Actualités of Tuesday, 25 November 2025

Source: www.camerounweb.com

Libération d'Amougou Belinga: Vision 4 donne le ton, les derniers rebondissements dans le dossier Martinnez Zogo

Dans un geste sans précédent depuis l'ouverture du procès de l'assassinat de Martinez Zogo, Vision 4, la chaîne de télévision propriété de Jean-Pierre Amougou Belinga, a diffusé ce lundi un reportage en direct depuis le Tribunal militaire de Yaoundé. Une première qui intervient au moment même où un témoignage clé pourrait modifier substantiellement la donne judiciaire pour le magnat des médias, jusqu'ici présenté comme le commanditaire présumé du crime.


Depuis le début de cette affaire qui secoue le Cameroun depuis janvier 2023, Vision 4 avait observé une discrétion quasi totale sur le procès impliquant son propriétaire. Ce silence, compréhensible au regard des enjeux judiciaires, contrastait avec l'ampleur de la couverture médiatique nationale et internationale de l'affaire Martinez Zogo.

Le choix de rompre ce silence précisément le 24 novembre 2025 n'est évidemment pas anodin. C'est ce jour-là qu'Alain Ékassi, témoin du ministère public présenté comme un agent de renseignement civil et ancien garde du corps de Martinez Zogo, a livré une déposition potentiellement favorable à Amougou Belinga en désignant Martin Savom, maire de Bibey, comme "le principal auteur de l'assassinat" du journaliste.


La décision de Vision 4 de couvrir en direct cette audience particulière souligne l'importance stratégique du témoignage d'Alain Ékassi pour la défense d'Amougou Belinga. En effet, si le maire de Bibey devait être reconnu comme l'auteur principal du crime, et non plus simplement comme un complice, cela modifierait profondément l'architecture de l'accusation qui pesait jusqu'ici sur le patron de médias.


Depuis l'ouverture du procès le 25 mars 2024, Jean-Pierre Amougou Belinga occupait le centre du dispositif accusatoire en tant que commanditaire présumé. Les enquêteurs s'appuyaient notamment sur les relations conflictuelles entre lui et Martinez Zogo, animateur vedette de l'émission "Embouteillage" sur Amplitude FM qui le critiquait régulièrement.

Comme l'avait révélé Jeune Afrique en avril 2024, l'analyse des téléphones avait confirmé qu'ils étaient "à couteaux tirés". Le journaliste avait confié à plusieurs interlocuteurs : "C'est Amougou Belinga qui m'a envoyé en prison" et "Quand je pense que je soutenais Amougou Belinga, et il me poignarde dans le dos."

La présentation d'Alain Ékassi comme "agent de renseignement civil et garde de Martinez Zogo" confère un poids particulier à son témoignage. Cette double qualité suggère qu'il disposait à la fois d'une proximité avec la victime et de compétences professionnelles en matière de sécurité et de renseignement, le rendant potentiellement bien informé des menaces qui pesaient sur le journaliste.

Son appartenance aux services de renseignement civil soulève également des questions sur ce qu'il savait des véritables commanditaires de l'assassinat et sur les raisons pour lesquelles il n'a pas pu protéger efficacement Martinez Zogo lors de son enlèvement le 17 janvier 2023 devant la gendarmerie de Nkol Nkondi.

La couverture en direct par Vision 4 s'inscrit manifestement dans une stratégie de communication visant à modifier la perception publique de l'implication d'Amougou Belinga. Après près de trois ans de silence médiatique sur le procès, la chaîne choisit précisément le moment où un témoignage "décharge un peu" son propriétaire pour reprendre la parole.

Ce timing parfait suggère une coordination entre l'équipe de défense d'Amougou Belinga et sa rédaction, permettant de maximiser l'impact du témoignage d'Ékassi auprès de l'opinion publique camerounaise. En diffusant en direct depuis le tribunal militaire, Vision 4 donne à ses téléspectateurs l'impression d'une transparence totale, tout en mettant en avant les éléments favorables à son propriétaire.

Pour autant, la défense d'Amougou Belinga ne peut crier victoire trop rapidement. Le fait qu'Alain Ékassi présente Savom comme "le principal auteur" ne signifie pas nécessairement qu'il soit le seul responsable, ni qu'il n'ait pas agi sur instruction d'un commanditaire. La question centrale reste de savoir pour le compte de qui Martin Savom aurait organisé l'assassinat de Martinez Zogo.

Les révélations de Jeune Afrique avaient montré que Savom, qui avait travaillé à la présidence en 2012, était "réputé être un proche du secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh". Cette connexion avec l'un des hommes les plus puissants du régime ouvre la possibilité d'une autre chaîne de commandement, distincte de celle impliquant Amougou Belinga.

La diffusion en direct par Vision 4 marque également le retour d'Amougou Belinga sur le terrain médiatique dont il a été longtemps écarté depuis son incarcération. Le magnat des médias, qui contrôle également le quotidien L'Anecdote, semble vouloir reprendre la main sur le narratif de cette affaire qui a profondément ébranlé son empire médiatique et sa réputation.
Cette couverture intervient à un moment crucial du procès, alors que les témoignages s'accumulent et que les contours de la vérité commencent peut-être à se dessiner. Pour les observateurs de l'affaire, le fait que Vision 4 rompe le silence précisément maintenant constitue un indicateur de l'espoir que nourrit la défense d'Amougou Belinga de voir son client partiellement ou totalement déchargé.

Reste à savoir si les prochaines audiences confirmeront cette orientation favorable ou si d'autres témoignages viendront compliquer davantage la situation du patron de médias. Une chose est certaine : en reprenant la parole médiatique, Amougou Belinga signale qu'il n'entend pas subir passivement le cours de la justice et qu'il compte bien faire valoir sa version des faits devant l'opinion publique.