Actualités of Wednesday, 5 November 2025
Source: www.camerounweb.com
Comment l'opposant a réussi à déjouer la surveillance des forces de l'ordre grâce à une route fluviale méconnue
L'évasion d'Issa Tchiroma Bakary du Cameroun soulève de sérieuses questions sur l'efficacité du dispositif de surveillance déployé par les autorités camerounaises. Alors que son domicile à Garoua et son quartier général à Yaoundé étaient sous étroite surveillance, l'opposant a réussi l'exploit de quitter le territoire national, révélant au passage d'importantes failles dans le système sécuritaire du pays.
Selon des informations exclusives recueillies par Jeune Afrique, l'ancien ministre de la Communication aurait emprunté une route pour le moins inhabituelle : le fleuve Bénoué. Cette voie fluviale, navigable en cette saison, relie Garoua à Yola au Nigeria en passant par des zones peu ou pas surveillées par les forces de sécurité camerounaises.
Le choix de cette route révèle une connaissance approfondie du terrain et des dispositifs de surveillance mis en place. Jeune Afrique souligne que cette voie fluviale, qui traverse pourtant une zone stratégique entre les deux pays, constitue un angle mort majeur dans le système de contrôle frontalier camerounais.
La réussite de cette évasion n'est pas le fruit du hasard. Elle témoigne d'une préparation méticuleuse et d'une parfaite connaissance des lacunes du dispositif sécuritaire. Pendant que les autorités concentraient leurs efforts sur les axes routiers traditionnels et les points de passage officiels, Issa Tchiroma Bakary exploitait une faille dans le système : l'absence de surveillance effective des voies fluviales.
Cette situation soulève une question cruciale : comment un opposant politique sous haute surveillance a-t-il pu organiser son départ sans être détecté ? Les révélations de Jeune Afrique pointent du doigt une coordination défaillante entre les différents services de sécurité et une sous-estimation flagrante des capacités de mobilité de l'opposant.
L'utilisation de la voie fluviale suggère nécessairement l'existence de complicités locales. La navigation sur le Bénoué, même en saison propice, nécessite une embarcation, des passeurs et une connaissance précise des courants et des zones navigables. Jeune Afrique rapporte que Tchiroma Bakary entretient depuis longtemps de solides relations avec la notabilité de la région nigériane de l'Adamawa, ce qui lui aurait permis de sécuriser cette solution de repli bien avant l'élection présidentielle.
Ces liens transfrontaliers, tissés au fil des années, constituent un atout majeur pour l'opposant. Ils lui ont non seulement facilité la fuite, mais lui garantissent également un accueil sécurisé de l'autre côté de la frontière.
Cette évasion spectaculaire place le gouvernement camerounais dans une position délicate. Elle expose publiquement les limites du dispositif de surveillance et révèle une forme d'impuissance des forces de l'ordre face à un opposant déterminé et bien organisé.
Au sein de l'exécutif, les réactions divergent, révèle Jeune Afrique. Le ministre de l'Administration territoriale, Paul Atanga Nji, continue de plaider pour une interpellation immédiate d'Issa Tchiroma Bakary. Cependant, d'autres membres du gouvernement adoptent une position plus pragmatique, estimant qu'il serait plus habile de le laisser temporairement en liberté au Nigeria, tout en travaillant à le marginaliser politiquement.
Face à cette situation embarrassante, Yaoundé brandit la menace d'une demande d'extradition. Toutefois, Jeune Afrique rappelle que le Cameroun et le Nigeria n'ont pas d'accord global en la matière. Le précédent de 2018, lorsqu'Abuja avait accepté d'extrader plusieurs dirigeants séparatistes de l'Ambazonie, pourrait servir de base, mais cette extradition avait par la suite été jugée illégale par la justice nigériane.
"Même s'il n'y a pas d'accord d'extradition, cela ne protège pas Tchiroma. Abuja peut décider de l'arrêter en vertu d'une infraction commise sur son sol, puis passer un accord ponctuel avec Yaoundé", analyse une source diplomatique citée par Jeune Afrique. Tout cela reste suspendu à la relation politique entre Paul Biya et son homologue nigérian, Bola Tinubu.
Au-delà du cas Tchiroma, cette affaire révèle des vulnérabilités structurelles dans le dispositif sécuritaire camerounais. Les frontières poreuses, particulièrement les voies fluviales, constituent des zones grises qui peuvent être exploitées aussi bien par des opposants politiques que par des groupes criminels ou terroristes.
Les révélations de Jeune Afrique sur cette évasion soulignent l'urgence pour les autorités camerounaises de repenser leur stratégie de surveillance, notamment dans les zones frontalières. Le fleuve Bénoué, désormais identifié comme une route d'évasion efficace, devrait logiquement faire l'objet d'une attention accrue dans les mois à venir.
Pour l'instant, Issa Tchiroma Bakary se trouve en sécurité au Nigeria, coordonnant depuis l'étranger l'opération "villes mortes" destinée à paralyser le Cameroun. Sa fuite réussie constitue non seulement un revers pour le gouvernement Biya, mais aussi un signal inquiétant sur la capacité réelle des forces de sécurité à contrôler les mouvements des personnalités sous surveillance.