Une femme s’est présentée devant le Tribunal administratif du Centre pour solliciter l’adjonction de son nom à un titre foncier vieux d’une trentaine d’années. Son voisin, propriétaire de la parcelle, met sa démarche en justice sous le coup de la cupidité. Le tribunal ira sur les lieux pour comprendre les contours de l’affaire.
Le titre foncier N° 918/Nyong et Sanaga (devenu aujourd’hui Mfoundi) est au centre d’un litige entre voisins depuis que Marie Françoise Ntsama veut que son nom y soit inscrit comme copropriétaire. Pour formuler la demande au Tribunal administratif du Centre, la femme invoque une exploitation du site dans les années 50 par son père, de son vivant. Habitante du quartier Odza, dans l’arrondissement de Yaoundé IV, la plaignante explique que son père avait investi sur plusieurs terrains dans la zone.
Il les exploitait en y faisant des plantations et avait également construit une maison. Après son décès, la famille a continué à entretenir les investissements. C’est «en voulant sécuriser» un des terrains proches des parcelles du ministre Philippe Mbarga Manga qu’elle se serait rendu compte que ce dernier a occupé une bonne partie des terres qui appartenaient à son père. D’où la saisine de la justice. Une version peu cohérente selon ses adversaires.
«Le titre foncier N° 918 a été fait au moment où leur père était vivant Pourquoi ne s’y est-il pas opposé ? C’est un financier arrivé plus tard qui voudrait occuper cet espace réclamé», pense l’avocat de Philippe Mbarga et Marie Biloa, les voisins. Selon M. MBarga, Mme Ntsama aurait déjà immatriculé toutes les terres léguées par son père. C’est pour rémunérer les services d’un financier, qui aurait fourni les fonds pour les démarches, qu’elle voudrait une partie des terres de ses clients. Pour preuve, l’avocat révèle au tribunal que la plaignante a fait immatriculer plusieurs autres de leurs terrains sans se soucier de celui qu’occupe Philippe Mbarga Manga alors que les parcelles en question sont limitrophes.
Procès d’intention
«Marie Françoise passait donc chaque jour devant le N° 918 sans rien dire alors qu’elle pouvait en réclamer la propriété si son père y avait eu des droits», s’étonne l’homme en robe noire. Par ailleurs, il ne comprend pas que Mme Ntsama ait déclaré que c’est en voulant sécuriser son terrain qu’elle y retrouva les mises en valeur de son voisin. «Est-ce que en 2018 on pense à sécuriser un espace comme celui-là ?», s’étonne encore l’avocat, qui classe ces allégations dans la case des prétextes pour grignoter les avoirs de Philippe Mbarga Manga. Il s’opposera du reste à la descente du tribunal sur le terrain.
Il n’y a pas de délai pour sécuriser un site, répliquera le ministère public quelques instants plus tard Ce serait un «procès d’intention» que d’affirmer que les déclarations de Marie Françoise Ntsama visent à faire installer son financier sur les terres de son contradicteur. En outre, la magistrate du ministère public trouve assez curieux que le conseil de M. Mbarga s’oppose à la descente sur le terrain du tribunal afin de vérifier les allégations de l’une et l’autre partie. L’opposition lui semble également inconnue étant donné que l’avocat lui-même venait de confier au tribunal que la tentative de prénotation du titre foncier par Mme Ntsama a échoué.
L’avocat justifiera sa réserve par le fait que tous les documents nécessaires pour connaître la genèse et le nœud du litige foncier ont déjà été versés au dossier. Selon lui, ils sont assez détaillés pour renseigner le tribunal
Au contraire, ordonner une descente sur les lieux mettrait son client en difficulté pour la simple raison qu’il devrait payer seul les frais nécessaires pour le déplacement du tribunal «Les autres ont juste engagés la procédure et depuis que les audiences se déroulent ils ne sont plus venus» balbutie l’avocat. Ensuite, le conseil de Philippe Mbarga fait remarquer qu’en 1959, date d’immatriculation du terrain de son client, l’attribution du document foncier se faisait à la suite d’un jugement public.
Pour lui, il est donc impossible que te défunt père de la plaignante, qui vivait encore, n’en ait pas eu vent S’il ne s’est pas opposé, c’est qu’il était d’accord avec le jugement rendu, argue-t-il Même si lui ne te savait pas, au moins l’un des riverains ameutés par l’annonce de l’audience l’aurait informé en admettant qu’un tiers aurait voulu s’approprier son terrain ajoutera l’avocat.
Descente ordonnée
De plus, avec le contexte actuel le plaideur est étonné qu’un propriétaire de terrain déclare qu’il ne surveille pas ses richesses foncières au moins de ne se rendre compte qu’ils sont envahis, en 2018. Pour plus de précision, il décrit la zone, Odza borne 10, comme étant totalement envahie par les habitations.
Une situation qui devrait alerter un propriétaire aussi négligeant soit-il à protéger son terrain, selon l’avocat. «Il n’y a plus aucun endroit libre dans la zone. Le problème c’est qu’une personne se réveille plus d’une trentaine d’années plus, tard et dit que son père aurait occupé une superficie du 918. Ensuite, elle veut qu’on y introduise son nom», tente désespérément de faire comprendre l’incohérence de l’histoire de Marie Françoise Ntsama.
Pour te tribunal le jugement en droit coutumier exercé fait autorité. Les personnes ayant statué lors de l’attribution du titre foncier à Philippe Mbarga sont donc reconnues au même titre qu’un tribunal actuel De ce fait, le président du collège des juges se rétracte pour la descente. «Nous ne pouvons pas repartir sur te terrain pour remettre cela en cause», avouera-t-il Une intervention qui abonde dans le sens du conseil du défendeur. Sauf qu’en fin d’audience, le tribunal va se prononcer pour la descente sur les lieux. Philippe Mbarga devra débourser la somme de 300 mille francs afin que le tribunal aille constater de lui-même les faits expliqués dans cette affaire. C’est un préalable pour la suite de l’affaire.