L'audition, ce 17 décembre 2025, du commissaire divisionnaire James Elong Lobe dans l'affaire Martinez Zogo, projette une ombre sinistre sur un chapitre bien plus ancien et tout aussi glaçant de l'histoire sécuritaire camerounaise. Car cet ancien haut cadre de la DGRE ne fut pas seulement un témoin des temps troubles ; il fut, selon des récits persistants, l'un des architectes opérationnels de la disparition définitive du capitaine Guérandi Mbara, l'ennemi public numéro un du régime pendant près de trois décennies.

Figure mythique et insaisissable de la résistance armée, survivant du putsch manqué de 1984, Guérandi Mbara incarnait une menace existentielle pour le pouvoir de Yaoundé. Après avoir échappé à de multiples tentatives d'assassinat, son destin bascula dans un piège international ourdi par un marchand d'armes véreux, Georges Starckmann. Pour la modique somme de 500 000 euros, ce dernier vendit le rebelle aux services camerounais. Séquestré lors d'un faux voyage au Portugal, drogué et acheminé clandestinement vers Douala en 2012, Guérandi Mbara disparut à jamais. La dernière trace du « colis », confiée à l'équipe de la DGRE menée par James Elong Lobe, se perd « quelque part sur la route entre Édéa et Pouma ».

Aujourd'hui, alors que les rouages de la répression se dévoilent dans l'enquête Zogo, l'audition de James Elong Lobe pose une question troublante : la lumière pourra-t-elle enfin être faite sur l'un des secrets les mieux gardés de l'État, l'assassinat de Guérandi Mbara ? Cette ombre du passé, racontée dans le livre « Rivière de sang », ressurgit et exige justice.





Dans le cadre de l’affaire Martinez Zogo, le commissaire divisionnaire James Elong Lobe a été auditionné ce 17 décembre 2025.

Parce que l’oubli est la ruse du diable; il convient de rappeler qu’il fut l’un des bourreaux de Guérandi Mbara. Alors membre de la DGRE, c’est lui qui était aux commandes de l’opération qui a conduit à l’élimination de Guérandi Mbara.

Qui est Guérandi Mbara ?

2 ans après l’arrivée de Paul Biya au pouvoir, une tentative de putsch fait vaciller le nouveau régime. Dans la nuit du 5 au 6 avril 1984, des jeunes officiers constitués dans le mouvement JOSE (Jeunes Officiers pour la Survie de l’Etat) tentent de renverser le Président Paul Biya.

L’aéroport et la maison de la radio sont investis et le palais présidentiel est attaqué. Des soldats loyalistes, conduits par le général Pierre Semengué, organisent la riposte.

En une journée, ils retournent la situation et Paul Biya peut s’exprimer à la nation. Le doigt accusateur est immédiatement pointé vers les officiers originaires du Nord Cameroun ; accusés de vouloir prendre le pouvoir pour réinstaller l’ancien Président Ahmadou Ahidjo. Il s’en suivra une violente et sanglante répression, des milliers d’exécutions sommaires.

Le 9 Avril, le chef des mutins , Ibrahim Saleh et presque tous les responsables du coup d’État sont capturés. Le nombre de morts, évalué à 70 par un bilan officiel, serait en fait bien supérieur. Il faut attendre 1991 pour voir la promulgation d’une loi d’amnistie en faveur des ex-putschistes.

Le soulèvement est un échec.
Seul survivant du groupe initiateur ; il est condamné à mort. Le capitaine Guérandi est l’objet deux mois durant, d’une véritable chasse à l’homme, une traque.

Ce stratège réussit à quitter le Cameroun in extremis en juin 1984, pour le Burkina Faso où il est accueilli par ses Blaise Compaoré et Thomas Sankara. Guérandi Mbara est fortement marqué par le putsch réalisé par ses amis Burkinabè ; il a en tête de réaliser le même coup pour faire tomber la dictature camerounaise.

Depuis la date fatidique du 6 avril 1984 et le coup d’Etat, Guérandi Mbara est devenu l’ennemi d’Etat numéro du régime de Yaoundé ; le savoir vivant, empêchait le régime de dormir. Guérandi Mbara était formel : « le régime de Yaoundé ne tombera que par la force des armes ».

L’homme va échapper à plusieurs tentatives d’assassinat commandités par les services Camerounais et étangers. C’est la naissance du mythe de l’invincibilité de Guérandi Mbara.

A force de réflexions et de consultations, Guérandi a élaboré une stratégie et a trouvé des hommes solides pour l’accompagner dans son aventure. En 2012, Guérandi Mbara entre en contact avec le truculent marchand d’armes Georges Starckmann.

Personnage sulfureux qui se vend au plus offrant, Starckmann a enregistré les différentes entrevues avec Guerandi ; ils envoient les vidéos au régime de Yaoundé et fait monter les enchères : soit vous me donnez 20 fois plus que ce Guerandi me propose et je vous aide à le liquider ; ou alors je vends les armes à Guerandi et peu importe ce qui arrivera.

Cette proposition est du pain béni pour les autorités de Yaoundé qui avec leurs pieds nickelés mal formés ont lamentablement échoué à maintes reprises à éliminer le capitaine Guérandi.
Le régime de Yaoundé accepte l’offre de Starckmann.

Pour réaliser la funeste mission, celui-ci décide de faire appel à un colonel portugais à la retraite, un certain José Alberto Fernandes Abrantes, et empoche au passage une confortable avance de 350 000 euros sur les 500 000 qu’il doit toucher en guise de commission.

Abrantes a élaboré son plan macabre. Il demande à Guérandi de quitter Ouagadougou pour venir à sa rencontre à Porto au Portugal afin qu’avec son jet privé, ils aillent ensemble en Russie pour choisir les types d’armes qui pourraient l’ intéresser.

Face à son intransigeance et sa détermination, les faucons du régime décident d’implémenter l’option ultime : « éliminer Guérandi Mbara ». Le régime de Yaoundé paie alors des barbouzes pour réaliser la sale besogne.

En réalité, il s’agit de kidnapper Guérandi et de le ramener mort ou vivant au Cameroun pour qu’il soit liquidé sur place.

Lorsque Guérandi pénètre dans l’avion affrété par les sbires à la solde du régime de Yaoundé, on lui injecte un violent sédatif ; il tombe et est inanimé. Le colis est neutralisé ; il faut à présent le livrer.

Cap sur Douala. L’avion atterrit nuitamment à l’aéroport de Douala. On n’entendra plus jamais parler du capitaine Guerandi Mbara.

De l’aveu même des sbires, la dernière trace du « colis » reçu par l’équipe de la DGRE conduite par le commissaire James Elong Lobé est « quelque part sur la route entre Édéa et Pouma ».

En février 2025, Le directeur technique numéro un de la DGRE, James Elong Lobe a été démis de ses fonctions après quinze ans de service. Il paie sa mauvaise entente avec le nouveau directeur du service, Jean-Pierre Robins Ghoumo.

James Elong Lobe doit son ascension fulgurante au sein de la DGRE à Maxime Eko Eko aujourd’hui aux arrêts dans le cadre de l’assassinat du journaliste Martinez Zogo.


Je raconte l’histoire du capitaine Guerandi Mbara mon livre : « Rivière de sang »


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