Actualités of Wednesday, 12 November 2025
Source: www.camerounweb.com
De 1982 à 2025, Paul Biya n'a cessé de neutraliser les élites du Nord camerounais, bastion de son prédécesseur Ahmadou Ahidjo. Une enquête exclusive de Jeune Afrique sur quatre décennies de stratégie politique.
L'analyse de Jeune Afrique révèle qu'en 1988, six ans après son accession au pouvoir, Paul Biya reste "encore très marqué par la tentative de putsch de 1984, menée par des officiers favorables à l'ancien président Ahmadou Ahidjo". Sa réponse : garder "comme ministres des notables du septentrion qu'il considère comme fidèles à sa personne".
Notre investigation montre comment Sadou Hayatou, figure nordiste de confiance, passe de l'Aménagement du territoire aux Finances, poste stratégique. Ibrahim Mbombo Njoya hérite de l'Aménagement. Cette redistribution des cartes vise, selon Jeune Afrique, à créer une nouvelle élite septentrionale, loyale à Biya plutôt qu'à la mémoire d'Ahidjo.
Jeune Afrique a identifié un schéma récurrent dans les six remaniements post-électoraux analysés. En 1992, Biya "trahit" Bello Bouba Maïgari pour s'attacher Hamadou Moustapha et Issa Tchiroma Bakary. En 1997, il "fait une place" à Bello Bouba au Développement industriel, avant de le confiner au Tourisme en 2011.
Les révélations de Jeune Afrique montrent que cette stratégie permet de neutraliser les velléités d'autonomie politique du Nord. Amadou Ali, autre figure nordiste, illustre parfaitement ce système : ministre de la Défense en 1997, vice-Premier ministre en 2004 et 2011, il est finalement écarté du gouvernement en 2019 après des décennies de loyaux services.
L'enquête de Jeune Afrique établit que la candidature de Tchiroma Bakary à la présidentielle de 2025 représente l'échec le plus cuisant de cette politique de cooptation. Pour la première fois, un ancien cacique du Nord, formé et promu par le régime pendant trente-trois ans, conteste frontalement le système.
Réfugié au Nigeria, Tchiroma "continue de contester la victoire de Paul Biya", révèle Jeune Afrique. Cette dissidence inédite d'un ancien ministre de la Communication, porte-voix du régime pendant des années, symbolise l'épuisement d'un modèle : celui de la domestication des élites septentrionales par la distribution de postes ministériels.
Notre investigation rappelle que Tchiroma n'est pas le premier dissident nordiste. Marafa Hamidou Yaya, secrétaire général de la présidence de 1997 à 2002, puis ministre de l'Administration territoriale, a connu une disgrâce spectaculaire. Mais aucun n'était allé jusqu'à défier Biya lors d'une présidentielle.
Jeune Afrique révèle ainsi que le prochain remaniement sera scruté avec attention dans le Nord : Biya trouvera-t-il de nouvelles figures à coopter, ou le vivier des notables septentrionaux prêts à le servir s'est-il définitivement tari après l'épisode Tchiroma ?