Actualités of Tuesday, 15 July 2025

Source: www.camerounweb.com

L'heure est grave: le Cameroun est aujourd'hui à la croisée des chemins, voici l'appel à tous les Camerounais

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Le Cameroun est aujourd'hui à la croisée des chemins. Alors que le pays s'enfonce dans une crise politique sans précédent, marquée par une paralysie institutionnelle et un vide de leadership criant, Hervé Nzouabet lance un appel urgent au sursaut national. Dans cette analyse sans concession, l'auteur retrace l'origine historique des fractures politiques camerounaises - des alliances contestées de 1958 aux recompositions opportunistes des années 1990 - pour mieux éclairer l'impasse actuelle. Entre héritage aïdjoïste persistant, biyaïsme sclérosé et velléités réformatrices du MRC, il propose une feuille de route audacieuse pour un consensus national salvateur. Un plaidoyer vibrant pour une refondation républicaine qui dépasse les clivages régionaux et générationnels, avant qu'il ne soit trop tard.





Opinion… CAMEROUN: L’HEURE D’UN CONSENSUS NATIONAL FACE À L’IMPASSE POLITIQUE... Par Hervé NZOUABET.
« Par-delà les apparences de normalité institutionnelle, le Cameroun traverse aujourd’hui une crise politique profonde, une impasse où le silence du pouvoir central devient chaque jour plus assourdissant. Le pays se retrouve figé, suspendu à la vacance de l’autorité réelle, entre un président de la République prétendument incapable de gouverner et un appareil d’État verrouillé par une clique d’apparatchiks qui tire profit de cette paralysie pour conserver ses privilèges. Le Cameroun vit une forme de captation institutionnelle, une confiscation de la République par un groupe qui n’a de légitimité que la proximité avec couloirs du pouvoir.
Mais cette situation n’est pas le fruit du hasard. Elle est le résultat d’une longue histoire de manipulations politiques, d’alliances cyniques et d’ambitions régionales mal digérées, qui minent l’unité nationale depuis l’aube de l’indépendance. Pour comprendre le blocage d’aujourd’hui, il faut oser remonter à 1958, année charnière où certains courants politiques du Nord camerounais — que l’on peut qualifier d’Aïdjoïstes — ont délibérément rompu avec le Premier gouvernement dirigé par André-Marie Mbida, premier chef du gouvernement camerounais, pour forger une alliance stratégique avec le Sud, notamment autour des figures comme Charles Assalé.
Cette alliance n’était pas simplement politique : elle était fondée sur une forme de calcul ethno-régionaliste, une volonté d'écarter des figures comme André-Marie Mbida trop catholique ou des personnes comme Soppo Priso et Alexandre Doula Manga Bell trop aristocrates. Ce fut le prélude à l’arrivée au sommet de l’État d’Ahmadou Ahidjo, en 1960, qui installa un régime néocolonial fort avec pour mission de mater dans le sang la conscience nationale upeciste.
Lorsque Paul Biya accède au pouvoir en 1982, cette vieille garde Aïdjoïste ne tarde pas à lui contester la légitimité. Le schisme atteint son paroxysme en 1983, avec la rupture ouverte entre Biya et Ahidjo, suivie en 1984 d’un coup d’État manqué, preuve de la persistance d’un projet de reprise du pouvoir sans consensus, ni respect de l’ordre républicain. Cet épisode tragique marque l’échec d’un clan qui, isolé, ne parvient pas à s’imposer. Après l’upecisme en 1971, l’ahidjoisme est vaincu militairement.
Mais le projet Aïdjoïste n’est pas mort : dans les années 1990-1997, une nouvelle coalition s’organise en coulisses avec des encouragements des réseaux historiques franco-camerounais, cette fois en cohabitation implicite avec le pouvoir Biya, permettant à ce dernier de renforcer son régime, en échange d’une place dans les cercles d’influence. C’est cette coalition opportuniste, cimentée par l’absence d’alternance et par la peur du changement, qui explique aujourd’hui la longévité exceptionnelle mais stérile du régime en place. Ces coalitions avaient pour objectifs de contrer d’une troisième force portée par des libéraux-réformistes constitués d’universitaires et de cadres aux compétences de renommée internationale. Dans les années 90 et début années 2000, ce fut le SDF. Dans nos jours, c’est le MRC qui porte la légitimité de cette troisième voie qui est jugée acceptable par l’establisment. Un statut que la voie de l’upecisme véritable - la voie qui a posé les bases d’une solution pour la construction harmonieuse de la nation kamerunaise et de l’élévation du standard de vie du peuple kamerunais – ne bénéficie pas encore.
Face à cette histoire de duplicité, de ruptures mal cicatrisées et de manipulations répétées, il est urgent d’appeler à un consensus national sincère. Des générations entières ont été condamnées à la misère. Peu de kamerunaises et de kamerunais n’ont pas connu l’époque où l’accès à l’éducation, à la santé et la propriété était une donnée pour tout citoyen. A présent, le Cameroun est l’otage d’un vide institutionnel entretenu à dessein. Il est temps de poser les vraies questions : comment sortir de cette impasse ? Qui a intérêt à maintenir ce statu quo ? Et surtout, comment reconstruire une République sur des bases nouvelles, débarrassée des logiques claniques et des héritages coloniaux de division ?
Nous devons reconnaître que la situation actuelle est dangereuse : elle menace l’unité du pays, fragilise ses institutions et détruit la confiance des citoyens. Il ne s’agit pas ici de choisir entre le Nord et le Sud, entre les anciens et les nouveaux, mais d’engager un dialogue national honnête, où toutes les forces politiques et sociales seraient appelées à redéfinir ensemble les règles du jeu.
Afin que le consensus national puisse apaiser le climat socio-politique, enterrer les ressentiments qui réhabiliteront nos figures politiques et faire regagner l’espérance aux générations futures, il devrait s’organiser selon ces 03 axes :
- Une coalition entre les ahidjoïstes et les réformistes libéraux. Cette coalition aura l’avantage d’attirer les Biyaïstes frustrés par la confiscation du pouvoir ;
- Une réorganisation des forces upecistes et progressistes (notamment Stand-Up For Cameroon et des fédéralistes anglophones) autour des bases populaires ;
- Un compromis historique entre ces 02 coalitions afin de parer les velléités de confiscation de pouvoir et de mettre les bases d’une transition qui aboutira à une nouvelle république ;
Le Cameroun mérite mieux que le pilotage automatique d’un régime en décomposition. Il mérite une vision, un projet collectif, une relève démocratique. La jeunesse camerounaise, les intellectuels, les régions oubliées, les diasporas, tous doivent être conviés à cette grande refondation.
Il est encore temps. Mais pour combien de temps avant qu’il ne soit trop tard ?»