Actualités of Wednesday, 13 July 2022
Source: www.camerounweb.com
Au Cameroun, la pluralité des médias contraste avec la situation des droits de l’homme, notamment la liberté de la presse. Les crises politiques et sécuritaires auxquelles est confronté le pays rendent encore plus vulnérables les journalistes et médias indépendants. Intimidations, incarcérations, tortures, assassinats, les professionnels de médias sont régulièrement victimes de nombreuses exactions au Cameroun. Reporters Sans Frontière a d’ailleurs classé le Cameroun parmi les pays où il est dangereux d’exercer le métier de journaliste. En 2022, la situation des journalistes reste inquiétante au Cameroun.
Réélu en 2018 pour un nouveau mandat de 7 ans à l’issue d’un scrutin contesté par une partie de l’opposition, Paul Biya (89 ans) dirige le Cameroun sans partage depuis 1982. Ses adversaires politiques ainsi que les médias qui dénoncent sa politique sont régulièrement persécutés. Maurice Kamto, le président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), challenger de Paul Biya lors de la dernière présidentielle, a été libéré le 05 octobre 2019 après huit (8) mois de détention à la prison centrale de Yaoundé. Les médias et journalistes qui dénoncent les arrestations arbitraires sont des cibles pour le régime de Yaoundé. C’est ainsi que le web activiste Sébastien Ebala, promoteur de la chaîne Youtube Mediatik Info a été interpellé le 17 avril 2020 et jeté en prison pour avoir projeté une manifestation contre le pouvoir de Paul Biya. La rédaction de CamerounWeb a régulièrement dénoncé cette arrestation. Le Prix spécial Paul Chouta pour la liberté de presse a été décerné en 2021 à Sébastien Ebala lors de la première édition des CamerounWeb Awards. Le 27 mai 2022, le web activiste fut libéré. Dans son message de remerciement adressé au peuple camerounais, Sébastien Ebala évoque les actes de torture qu’il a subis durant sa détention.
« J’ai été torturé à mort pour que je livre le nom de Maurice Kamto, le président élu. J’ai dit non. J’ai subi des coups de poing. J’ai été humilié. J’ai été déshumanisé pendant ce temps à la sécurité militaire par les hommes de Joël Émile bamkoui en sa présence. Il m’a fait comprendre qu’il pouvait me tuer et faire le rapport que l’opération s’est mal passé. », a-t-il écrit. Des dizaines de prisonniers politiques croupissent encore dans les prisons du Cameroun.
Musèlement de la presse libre
La rédaction de CamerounWeb figure également parmi les médias victimes des percussions de la part des autorités camerounaises. Au lendemain de la présidentielle de 2018, la situation était électrique au Cameroun. Maurice Kamto déclaré 2ème avec 14,23% des suffrages (contre 71,28% pour Paul Biya) par la commission électorale (Elecam), conteste sa défaite et s’autoproclame « président élu » du Cameroun. CamerounWeb qui a largement couvert cette actualité a vu son site web bloqué au Cameroun pendant plusieurs mois. Le média était inaccessible au Cameroun chez presque tous les principaux fournisseurs d’accès internet. Les journalistes de la rédaction sont régulièrement menacés sur les terrains de reportage.
Le 28 mai 2019, le responsable de la section d'investigation de Cameroun, Paul Chouta est arrêté et jeté en prison pour diffamation. Plusieurs organisations internationales dont Reporters Sans Frontières ont jugé illégale et arbitraire cette arrestation. « Il y a un décalage abyssal entre les faits qui sont reprochés à ce journaliste et le traitement qui lui est réservé depuis deux ans », a dénoncé le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. Paul Chouta fut finalement libéré le 30 mai après avoir séjourné pendant deux ans à la prison centrale de Yaoundé.
Les médias en ligne ne sont pas les seuls dans le viseur des autorités camerounaises. Le 1er avril 2022, le Conseil National de la Communication (CNC) a sanctionné sévèrement deux cadres de la chaîne de télévision privée Equinoxe Tv. Le directeur général Tchounkeu Sévérin est interdit de la profession de journaliste et de la fonction de directeur de publication pendant un mois. Son rédacteur en chef Cedric Noufele écope aussi d’une suspension d’activité d’un mois. Il est reproché à Cedreic Noufele un manque d’encadrement des panélistes de l'émission “Droit de réponse” du 27 février 2022. Equinoxe Tv est régulièrement accusé sans preuve par Yaoundé de soutenir les groupes armés séparatistes et les formations politiques de l’opposition.
Journalistes agressés et assassinés
Depuis sa remise en liberté en 2021, le journaliste de CamerounWeb, Paul Chouta a subi plusieurs autres agressions. Ses données personnelles contenues dans ses téléphones portables au moment de son arrestation sont divulguées sur internet. Le 09 mars 2022, il est enlevé à Yaoundé puis transporté dans une banlieue où il a été longuement torturé. Totalement mis à nu, Paul Chouta a été fouetté avant d’être lapidé par ses agresseurs. « Ils m’ont dit que cette fois ils me tueraient, parce que je voulais montrer que j’étais un héros. », confie Paul Chouta. Il fut laissé pour mort lorsque le journaliste perdit connaissance. Les auteurs de cette agression barbare contre le journaliste n’ont pas été inquiétés malgré la plainte déposée auprès des forces de sécurité. La répression des journalistes au Cameroun a amené la direction de CamerounWeb à délocaliser une partie de la rédaction dans d’autres pays.
Si Paul Chouta a eu la chance d’être encore en vie, tel n’est pas le cas pour le journaliste et présentateur de Chillen Media Television, Samuel Abuwe alias Samuel Wazizi. Interpellé à Buéa dans la région du Sud-Ouest le 2 août 2019 par le 31e Bataillon d’Infanterie Motorisée (BIM), Wazizi était soupçonné d’être un des complices des groupes armés séparatistes qui combattent l’armée régulière dans les régions anglophones du Cameroun depuis 2016. Il décède en détention en secret alors que son audience se poursuivait devant les tribunaux. Le 02 juin 2020, « Equinoxe TV révèle en exclusivité que Samuel Wazizi est mort. Selon des sources proches de la haute hiérarchie militaire, à la suite de son arrestation à Buea, il a subi des sévices à tel point que son état de santé s’est dégradé ». La mort du journaliste fut par la suite confirmée par les autorités militaires camerounaises. Malgré les appels des organisations internationales et des chancelleries occidentales à faire la lumière sur les circonstances de la mort de Wazizi, le mystère reste entier.
Les prochaines échéances électorales (présidentielle 2025) qui pointent à l’horizon font craindre la recrudescence des agressions des professionnels de médias.