Comment les candidats utilisent l’intelligence artificielle et les réseaux sociaux pour manipuler l’opinion publique
La présidentielle camerounaise du 12 octobre ne se joue pas seulement sur le terrain, mais aussi dans les coulisses numériques, où des équipes de communicants et des algorithmes sophistiqués façonnent l’image des candidats. Jeune Afrique révèle comment Paul Biya et ses rivaux exploitent l’intelligence artificielle (IA), les influenceurs et les « usines à clics » pour influencer les électeurs, dans une bataille où la frontière entre réalité et fiction s’estompe.
Selon les informations exclusives de Jeune Afrique, l’équipe de communication de Paul Biya a massivement recours à l’IA pour créer des contenus visuels et sonores, comme en témoigne le spot de campagne diffusé le 27 septembre. Ce clip de 30 secondes, truffé d’images générées par IA, met en scène des réalisations du président, parfois exagérées ou décontextualisées. Oswald Baboke, directeur adjoint du cabinet civil, supervise cette stratégie, avec l’appui de l’agence Full Circle Advertising, dirigée par Bony Dashaco. Leur objectif : donner l’illusion d’une présence physique du président, malgré son absence récurrente.
Jeune Afrique a également découvert que le RDPC a structuré une cellule numérique officielle, dirigée par Ebot Ebot Enaw (Antic), pour contrer la domination historique de l’opposition sur les réseaux sociaux. Cette cellule, qui remplace la controversée « armée cybernétique » de 2018, utilise des techniques de ciblage comportemental pour promouvoir les « grandes réalisations » de Biya. Des sources internes révèlent que des comptes automatisés et des influenceurs rémunérés amplifient ces messages, créant une bulle informationnelle favorable au pouvoir.
L’opposition en embuscade : Tchiroma Bakary et les ralliements surprise
Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre de la Communication, mise sur une stratégie numérique agressive. Jeune Afrique a appris que son directeur de campagne, Chrislan Manengs, a recruté d’anciens cybermilitants du MRC, comme Boris Bertolt et Nzui Manto, pour cibler les jeunes électeurs. Ces derniers, autrefois proches de Maurice Kamto, utilisent des techniques de « personal branding » et des campagnes virales pour séduire la diaspora et les urbains. Leur arme secrète : des vidéos courtes et percutantes, diffusées sur TikTok et Instagram, qui mettent en avant les failles du régime Biya.
Cabral Libii et la « lettre de campagne » : un modèle de communication directe
Cabral Libii, troisième à la présidentielle de 2018, innove avec des « lettres de campagne » quotidiennes, diffusées sur ses réseaux sociaux. Jeune Afrique a analysé ces publications, qui mêlent programme politique et storytelling personnel, pour créer un lien émotionnel avec les électeurs. Une stratégie qui contraste avec l’approche institutionnelle de Biya, et qui séduit particulièrement les 18-35 ans.
La présidentielle de 2025 marque un tournant : pour la première fois, les algorithmes et les influenceurs jouent un rôle central dans la conquête du pouvoir. Les révélations de Jeune Afrique montrent que, derrière les discours, se cache une guerre invisible, où la maîtrise des outils numériques pourrait bien décider du vainqueur. Une chose est sûre : au Cameroun, l’élection se gagne aussi en ligne.