L'homme d'affaires d'origine camerounaise naturalisé américain retrouve la liberté après 32 jours de détention à la prison de Kondengui
Après plus d'un mois de détention qui avait provoqué une crise diplomatique entre Yaoundé et Washington, le citoyen américain d'origine camerounaise MBA Ndewa Derogy Leotard a été libéré de la prison centrale de Kondengui. Cette libération intervient suite aux pressions exercées par le Département d'État américain sur les autorités camerounaises.
L'histoire remonte à novembre 2024 lorsque Derogy Ndewa et sa compagne Amber Murray, tous deux de nationalité américaine, arrivent au Cameroun pour s'installer temporairement. Le couple verse un dépôt de garantie de 2 millions de FCFA pour la location d'une propriété située dans le quartier huppé de Bastos, appartenant à Magnus Ekoumou, ambassadeur du Cameroun en France.
La transaction, effectuée auprès de la gouvernante Maffo Stéphanie, tourne au vinaigre lorsque les propriétaires refusent finalement de leur louer la maison, malgré le versement de la caution. Face à cette situation, Amber Murray publie une vidéo sur les réseaux sociaux, dénonçant ce qu'elle considère comme une tentative d'escroquerie.
Ce qui devait rester un différend civil prend une tournure judiciaire cinq mois plus tard, en mars 2025, lorsque l'ambassadeur Ekoumou et son épouse engagent des poursuites pour diffamation contre le couple américain
Le 7 mars 2025, les deux Américains sont convoqués au commissariat central n°1 de Yaoundé. Si Amber Murray est rapidement libérée, son compagnon Derogy Ndewa connaît un sort différent. Malgré sa nationalité américaine, il est déféré au tribunal de première instance de Yaoundé puis écroué à la prison de Kondengui.
Plusieurs éléments de cette affaire soulèvent des questions sur la régularité de la procédure. D'abord, le délai de cinq mois entre les faits allégués et l'ouverture des poursuites judiciaires contraste avec l'invocation d'un "flagrant délit" par le parquet.
Ensuite, la différence de traitement entre les deux prévenus, tous deux de nationalité américaine, interroge sur les motivations réelles de cette détention. Certains observateurs y voient une instrumentalisation de la justice à des fins personnelles.
La détention d'un citoyen américain dans des conditions jugées irrégulières n'a pas manqué d'attirer l'attention du Département d'État américain. Selon nos sources, l'affaire a rapidement remonté les échelons diplomatiques, provoquant des échanges tendus entre Washington et Yaoundé.
Les autorités américaines ont fait savoir leur préoccupation concernant le traitement réservé à leur ressortissant, exigeant sa libération immédiate et le respect de ses droits consulaires.
Une libération sous contrainte
Face à la pression diplomatique croissante et aux risques de détérioration des relations bilatérales, les autorités camerounaises ont finalement cédé. Après 32 jours de détention, Derogy Ndewa a retrouvé la liberté, marquant la fin d'un épisode qui aura mis en lumière les dysfonctionnements du système judiciaire camerounais.
Cette affaire illustre une fois de plus les dérives possibles lorsque des intérêts personnels se mêlent à l'exercice de la justice. Elle soulève également des questions sur l'indépendance du pouvoir judiciaire face aux influences politiques et diplomatiques.
Au-delà de la libération de Derogy Ndewa, cette affaire pourrait avoir des répercussions sur les relations entre le Cameroun et les États-Unis. Elle met en évidence les limites de l'impunité diplomatique et la nécessité pour les représentants camerounais à l'étranger de respecter les standards internationaux dans leurs rapports avec les citoyens étrangers.
Pour Magnus Ekoumou, ambassadeur en poste à Paris, cette affaire constitue un sérieux revers qui pourrait compromettre sa carrière diplomatique. L'instrumentalisation présumée de la justice camerounaise pour régler un différend privé soulève des questions sur son professionnalisme et son respect des conventions diplomatiques.
Cette affaire s'ajoute à une longue liste de cas où la justice camerounaise est accusée de servir des intérêts particuliers plutôt que l'État de droit. Elle rappelle la nécessité urgente de réformes pour garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire et le respect des droits fondamentaux, y compris pour les ressortissants étrangers.
La libération de Derogy Ndewa, bien qu'elle mette fin à un épisode embarrassant, ne devrait pas occulter les questions de fond sur le fonctionnement de la justice camerounaise et la protection des droits des justiciables.