À moins d'un mois de l'élection présidentielle camerounaise, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) navigue entre appels au retour de son fondateur Maurice Kamto et négociations pour une coalition d'opposition. Dans cet entretien exclusif, Mamadou Mota, président national par intérim du parti, détaille la stratégie du MRC face aux enjeux de l'alternance politique et explique pourquoi son mouvement refuse de "courir vers des horizons incertains" dans la course à un candidat consensuel.
Mamadou Mota sur la coalition, « Nous ne sommes pas pressés de courir vers des horizons incertains »
Dans cette interview que nous a accordée le président national par intérim du MRC, celui-ci estime que le parti dont il a la charge veut bâtir une coalition qui soit le gage d’une véritable alternative.
Entre samedi et dimanche derniers, les Camerounais ont eu droit à deux communiqués finaux à l'issue d'une rencontre du MRC : l’un signé par le secrétaire général adjoint et l'autre par vous. Pourquoi ? Et cela ne fait-il pas désordre ?
Il y a eu deux communiqués complémentaires, chacun ayant un rôle précis. Le premier, signé par le secrétaire général adjoint, a permis d’informer rapidement sur les conclusions des travaux. Le second, que j’ai signé en tant que président national, a apporté les précisions institutionnelles qui relevaient de ma responsabilité. C’est une démarche normale et assumée, qui traduit notre souci de rigueur et de clarté.
On parle de querelles intestines au sein du MRC ; on dit même que le parti aurait été infiltré par des “forces obscures” à l'agenda caché. Qu’en dites-vous ?
Je puis vous assurer que le MRC est un parti solide et uni, malgré les défis que nous rencontrons. Les querelles internes sont normales dans tout parti politique, mais nous travaillons à les résoudre de manière constructive. Quant à l’infiltration par des “forces obscures”, je ne peux pas commenter des allégations sans fondement. Le MRC est un parti démocratique qui œuvre pour les intérêts du Cameroun.
Au MRC, s’il y a des discordes, nous les assumons et les tranchons dans le cadre de nos statuts. Cela fait partie de la démocratie. Notre cap est clair : défendre les Camerounais et préparer l’alternance.
Vous êtes celui qui a convoqué ces travaux. Mais, étrangement, vous ne les avez pas personnellement présidés. Y avait-il une raison à cela ?
Un dirigeant doit savoir déléguer. J’ai choisi de confier la présidence des travaux à un autre membre afin de garantir un climat serein et de permettre une meilleure répartition des responsabilités. L’essentiel était que les débats se déroulent de manière équitable et transparente. J’ai confiance en la personne à qui j’ai confié l’énorme tâche de présider ce Conseil national, dans un parti aussi riche en ressources humaines que le MRC, où le débat est constant et constructif. Nous ne sommes pas comme ceux de l’autre côté, où des courtisans soumis ont troqué leur liberté de parole contre des postes et le désir d’être bien vus d’une personne qu’ils ne rencontrent jamais.
Dans les résolutions finales desdits travaux, on constate que le MRC appelle Maurice Kamto à revenir. Pourquoi rappeler dans les rangs du MRC un homme qui a démissionné ? N’est-ce pas une forme de cacophonie politique ?
Le MRC a appelé Maurice Kamto à revenir parce que nous croyons en son leadership et en sa vision pour le Cameroun. Il représente à lui seul près de 70 % de notre parti, tant par son effort de mobilisation militante que par son aura. Qui se permettrait de refuser une telle potentialité humaine ? Sa démission a été une perte pour le parti, mais elle s’inscrivait dans une logique stratégique. Nous souhaitons qu’il rejoigne à nouveau nos rangs pour nous aider à atteindre nos objectifs. Il n’y a donc pas de cacophonie, mais plutôt une volonté politique affirmée. Je suis celui à qui il a remis le flambeau ; en son temps, je ferai mon devoir de demander à mes amis politiques de comprendre que le toit n’est pas seulement utile lors des intempéries, mais également lorsque le ciel est clément. Ce toit, c’est bien le Pr Maurice Kamto
Depuis la démission de Maurice Kamto du MRC, vous avez hérité de la présidence par intérim. N’êtes-vous pas tenté d’en devenir le président national tout court ?
En tant que président national par intérim, ma responsabilité est de servir le parti et de garantir sa stabilité. Mon rôle n’est pas de rechercher un titre, mais de préparer le MRC, de le mettre en ordre de marche et de l’armer face aux défis qui l’attendent, afin qu’il réponde pleinement aux aspirations des Camerounais.
Je ne serai pas tenté de compromettre les valeurs qui sont miennes dans un contexte qui ne s’y prête pas. Je ne trahirai ni le MRC, ni le Pr Maurice Kamto, pour la confiance qu’il m’a accordée et pour le profond respect que je lui voue. Le temps viendra, et c’est le parti qui décidera. Je suis un agronome.
Un retour de Maurice Kamto au MRC marquerait-il la fin de l’alliance avec le Manidem ?
Le retour de Maurice Kamto au MRC n’implique pas nécessairement la fin de notre alliance avec le Manidem. Nous travaillons à renforcer nos relations avec nos alliés et à promouvoir les intérêts du Cameroun.
Je tiens d’ailleurs à remercier les militants du Manidem et leur président pour tout ce qu’ils ont fait. Nous leur serons éternellement redevables. Ils ont agi comme de véritables combattants. Quant à M. Yebga, je laisse sa conscience le juger ; qu’il retienne que son geste lui apportera les fruits qu’il a souhaités.
L’on apprend que le MRC va soutenir une large coalition. Or, nous savons que les tractations entre les candidats intéressés par cette coalition sont difficiles. Le MRC est-il partie prenante des discussions au sujet de cette coalition ?
Oui, le MRC participera activement à ces discussions. Mais nous le faisons avec une exigence claire : l’unité n’a de sens que si elle repose sur un projet politique partagé. Notre objectif n’est pas de rassembler pour la photo, mais de construire une coalition qui incarne une véritable alternative pour le Cameroun.
Y a-t-il pour le moment un candidat qui semble se détacher du lot et susceptible de remporter l’adhésion du MRC ?
Il est encore trop tôt pour dire qui sera le candidat qui remportera l’adhésion du MRC. Nous évaluons les candidats en fonction de leur vision pour le Cameroun et de leurs capacités à répondre aux aspirations des Camerounais.
Quelle sera la position du MRC si la coalition n’est pas large ? Y renoncera-t-il ?
Si la coalition n’est pas large, le MRC évaluera les options qui s’offrent à lui et prendra une décision conforme à ses valeurs et à ses objectifs. Nous ne renoncerons pas à nos principes ni à nos convictions.
Il reste à peine un mois avant la présidentielle. N’est-il pas un peu tard pour un candidat consensuel ?
Dans l’histoire politique, des dynamiques peuvent se créer très vite. L’important n’est pas seulement le calendrier, mais la clarté du projet et la confiance des Camerounais. Nous travaillons à incarner cette confiance.
Si le MRC adoube une coalition et que Maurice Kamto répond favorablement en revenant au MRC, devra-t-il descendre sur le terrain pour battre campagne pour le candidat de la coalition ?
Si Maurice Kamto répond favorablement à notre appel et rejoint le MRC, il sera maître de la forme que prendra son engagement. Mais au-delà des modalités, chacun sait que sa voix constitue un facteur de mobilisation nationale et un levier stratégique pour le candidat de la coalition. Son retour renforcerait non seulement la campagne, mais aussi la crédibilité de l’alternance aux yeux du peuple camerounais et de la communauté internationale.
Que pensez-vous de l’annonce de la présentation d’un candidat consensuel par l’Union pour le changement, le 13 septembre prochain ? Le MRC a-t-il été associé à cette démarche ?
Nous n’en sommes pas informés. Nous ne savons ni qui organise cela, ni pour quel candidat. Nous ne sommes pas pressés de courir vers des horizons incertains. Les seules décisions valables seront celles qui émaneront de discussions avec notre candidat, et non avec le président d’un parti qui l’a investi, malgré tout le respect que nous avons pour le Manidem. Je ne saurais engager le MRC sur des voies sans lendemain. L’histoire me jugera, et je préfère, comme vous, suivre ce qui se passera le 13 septembre.
Votre mot de fin.
Le Cameroun est à un tournant historique. Trop longtemps, nos frustrations ont été exploitées ou détournées. Le moment est venu de les transformer en force politique organisée. Le MRC n’est pas simplement un parti en quête d’un candidat, c’est une conscience nationale, un acteur majeur du changement démocratique et un garant des valeurs de justice. Nous appelons chaque Camerounais à prendre sa part dans ce combat pacifique mais déterminé. Ensemble, nous pouvons renforcer la coalition du changement et ouvrir une ère nouvelle, fondée sur la dignité, la justice et l’espérance.
Paul Chouta