Le ministère de l'Administration territoriale dénonce des "actes de provocation" et des "troubles" manipulés depuis l'étranger dans un communiqué publié le 21 octobre
Alors que le Cameroun attend la proclamation officielle des résultats de l'élection présidentielle du 12 octobre par le Conseil constitutionnel, le gouvernement hausse le ton. Dans un communiqué radio-presse daté du 21 octobre et signé par le ministre de l'Administration territoriale Paul Atanga Nji, les autorités annoncent que vingt personnes ont été déférées devant les tribunaux militaires à Garoua, capitale de la région du Nord, suite à des incidents post-électoraux.
Le document officiel révèle qu'à la suite "d'actes d'incitation à la violence et à l'insurrection", plusieurs interpellations ont eu lieu à Garoua. "Parmi les personnes interpellées, vingt (20) seront déférées devant les tribunaux militaires pour répondre des faits d'insurrection et d'incitation à la rébellion", précise le communiqué.
D'autres individus, dont le nombre n'est pas précisé, ont été "acheminés vers Yaoundé pour la poursuite des enquêtes", suggérant que les investigations se poursuivent et que le bilan des arrestations pourrait s'alourdir dans les prochains jours.
Le ministre Atanga Nji utilise des termes particulièrement virulents pour qualifier la nature de ces troubles. Le gouvernement "observe avec préoccupation la montée d'actes de provocation et de désordre entretenus par certains fauteurs de troubles, manipulés par des instigateurs dissimulés à l'intérieur du pays et des agitateurs opérant depuis l'étranger", peut-on lire dans le document.
Le communiqué va plus loin en rappelant "avec la plus grande fermeté" qu'il "ne tolèrera aucune atteinte à l'ordre public", avertissement qui sonne comme une mise en garde à l'ensemble des acteurs politiques et de la société civile.
Le choix de Garoua comme lieu de ces interpellations n'est pas anodin. Cette ville, capitale de la région du Nord, est considérée comme un bastion d'Issa Tchiroma Bakary, principal opposant à Paul Biya lors de cette élection présidentielle. L'ancien ministre, originaire de cette région, y a mené une campagne particulièrement active et revendique la victoire dans cette zone.
Les incidents qui ont conduit à ces arrestations se sont produits dans un contexte de forte contestation des résultats provisoires qui donnent Paul Biya vainqueur avec 53 à 54% des voix. L'opposition dénonce des fraudes massives et publie ses propres procès-verbaux sur les réseaux sociaux.
Malgré la fermeté du ton, le ministre de l'Administration territoriale commence son communiqué par un appel au calme. Il "invite les citoyens à garder leur calme et à demeurer confiants dans les institutions républicaines chargées du processus électoral."
"Cette période requiert du sang-froid, du civisme et un attachement indéfectible à la paix et à l'unité nationale", insiste le document officiel, soulignant la fragilité du climat social en cette période post-électorale.
Le ministre réaffirme "avec force la détermination du Gouvernement à préserver la paix, la stabilité et l'intégrité du territoire national." Il exhorte les populations "à se désolidariser de toute entreprise subversive et à collaborer avec les autorités compétentes pour que le Cameroun demeure un État de droit, fort et indivisible."
Cette rhétorique gouvernementale, qui qualifie les manifestations de contestation d'"entreprise subversive" et d'"insurrection", témoigne de la nervosité des autorités face à la montée des tensions post-électorales.
Le choix de déférer les personnes interpellées devant des tribunaux militaires plutôt que devant la justice civile soulève des questions sur la qualification juridique des faits reprochés. Les accusations d'"insurrection" et d'"incitation à la rébellion" sont des infractions particulièrement graves qui relèvent de la compétence des juridictions militaires.
Cette option judiciaire intervient dans un contexte où plusieurs organisations de défense des droits de l'homme observent avec attention le traitement réservé aux contestataires post-électoraux dans différents pays africains.
Ces interpellations surviennent à un moment crucial, alors que le Conseil constitutionnel doit proclamer les résultats définitifs de l'élection présidentielle au plus tard le 26 octobre. Les audiences de contentieux post-électoral ont débuté ce 22 octobre, même si l'opposition a choisi de ne pas se pourvoir devant cette instance.
Le gouvernement espère manifestement que ces arrestations et les mises en garde fermes du ministre de l'Administration territoriale suffiront à dissuader toute tentative de mobilisation de rue dans les prochains jours, période potentiellement explosive avant et après l'annonce officielle des résultats.