Actualités of Tuesday, 16 September 2025

Source: www.camerounweb.com

Incroyable : les vins et bières vendus à Yaoundé sont contaminés

Vins et bières Vins et bières

C’est Olive Atangana qui fait la révélation. La compatriote a un blog qu’elle anime. C’est une plateforme qui traite l’actualité sanitaire, propose des avis et des conseils des professionnels de la santé. La nouveauté, c’est que des liqueurs sont malsaines dans la capitale.

Réalisée par le Centre pasteur du Cameroun et l’université de Yaoundé I, l’étude, publiée en septembre 2025 dans le Journal of Food Processing & Beverages, a porté sur 106 échantillons de spiritueux, de vins et de boissons traditionnelles collectés entre 2018 et 2023 au marché Mokolo, l’un des plus grands d’Afrique centrale. C’est surtout le plus important point de ravitaillement des établissements de tourisme et de loisir.

Des chiffres alarmants mais invisibles. Les résultats sont préoccupants : 32,1 % des boissons analysées dépassent la limite de 50 mg/l de méthanol fixée par l’Union européenne, bien qu’aucune n’ait franchi le seuil d’intoxication aiguë (2 000 mg/l). Mais les auteurs insistent : « Le risque d’intoxication aiguë semble faible, toutefois les effets chroniques d’une exposition répétée à de faibles doses de méthanol restent préoccupants, notamment pour les gros consommateurs ».

Les spiritueux apparaissent les plus à risque : certains whiskys ont affiché des taux vertigineux, atteignant 415,8 mg/l, soit plus de huit fois la norme européenne. Côté vins, près de la moitié des échantillons dépassaient les 100 mg/l, avec des pics à 206,5 mg/l pour certains rouges. Certes, ces niveaux restent inférieurs aux plafonds fixés par l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV), mais ils soulignent les limites de la maîtrise des procédés de fermentation et de distillation locaux.

L’angle mort des boissons traditionnelles. À première vue, les boissons locales – vin de palme, odontol – paraissent moins problématiques, avec des teneurs comprises entre 14,5 et 40,3 mg/l. Mais ce constat cache un paradoxe : « La plupart des échantillons dépassent la limite fixée par la Nafdac au Nigeria (5 mg/l) ». De quoi fragiliser leur consommation locale et surtout bloquer toute ambition d’exportation vers des marchés plus régulés.

Des étiquettes trompeuses, une traçabilité inexistante. Le volet étiquetage du rapport révèle un chaos inquiétant : 13,5 % des boissons présentaient un degré d’alcool erroné, 16 % n’affichaient aucune teneur en alcool, et jusqu’à 39 % des vins ne comportaient pas de numéro de lot. Plus grave encore, certains producteurs ont attribué un même numéro de lot à plusieurs marques distinctes, ce qui « suggère des pratiques de fraude ou, au minimum, un contrôle qualité quasi inexistant ».

Dangers sanitaires d’une dérive silencieuse. Au-delà de la fraude commerciale, les conséquences sanitaires d’une telle dérive sont majeures. L’ingestion répétée de méthanol, même à faible dose, peut entraîner des troubles digestifs, des atteintes neurologiques, des lésions irréversibles de la vision, et dans les cas extrêmes, provoquer la cécité ou la mort. Le rapport rappelle que « les effets du méthanol touchent principalement le système nerveux central et les voies visuelles », soulignant le risque d’une crise sanitaire silencieuse dans un pays où l’alcool est consommé massivement. À long terme, ces expositions chroniques pourraient alourdir le fardeau économique et social de la santé publique camerounaise, déjà fragilisée par d’autres fléaux.

Vide réglementaire. L’enjeu dépasse la seule sécurité alimentaire. Le Cameroun ne dispose d’aucune norme nationale encadrant la teneur en méthanol des boissons alcoolisées. « L’absence de standards spécifiques permet la persistance de pratiques risquées pour les consommateurs », écrivent les auteurs, qui appellent à un alignement urgent sur les standards internationaux, à l’instar de l’UE ou de l’OIV.

Un avertissement politique et sanitaire. Cette étude ne laisse aucun doute : le méthanol présent dans un tiers des boissons alcoolisées à Yaoundé (voire au Cameroun) constitue un risque sanitaire réel et durable. Ce poison invisible s’infiltre dans la vie quotidienne des Camerounais, exacerbant les troubles neurologiques, les atteintes visuelles, et alourdissant le fardeau déjà lourd du système de santé.

Pourtant, le Cameroun demeure sans cadre réglementaire ni contrôle effectif sur ce dossier, alors que les normes internationales existent depuis des décennies. Le marché, en pleine expansion, mêle industrie formelle et production informelle, mais aucune instance ne garantit efficacement la sécurité des consommateurs sur le terrain.

La mollesse des sanctions et l’absence de contrôle, ainsi que le manque de standards clairs, créent un terrain fertile à la fraude, à la négligence et aux pratiques dangereuses, exposant des millions de consommateurs à un poison lent et silencieux. En réalité, ce scandale éclabousse une chaîne de responsabilités : producteurs, distributeurs, autorités de contrôle et législateurs. L’enjeu est simple : sans réforme réglementaire urgente, la santé publique camerounaise est condamnée à payer le prix fort — non pas d’une crise spectaculaire et médiatisée, mais d’une épidémie silencieuse, progressive et meurtrière.