Actualités of Saturday, 4 October 2025

Source: www.camerounweb.com

La Tchiromania ou l'expression de l'échec d'une opposition en ruine

L'émergence soudaine d'Issa Tchiroma comme figure de proue de l'opposition camerounaise à trois mois de l'élection présidentielle soulève de nombreuses interrogations sur l'état de délabrement des forces du changement au Cameroun.


Issa Tchiroma devenu la bouée de sauvetage de l'opposition camerounaise, tout ça pour ça ? La question mérite d'être posée avec toute la franchise qu'elle requiert. Comment en est-on arrivé là ? Comment celui qui occupait tranquillement des fonctions gouvernementales se retrouve-t-il propulsé au rang de sauveur providentiel de l'opposition à quelques semaines seulement du scrutin du 12 octobre 2025 ? Cette situation inédite interpelle sur la capacité réelle des forces d'opposition à incarner une alternative crédible au pouvoir en place.


À quoi a servi toute l'agitation, tout ce gâchis que le Cameroun a connu pendant et après l'élection présidentielle d'octobre 2018 ? Les images des manifestations, les violences, les arrestations et les peines de prison qui ont suivi restent gravées dans la mémoire collective. À quoi ont servi les années de prison de Nissack Bibou ou de Foguem et autres militants du changement, si c'est Tchiroma qui se la coulait douce au gouvernement qui vient porter l'habit de Moïse à trois mois de la présidentielle ? Ces sacrifices n'auraient-ils finalement servi qu'à ouvrir un boulevard à un transfuge de dernière minute ?
Cette question soulève un malaise profond au sein de la base militante de l'opposition. Ceux qui ont payé de leur liberté, de leur carrière ou de leur sécurité leur engagement pour le changement se retrouvent aujourd'hui relégués au second plan, supplantés par un nouveau venu dont le passé gouvernemental questionne la sincérité de la conversion démocratique.


Posons-nous la seule bonne question qui vaille en l'absence de Maurice Kamto. Pourquoi les autres opposants n'ont-ils pas pu capitaliser ni combler les attentes du peuple du changement qui, pendant plus de sept années durant, a été chauffé à blanc ? Pourquoi les Libii, les Matomba et autres Osih restent et demeurent des acteurs politiques mineurs pour le changement au Cameroun ? Cette interrogation va au cœur même de la problématique de l'opposition camerounaise et révèle ses faiblesses structurelles.

Pendant sept longues années, le peuple camerounais épris de changement a attendu, espéré, manifesté son soutien aux forces d'opposition. Sept années durant lesquelles les leaders alternatifs auraient pu se construire, se structurer, développer des programmes concrets et gagner la confiance des masses. Pourtant, force est de constater que cette période n'a pas permis l'émergence d'une opposition solide, unie et capable de proposer une vision claire pour le Cameroun de demain.

Les Univers Libii, Cabral Matomba, Akere Muna, Joshua Osih et autres figures de l'opposition n'ont manifestement pas réussi à franchir le cap qui les sépare du statut d'acteurs politiques mineurs à celui de leaders nationaux crédibles. Qu'est-ce qui explique cet échec collectif ? Est-ce un manque de charisme, d'organisation, de moyens financiers, ou simplement l'absence d'une véritable stratégie politique de long terme ? Probablement un mélange de tous ces facteurs.


Allez-y savoir, le peuple lui se trompe rarement alors. Cette sentence populaire résonne comme un verdict sans appel sur l'état de l'opposition camerounaise. Comme le dit la chanson qui est devenue le tube du moment : "Allons voter le seul qu'on connaît". Cette formule, aussi simpliste qu'elle puisse paraître, traduit une réalité sociologique profonde. Dans l'incertitude, face à une offre politique fragmentée et peu convaincante, l'électeur se rabat sur ce qu'il connaît, sur le visage familier, sur celui qui a déjà démontré sa capacité à mobiliser les foules.


La "Tchiromania", cette ferveur soudaine autour d'Issa Tchiroma, n'est finalement que le symptôme d'une opposition en ruine, incapable de produire des leaders organiques issus de ses propres rangs et contrainte de se tourner vers des transfuges pour espérer exister dans le débat politique. Cette situation révèle une crise profonde de leadership, de vision et d'organisation au sein des forces du changement camerounaises.

Elle pose également la question de la sincérité des engagements et de la cohérence des parcours politiques. Comment croire en la conversion démocratique de celui qui occupait hier encore des fonctions au sein du système qu'il prétend aujourd'hui combattre ? Comment faire confiance à un homme qui découvre les vertus de l'opposition à quelques semaines d'une échéance électorale majeure ?
La "Tchiromania" apparaît ainsi moins comme l'expression d'un enthousiasme populaire authentique que comme le signe patent de l'échec d'une opposition qui n'a pas su se construire, se renouveler et proposer une alternative véritablement crédible au peuple camerounais. Un échec dont les conséquences pourraient bien se mesurer dans les urnes le 12 octobre prochain.