La crise qui secoue le football centrafricain depuis plusieurs mois vient de franchir un nouveau cap. Le ministre de la Jeunesse et des Sports, Héritier Doneng, a annoncé mardi la suspension avec effet immédiat des hauts responsables de la Fédération centrafricaine de football (FCF), y compris son président Célestin Yanindji.

Cette décision radicale intervient dans un contexte de bras de fer autour de la nomination controversée de Rigobert Song à la tête de la sélection nationale des Fauves.

Le feuilleton a débuté en janvier 2025 lorsque l'ancien sélectionneur du Cameroun a été nommé à la tête des Fauves centrafricains. Cette nomination, orchestrée par l'homme d'affaires camerounais Joël Kouemouo, conseiller du président Faustin-Archange Touadéra, s'est faite sans consultation de la FCF.
Le ministre Doneng s'était même rendu personnellement à Douala pour négocier les termes du contrat de Song en présence de Samuel Eto'o. Le Camerounais a même été reçu en grande pompe par le président Touadéra, avec séance photos officielle à l'appui.

Cependant, la Fédération centrafricaine refuse catégoriquement d'avaliser ce recrutement. "Nous n'avons jamais eu connaissance d'un dossier relatif à Rigobert Song. Son nom ne figurait pas sur la liste des candidats présélectionnés lors de l'appel d'offres", confie une source au sein de la FCF selon nos informations.

Cette opposition a des conséquences concrètes : lors des deux derniers rassemblements de la sélection, c'est le staff choisi par Célestin Yanindji, et non Rigobert Song, qui a dirigé les Fauves. Le Camerounais, pourtant sous contrat pour deux ans avec un salaire mensuel supérieur à 4 millions de francs CFA, n'a jamais pris ses fonctions.

Dans son communiqué de suspension, le ministre Doneng reproche aux dirigeants de la FCF "une mauvaise gestion de l'équipe nationale des Fauves, une mauvaise gestion des fonds alloués et des violations flagrantes à répétition". L'intérim sera désormais géré par l'inspection nationale des sports.

Cette crise dépasse le cadre sportif et divise jusqu'au gouvernement centrafricain. "Plusieurs ministres désapprouvent les décisions prises par leur collègue des Sports. Il aurait été plus simple de consulter Yanindji pour éviter ces polémiques inutiles", déplore une source au sein de l'exécutif.
Célestin Yanindji, ancien ministre des Finances, bénéficie du soutien de nombreux acteurs du football et peut se targuer d'une proximité avec le président Touadéra. Une source proche du chef de l'État dénonce même la manœuvre du ministre des Sports : "L'image du président Touadéra a été utilisée pour masquer le désordre. Le président soutient Yanindji, qui est chargé de la gestion du football national."

La crise inquiète les instances internationales. Selon nos informations, la FIFA a adressé une lettre datée du 10 mars à la FCF, lui demandant de clarifier la situation dans les plus brefs délais sous peine de sanctions. Célestin Yanindji devait remettre cette correspondance lors d'une audience avec le ministre des Sports le 21 mars.

Malgré son contrat en bonne et due forme, l'avenir de Rigobert Song reste plus qu'incertain. "Song a signé son contrat, mais il risque de ne jamais être payé", confie une source au Trésor public, évoquant les préoccupations du président Touadéra concernant les décisions susceptibles de creuser le déficit des finances publiques.