée au ministre. Une lettre dans laquelle ils n’ont pas caché leur désapprobation pour ces manœuvres malicieuses qui semblent vouloir ouvrir le champ à des captations de terres ou à une éventuelle expropriation – comme on en a vu à Douala ces dernières années – au détriment de leur île, non seulement vierge jusqu’aujourd’hui, mais en tout cas sanctuaire de la mystique traditionnelle Sawa. Dans cette lettre claire et sans langue de bois, la grande notabilité de Djébale a mis en garde le ministre et toute autre personne qui entreprendrait des initiatives tendant à porter atteinte à l’intégrité de l’île. Cette correspondance a été répercutée aux plus hautes instances de l’Etat, et même au président de la République, ainsi qu’aux autorités administratives et traditionnels locaux. Affaire à suivre !