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Actualités of Monday, 26 March 2018

Source: camer.be

Kemajou Daniel, l'homme qui a tenu tête à Ahmadou Ahidjo

Ahmadou Ahidjo Ahmadou Ahidjo

Parmi les hommes qui ont marqué la politique camerounaise de manière positive à la veille de l’indépendance, figure en bonne place Kemajou Daniel. Le régime démocratique qui prévalait avant 1962 n’aurait pas été aboli, qu’à n’en pas douter, il aurait joué un rôle de la plus haute importance dans notre pays.

Mais, l’évolution des choses en a décidé autrement, plus précisément, Paris n’a guère voulu tolérer le maintien de régimes démocratiques dans ses anciens territoires coloniaux d’Afrique noire, y compris au Cameroun. La belle carrière politique prometteuse de Kemajou Daniel a ainsi été brisée.

Malgré tout, il aura marqué l’histoire du Cameroun par deux grands faits d’armes : il aura joué un rôle déterminant dans le renversement du gouvernement Mbida, d’une part, et il se sera opposé, en vain, malheureusement, d’autre part, à


la décision du Premier ministre Ahmadou Ahidjo d’instaurer la dictature au Cameroun.

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Chapitre II :

L’accession à la présidence de l’ALCAM en 1957.

Le scrutin du 23 décembre 1956 a constitué un tournant décisif dans l’histoire du Cameroun. C’est à la faveur de celui-ci qu’est né l’Etat du Cameroun, et par la suite, a été formé le tout premier gouvernement de toute l’histoire du Cameroun sous administration française.

A – Le statut de 1957 et le 1er gouvernement camerounais.

Le 16 avril 1957 a été promulgué, par le gouvernement français, le statut du Cameroun. C’était une sorte de «règlement intérieur » du pays, toujours régi par la constitution française de 1946. Il instaurait un régime parlementaire au Cameroun, avec un gouvernement investi par le Parlement, et dirigé par un Premier ministre qui en était le chef. Il a dans le même temps donné naissance à la citoyenneté camerounaise totalement distincte de la française.

Ce statut a été la raison principale de l’organisation du scrutin du 23 décembre 1956. Ce dernier lui-même est la conséquence de ce que l’histoire de la décolonisation a retenu sous le nom de « loi-cadre Deferre », qui instituait « l’autonomie interne » dans les territoires coloniaux français d’Afrique noire. Cela n’était rien moins qu’une réponse à la pression qu’exerçaient les Africains sur le gouvernement français pour qu’il accorde l’indépendance à leurs différents pays.

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Le 10 mai 1957, lors de sa première séance après le débat sur le statut, elle s’est transformée en Assemblée législative du Cameroun, AL-CAM. C’est-à-dire qu’elle s’était retrouvée dotée désormais du pouvoir de faire des lois.

Le 15 mai 1957, l’ALCAM a investi le premier gouvernement du Cameroun sous administration française. Celui a été dirigé par Mbida André-Marie.

B – Les PI et l’UC votent pour lui.

Au sein de l’ALCAM, et sur proposition d’André-Marie Mbida, encore uniquement député du Nyong & Sanaga et du Cameroun à l’Assemblée Nationale Française à Paris mais pas encore Premier ministre, les élus se sont constitués en groupes parlementaires au nombre de quatre : l’Union Camerounaise, UC, 30 députés, les Démocrates Camerounais, DC, 20 députés, les Paysans Indépendants, PI, 9 députés, et, le Mouvement d’Action Nationale du Cameroun, MANC, 8 députés. Ces groupes parlementaires ont été maintenus à l’assemblée jusqu’en 1960. Kemajou Daniel appartient au groupe des Paysans Indépendants.

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A l’ouverture de la session parlementaire du 8 octobre 1957, Kemajou Daniel se porte candidat à la Présidence de l’assemblée. Il a pour concurrent, Ninine Jules, député de la région du Nord et en même temps Antillais, donc Français, et député pour le compte du Cameroun à l’Assemblée Nationale Française à Paris. Il appartient quant à lui au groupe parlementaire de l’UC. Les tractations commencent. Ninine est considérablement défavorisé par sa nationalité.

A l’heure de l’autonomie interne, autrement dit, d’un pas décisif vers l’indépendance, comment préférer un Français à un Camerounais pour la présidence de l’Assemblée législative naissante ? Impossible. Un grand nombre de députés de l’UC se rallient à la candidature de Kemajou, malgré le fait que Ninine Jules est de leur groupe parlementaire. Kemajou Daniel est en conséquence élu par 35 voix en sa faveur contre 30 pour Ninine. Il devient ainsi le premier Président de l’ALCAM élu à cette fonction. Il a ob-tenu la totalité des voix des PI, son groupe parlementaire, plus une partie de celles de l’UC et quelques-unes des Démocrates.

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Le 16 février 1958, aussitôt rendue publique la démission de Mbida, Kemajou a fait la déclaration suivante, un peu pour se défendre des accusations de mauvaise conduite dont il été l’objet :

« il n'y a pas eu de manœuvres politiciennes, le gouvernement formé le 15 mai 1957 était un gouvernement mort-né, faute de majorité parlementaire et d'adhésion de la masse populaire. On ne peut prétendre que c'est l'arrivée au Cameroun du haut-commissaire Jean Ramadier qui a précipité la crise ministérielle. Les Camerounais n'étaient pas satisfaits du gouvernement Mbida et l'amitié franco camerounaise faillit en être compromise.

Puisque la France a voulu voir instaurer au Cameroun la démocratie elle doit admettre que les Camerounais se prononcent en toute liberté pour choisir leurs responsables gouvernementaux. (…)

Prenant ouvertement la défense de Jean Ramadier, rappelé par Paris, preuve qu’il était une pièce maîtresse du complot de ce dernier visant à renverser le gouvernement Mbida, il a déclaré :

« Si le haut-Commissaire Jean Jean Ramadier devait être révoqué, ce serait pour avoir dit la vérité et suivi la population camerounaise, l'envoi d'un nouveau commissaire serait celui d'un homme approuvant les injustices et les manœuvres qui ont perdu en partie l'empire français.(…) La main dans la main, avec les vrais Français, nous bâtirons, j'en suis sûr, la vraie communauté franco-camerounaise et je dirai même franco-africaine. »

Bref, c’est Kemajou Daniel qui a donné le coup de grâce à Mbida.

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B – Kemajou Daniel contre

les « pleins pouvoirs » à

Ahidjo.

Le 29 octobre 1959, Ahmadou Ahidjo demande au Parlement les « pleins pouvoirs » pour, selon la phraséologie qu’il avait développée, « lutter contre la rébellion ». Kemajou

Daniel y est totalement opposé, et affronte courageusement Ahidjo dans l’hémicycle. Le débat se déroule en séance plénière le 29 octobre 1959 au matin. Le président de l’Assemblée législative est désormais Jean-Baptiste Mabaya. Il est député d’Abong-Mbang. La séance est ouverte à 9 h 35.

Ont participé à ce débat, les députés ci-après : Abou-bakary, Ahanda Vincent-de-Paul, Ahmadou Ahidjo, Jean Akassou, Akono Claude, Amoua, Amougou Nguelé, Assalé, Babalé, Behlé Gaston, Bétoté Akwa, Biyo’o, Bouba, Bouhari, Champeau (un Français), Daicréo, Dis-saké Hans, Djafarou, Djoumessi Mathias, Ekwabi Ewané Jean, Gueimé, Gutard, Inack, Itawa, Kakiang, Kamga, Kémajou Daniel, Lagarde, Lamine, Lontal, Maigari, Malam Yéro, Marigoh, Marouf, Mballa, Mbong Bayem, Medou, Mondjos, Mohamadou, Moussa, Njoya, Nembot, Ndibo, Ndoudoumou, Ngaba, Ngayewang, Ninekan, Njiné, Okala, Obam, Python, Sanda, Seidou, Sissoko, Soppo Priso, Souaibou, Talba Malla, Taousset, Tsalla, Yadji, Yakana.

Ont été absents : Duval et Mbida André-Marie.

Se sont excusés : Mandon (un Français), Manga Bilé, Mayi Matip, Ninine, Nonga Yomb.

M. le Président : La discussion générale est ouverte. La parole est à M. Daniel Kemajou. (Applaudissements des démocrates camerounais).

M. Kemajou :

Le projet gouvernemental sur les pleins pouvoirs soulève de notre part plusieurs observations. Les pleins pouvoirs permettraient de lutter contre le terrorisme, sans doute par une répression purement militaire, d’élaborer le projet de Constitution hors de l’Assemblée, de préparer une loi électorale, de résoudre par des échanges de lettres les problèmes d’ordre international, d’élaborer des conventions avec la puissance tutélaire qu’est la France, et, enfin, de concentrer, entre les mains d’une seule et même personne les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaire, c’est-à-dire d’instaurer une dictature, le pouvoir personnel ou, en d’autres termes, le règne du bon plaisir, de l’omnipotence policière, des camps de concentrations, des déportations, des arrestations et emprisonnements arbitraires, des exécutions sommaires, des pendaisons, des licenciements arbitraires et abusifs des fonctionnaires, des persécutions des étudiants dans les lycées et collèges, du

chômage, de la misère noire, des injustices sur injustices, de l’esclavage, etc., etc., etc.

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Table

Introduction

Chapitre I :

Victoires et défaites de Kemajou Daniel de 1949 à 1956.

A – Les victoires électorales.

B – Les défaites.

Chapitre II :

L’accession à la Présidence de l’ALCAM en 1957.

A – Le statut de 1957 et le 1er gouvernement camerounais.

B – Les PI et l’UC votent pour lui.

Chapitre III :

La bataille contre Mbida.

A – La démission des ministres du nord.

B – L’entrée en scène de Kemajou Daniel.

Chapitre IV :

La bataille contre Ahmadou Ahidjo.


A – Le bras de fer Ahidjo-Njiné Michel.
B – Kemajou Daniel contre les pleins pouvoirs à Ahidjo.


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