Vous-êtes ici: AccueilActualités2017 03 10Article 408136

Actualités of Vendredi, 10 Mars 2017

Source: cameroon-info.net

Les camerounais meurent en silence sous Biya - Jean Pierre Bekolo

Auteur-réalisateur, Jean Pierre Bekolo Obama Auteur-réalisateur, Jean Pierre Bekolo Obama

Dans une interview accordée au journal français Le Monde et publié le jeudi 9 mars sur son site internet, Jean Pierre Bekolo Obama a été amené à se prononcer sur la crise anglophone qui secoue les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun depuis bientôt cinq mois. Pour lui, pour comprendre la crise, il faut se replonger dans l’histoire de ce pays «créé» par les Allemands à la fin du XIXe siècle.

«La défaite allemande lors du premier conflit mondial a fait du Cameroun un butin de guerre que les Français et les Anglais se sont partagé. La crise anglophone actuelle démontre à quel point nous, les francophones du Cameroun, avons intégré le modèle colonial français et avons développé une psychologie de vaincus après une guerre de libération nationale que nous avons perdue à la fin des années 1960», explique le cinéaste.

«Le régime francophone a pris les armes de l’oppresseur français pour s’en servir contre les anglophones parce qu’ils ont osé remettre en question un modèle qui les a «francophonisés». C’est une guerre étrange qui a des fondements psychiques profonds. La crise anglophone et la francophonie du Président Paul Biya, qui cumule quarante et une années au pouvoir, sont le résultat de ce long processus historique. Cette histoire désastreuse ne pouvait laisser que des souffrances chez les anglophones», analyse Bekolo.

En tant qu’artiste, Jean Pierre Bekolo se considère comme un «radiologue de la société». En tant que tel, il déclare que «les années Biya ont fait des Camerounais un peuple porc-épic. Comme l’animal, les gens meurent en silence. Imaginez que, dans notre pays bilingue, des Camerounais reprochent tous les jours à d’autres Camerounais d’oser crier leur mal-être parce que leur identité anglophone n’est pas respectée. L’heure n’est plus au bilan, elle est à l’organisation d’une transition démocratique. On ne peut plus attendre je ne sais quel messie pour faire ce travail à notre place».

Interrogé sur sa contribution dans la résolution de cette crise, «elle passe par plusieurs canaux. Je parle à mes concitoyens, j’écris des articles, je tiens un blog et je fais des films, parfois sur des sujets brûlants. Mon film, Le Président. Comment sait-on qu’il est temps de partir ? (2013) n’est pas un portrait du Président Biya. C’est tout simplement une manière d’introduire la question de la fin de règne que les Camerounais, lui compris, n’osent pas aborder. Nous devons tirer les leçons de la fin désastreuse des longs règnes de Mobutu au Congo et de Houphouët en Côte d’Ivoire, pour ne citer qu’eux», affirme-t-il.