Actualités of Sunday, 2 November 2025

Source: www.camerounweb.com

Le peuple descend dans la rue pour crier son désespoir" : Mgr Kleda donne de la voix après les violences post-électorales

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C'est un texte de quatre pages, dense et percutant, qui a été rendu public ce samedi depuis l'Archevêché de Douala. Un document qui tranche avec la prudence habituelle des autorités religieuses camerounaises face aux crises politiques.


Mgr Samuel Kleda n'a pas attendu que la poussière retombe. Alors que le Cameroun panse encore ses plaies après les violences qui ont suivi la proclamation des résultats de la présidentielle du 12 octobre, l'Archevêque de Douala prend la plume pour dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas.

"La proclamation des résultats avec la déception et l'indignation qu'elle a ravivée dans la pensée et le cœur d'un grand nombre de nos compatriotes, a donné lieu à des marches et manifestations à caractère pacifique", écrit-il d'emblée, reconnaissant implicitement la légitimité de la frustration populaire.


Mais c'est dans la description des événements que le prélat se fait le plus précis. Édifices publics détruits, commerces pillés, violences physiques, intimidations, arrestations... Mgr Kleda liste méthodiquement ce qu'il a vu et entendu dans les rues de Douala et d'autres villes camerounaises.

"Il y a eu de nombreuses arrestations et des assassinats ont eu lieu parmi les jeunes et cela se poursuit", témoigne-t-il avec gravité. Une phrase qui fait froid dans le dos et qui suggère que les violences ne sont pas terminées.


L'originalité de cette déclaration réside aussi dans l'usage de statistiques précises. Mgr Kleda ne se contente pas de généralités pieuses. Il cite des chiffres : 74% de chômage, 37,7% de taux de pauvreté en 2024, 10,1 millions de Camerounais vivant sous le seuil de l'ONU, plus de 6 millions sur les routes de l'exil.

Des données qui donnent du poids à son argumentation et qui montrent que l'Église a fait ses devoirs avant de prendre la parole. "Le peuple est inquiet de cette situation qui perdure", martèle-t-il, se faisant le porte-voix de ceux qui n'ont pas de tribune.


L'Archevêque ne se contente pas de constater. Il interpelle directement les autorités avec une formule biblique cinglante : "Soyez les pasteurs du troupeau de Dieu qui se trouve chez vous ; veillez sur lui, non par contrainte mais de plein gré, selon Dieu ; non pour cupidité mais par dévouement".
Une manière élégante mais ferme de rappeler aux gouvernants leurs responsabilités et de dénoncer une gestion du pouvoir qu'il juge trop autoritaire.


Au final, Mgr Samuel Kleda mise sur "une prise de conscience collective" pour sortir de la crise. Un appel qui s'adresse autant aux manifestants qu'aux forces de l'ordre, autant à l'opposition qu'au pouvoir en place.

En cette veille de Toussaint, sa prière pour le Cameroun résonne comme un dernier espoir : que la sagesse l'emporte sur la violence, que le dialogue remplace les affrontements. Mais pour combien de temps l'Église pourra-t-elle jouer ce rôle de médiateur dans un pays où les positions semblent de plus en plus irréconciliables ?