Actualités of Monday, 13 October 2025

Source: www.camerounweb.com

Issa Tchiroma en route pour Etoudi: une analyse statistique projette Tchiroma Bakary à 66-70% des voix

Cameroun : une analyse statistique projette Tchiroma Bakary à 66-70% des voix
Un ingénieur camerounais a publié une analyse statistique détaillée basée sur près de 6 000 bureaux de vote, projetant une victoire écrasante d'Issa Tchiroma Bakary avec 66 à 70% des suffrages. Cette étude, qui prétend corriger le biais urbain de l'échantillon, alimente le débat sur les résultats réels d'un scrutin dont Elecam n'a toujours pas publié les chiffres officiels.

YAOUNDÉ - Quatre jours après un scrutin présidentiel dont les résultats officiels se font toujours attendre, une analyse statistique détaillée vient conforter les revendications de victoire de l'opposition. Un ingénieur camerounais, dont l'identité n'a pas été révélée, a compilé les données de 5 953 bureaux de vote représentant 1 127 969 voix valides, et projette une victoire nette d'Issa Tchiroma Bakary.


L'analyse, diffusée sur les réseaux sociaux et relayée par le site resultatsdupeuple.com, s'appuie sur un échantillon composé à 90% de bureaux urbains et 10% de bureaux ruraux. Sur cet échantillon brut, les résultats observés donneraient Tchiroma Bakary à 74,10%, Paul Biya à 18,05% et les autres candidats à 7,85%.

Conscient du biais urbain de son échantillon, l'ingénieur a appliqué des corrections statistiques pour estimer les résultats à l'échelle nationale. "Le site resultatsdupeuple.com fournit les chiffres globaux, tandis que les pages crédibles sur la toile publient des résultats vérifiables sur 12 000 votes, confirmant la même tendance : Tchiroma écrase Biya partout", affirme l'auteur de l'étude.

Pour corriger le biais urbain, l'analyse a testé deux scénarios basés sur l'hypothèse que la répartition nationale réelle serait de 60% urbain et 40% rural :
Scénario A (biais rural modéré) : en supposant que Paul Biya obtient 12 points de plus en zone rurale qu'en zone urbaine, les résultats nationaux projetés seraient :

Tchiroma Bakary : 70,5%
Paul Biya : 21,7%
Autres : 7,9%

Scénario B (biais rural fort) : en imaginant un avantage de 25 points pour Biya en zone rurale, la projection donnerait :

Tchiroma Bakary : 66,6%
Paul Biya : 25,6%
Autres : 7,9%

"Même dans les pires hypothèses, Tchiroma reste largement vainqueur", conclut l'ingénieur. La fourchette finale proposée est de 66,6 à 70,5% pour Tchiroma Bakary, avec une marge d'erreur estimée à ±1-2 points.

"Probabilité d'inversion : quasi nulle"

L'analyse va plus loin en calculant la probabilité que Paul Biya puisse finalement l'emporter. "Pour que Biya dépasse 50%, il faudrait un biais rural délirant de +40 points — ce qui le hisserait à peine à 30%", affirme l'étude. La conclusion est sans appel : "aucune chance d'inversion".
L'auteur souligne également la robustesse de son échantillon : "Couverture excellente avec 1,13 million de voix, biais de composition identifié et corrigé, tendances stables quel que soit le scénario."


Une arme de communication pour l'opposition

Cette analyse statistique, qu'elle soit rigoureuse ou contestable, constitue une arme de communication redoutable pour l'opposition. Elle apporte une caution technique et apparemment scientifique aux revendications de victoire formulées depuis samedi par "l'Union Pour le Changement 2025".

"Les communicants pro-RDPC brandissent des chiffres isolés de villages pour semer la confusion — mais la statistique, elle, ne ment pas", écrit l'ingénieur, visant directement les partisans du pouvoir comme Bruno François Bidjang et Marthe-Cécile Micca, figures connues de la communication pro-gouvernementale.
Le message à l'attention des militants est clair : "Partagez ces arguments, chiffres à l'appui, face aux manipulateurs des plateaux télé. La statistique ne crie pas. Elle démonte."

Des questions méthodologiques

Malgré la sophistication apparente de cette analyse, plusieurs questions demeurent. D'où proviennent exactement ces données de 5 953 bureaux de vote ? Comment ont-elles été collectées et vérifiées ? L'hypothèse d'une répartition 60/40 urbain/rural est-elle réaliste pour le Cameroun ?

"C'est une analyse intéressante, mais elle repose sur des hypothèses qui peuvent être discutées", note un statisticien consulté par notre rédaction. "La correction du biais urbain/rural est pertinente, mais les coefficients utilisés restent hypothétiques. Sans connaître la distribution géographique réelle des électeurs, il est difficile de valider cette projection."

Par ailleurs, la source des données pose question. Le site resultatsdupeuple.com, cité comme référence, est clairement affilié à l'opposition. La neutralité et l'exhaustivité de ses chiffres peuvent être légitimement questionnées.


Une convergence troublante


Cette analyse vient néanmoins s'ajouter à une série d'éléments convergents. La déclaration de "l'Union Pour le Changement 2025" évoquait samedi des scores "entre 60 et 80%". La projection d'un cabinet américain lundi créditait Tchiroma Bakary de 61,87%. Cette nouvelle étude parle de 66 à 70%. Les ordres de grandeur se recoupent.

"Quand plusieurs sources indépendantes, utilisant des méthodes différentes, arrivent à des conclusions similaires, cela mérite d'être pris au sérieux", observe un analyste politique. "Soit il y a une coordination massive pour manipuler l'opinion, soit ces chiffres reflètent effectivement une réalité du terrain."

Face à cette offensive statistique de l'opposition, le pouvoir maintient un silence assourdissant. Ni le ministère de l'Administration territoriale, ni Elections Cameroon n'ont publié le moindre chiffre officiel quatre jours après le scrutin.

Le ministre Paul Atanga Nji a bien menacé dimanche de poursuites contre ceux qui publient des résultats via des "plateformes illégales", mais aucune action concrète n'a été prise. Cette inaction pourrait être interprétée comme une forme d'impuissance face à un phénomène qui dépasse désormais le simple cadre des réseaux sociaux.

"Paul Biya subit la déroute électorale de sa carrière"


La conclusion de l'analyse est brutale : "Paul Biya subit la déroute électorale de sa carrière. Toute annonce contraire relèverait de la fraude pure et simple. Contrairement à 2018, les preuves existent : vidéos, PV, données consolidées."
Cette référence à 2018 n'est pas anodine. Lors de la dernière présidentielle, l'opposition avait également contesté les résultats, mais sans parvenir à documenter massivement ses revendications. Cette fois, l'opposition prétend disposer de preuves tangibles : procès-verbaux photographiés, vidéos de dépouillement, compilation de résultats bureau par bureau.
"Contrairement à 2018, nous avons un réseau de témoins dans presque tous les bureaux de vote", confirme un cadre de la campagne de Tchiroma Bakary. "Nous avons les PV, nous avons les chiffres. Si Elecam publie des résultats différents, nous pourrons prouver la fraude bureau par bureau."

Une pression maximale sur Elecam


Cette analyse statistique accroît encore la pression sur Elections Cameroon. Chaque heure de silence renforce le narratif de l'opposition et alimente les soupçons de manipulation. Si Elecam devait publier des résultats très éloignés de ces projections, l'organisme devrait fournir des explications solides pour maintenir un semblant de crédibilité.

Erik Essousse, le directeur général d'Elecam, devait s'exprimer à plusieurs reprises depuis dimanche. Chaque fois, son intervention a été reportée. Ce silence prolongé devient chaque jour plus difficile à justifier et plus coûteux politiquement pour le régime.

Vers une crise institutionnelle ?

Le Cameroun se trouve dans une situation inédite. Pour la première fois depuis l'arrivée de Paul Biya au pouvoir en 1982, l'opposition dispose d'outils numériques et statistiques pour contester efficacement les résultats officiels avant même leur publication.

À Garoua, bastion de Tchiroma Bakary, la tension reste maximale. L'opposant demeure sous surveillance dans sa résidence, tandis que ses partisans maintiennent la mobilisation. Des rumeurs de coup d'État continuent de circuler à Yaoundé, alimentées par des mouvements de troupes et le silence de la hiérarchie militaire.

Le spectre du Gabon, où l'armée avait renversé Ali Bongo Ondimba en août 2023 après une élection contestée, plane toujours sur la capitale camerounaise. L'accumulation de signaux convergents suggérant une victoire de l'opposition rend chaque jour plus difficile une éventuelle annonce d'une victoire de Paul Biya.

La bataille des chiffres

Cette analyse statistique marque une nouvelle étape dans la bataille des chiffres qui oppose pouvoir et opposition. Après les revendications initiales, les projections internationales et les ralliements de candidats adverses, voici qu'une étude prétendument scientifique vient étayer la thèse d'une victoire écrasante de Tchiroma Bakary.

Vraie ou contestable, rigoureuse ou biaisée, cette analyse contribue à installer dans l'opinion publique nationale et internationale l'idée d'une victoire de l'opposition. Le régime de Paul Biya se trouve acculé, contraint de choisir entre reconnaître une défaite historique ou publier des résultats qui seront immédiatement contestés avec des arguments statistiques sophistiqués.
Le compte à rebours continue. Et le silence d'Elecam devient chaque jour plus éloquent.