Le ministre camerounais de la Justice effectue un retour en demi-teinte à Yaoundé, tandis que les tensions persistent au sein de son ministère.
Après cinq mois d'absence pour raisons médicales, Laurent Esso, ministre camerounais de la Justice et Garde des Sceaux, a discrètement regagné le Cameroun. Son retour s'est effectué à bord d'un vol spécial en provenance de Genève, affrété par le président Paul Biya et immatriculé TC-FMH, témoignant de l'attention particulière accordée par le chef de l'État à son collaborateur.
Installé dans sa résidence du quartier Mvan, en périphérie de Yaoundé, le ministre reste officiellement en convalescence et maintient ses distances avec les activités administratives courantes. Cette prudence sanitaire n'empêche cependant pas Laurent Esso de reprendre progressivement ses activités politiques.
En tant que chef de délégation permanente du comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) dans le Littoral, il a récemment signé une circulaire de mobilisation pour les célébrations du 40e anniversaire du parti au pouvoir. Bien qu'il se soit fait représenter par Stéphane Ngwanza lors de ces événements, ce geste marque symboliquement son retour dans l'arène politique camerounaise.
L'absence prolongée du ministre titulaire a mis en lumière les limites institutionnelles du système camerounais. Son ministre délégué, Jean de Dieu Momo, qui assure l'intérim, se trouve confronté à des contraintes juridiques importantes. En effet, les intérimaires ne peuvent qu'expédier les affaires courantes sans prendre d'engagements majeurs, une situation qui complique la gestion des dossiers sensibles.
Cette limitation s'est particulièrement manifestée dans le conflit qui oppose le ministère de la Justice au secrétariat général de la présidence, dirigé par l'influent Ferdinand Ngoh Ngoh, autour du règlement d'honoraires de 2,1 millions d'euros au cabinet d'avocats français Jeantet.
Ce différend administratif s'inscrit dans le cadre plus large de l'affaire Sundance, où l'État camerounais fait face à une réclamation potentielle de 5,5 milliards de dollars de la part de l'entreprise minière australienne évincée de la mine de fer de Mbalam. La gestion de ce dossier explosif illustre les enjeux de pouvoir qui traversent l'administration camerounaise.
Le bras de fer entre Jean de Dieu Momo et Ferdinand Ngoh Ngoh s'est finalement soldé par la victoire du secrétaire général de la présidence, qui a obtenu le paiement des honoraires du cabinet Jeantet pour poursuivre la procédure d'arbitrage international.
Le retour de Laurent Esso intervient donc dans un contexte institutionnel tendu, où les équilibres de pouvoir au sein de l'exécutif camerounais continuent de se redéfinir. Son statut de convalescent lui permet d'observer cette recomposition depuis sa résidence, tout en gardant un œil sur les développements politiques et judiciaires majeurs.
La discrétion qui entoure sa reprise d'activité reflète sans doute la prudence d'un homme politique expérimenté, conscient des enjeux qui l'attendent à son retour effectif aux commandes du ministère de la Justice. Dans un système où l'absence physique peut rapidement se traduire par un affaiblissement politique, Laurent Esso semble opter pour une stratégie de retour progressif, mêlant récupération sanitaire et repositionnement stratégique.