Actualités of Monday, 3 November 2025

Source: L’Indépendant N°978 du 3 novembre 2025

Gouvernement : la nouvelle équipe de Paul Biya

Elite dirigeante Elite dirigeante

Les résultats officiels glanés par le candidat du RDPC lors des dernières présidentielles, depuis 2011, sont en régression. Une situation qui soulève des interrogations légitimes sur l’engagement réel, l’ancrage local et l’efficacité politique de certaines personnalités désignées par le chef de l’État. Lors de ce scrutin, le peuple camerounais n’a pas rejeté Paul Biya, il semble avoir plutôt sanctionné un système local qui a trahi l’esprit du Renouveau. Il est donc temps de tirer les leçons et de redéfinir les responsabilités. Le renouvellement de l'élite dirigeante, espéré dans les prochaines semaines, sera scruté de près, tant au Cameroun qu’à l’étranger, comme un indicateur des orientations politiques de ce huitième mandat historique.

Le candidat du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) a gagné la présidentielle avec 53,66% contre 46,34% pour tous les partis politiques d'opposition, avec une percée historique du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC) de 35,19. Le candidat Issa Tchiroma est arrivé en tête dans quatre régions : l’Adamaoua (avec 50,33 % contre 34,61 % pour le RDPC), la région Nord (43,51 % contre 38,78 %), et le Littoral (64,59 % contre 20,99 %) et l’Ouest (46,76 % contre 38,61 %). Paul Biya a ravi la vedette à son ancien ministre grâce aux scores fleuves dans ses bastions, notamment le Sud (plus de 90, 86 %), le Nord-ouest (86,03 %) et l’Est (73,88 %). Si la démarche insurrectionnelle de Issa Tchiroma Bakary est à condamner fermement, il est tant pour le camp présidentiel de se poser de bonnes questions sur les résultats de cette échéance électorale.

Il faut rappeler que jamais depuis le feu John Fru Ndi, un opposant n’avait franchi la barre des 30% malgré les irrégularités électorales décriées par les candidats. Ce résultat traduit un mécontentement d’une frange de la population qui est sans cesse grandissant. Près de la moitié des populations l'ont exprimé. Et les causes sont visibles, les responsables aussi. Issa Tchiroma, ancien membre du gouvernement, a profité d’une visibilité et d’un accès privilégié aux dossiers stratégiques, notamment dans le secteur minier. En promettant une alternance rapide et un « mandat de transition de trois ans », il a séduit une partie de l’électorat avide de nouveauté.

Paul Biya, 92 ans, au pouvoir depuis 1982, et l’un des dirigeants les plus anciens du continent africain, a bien reçu le message du peuple camerounais souverain et maître de son destin. Lui mieux que quiconque sait à ce stade ce qu'il faut faire pour remonter la pente s'il ne souhaite pas voir ce capital de confiance qu'il continue de bénéficier auprès des populations chuter lors des municipales et législatives de 2026 et compromettre l'implémentation de son plan d'émergence au cours de ce septennat. Par rapport à la dynamique du RDPC, l'élection présidentielle récente a révélé des tendances intéressantes. Les suffrages accordés au président Paul Biya peuvent être interprétés de plusieurs manières, par certains. D'une part, ce score pourrait être vu comme un signe de la solidité de l'ancrage du RDPC sur l'ensemble du territoire camerounais. Cependant, certains observateurs pourraient y voir une preuve de l'existence de dysfonctionnements internes, voire de sabotage, qui auraient empêché le parti de réaliser un score à la soviétique. En effet, estiment certains analystes, le rôle trouble de certains responsables laisse songeur.

L’on évoque par exemple cette affaire de fonds de campagne électoral détournés qui pourrait bien expliquer ce résultat en demi-teinte. Cette hypothèse est d'autant plus plausible que le parti de Paul Biya dispose de moyens importants et que l'opposition était divisée et affaiblie. Le concept de "coup d'État scientifique" évoqué par feu Ateba Eyene prend ici tout son sens, soulignant la complexité des luttes de pouvoir internes. Face à ces résultats, il est souhaitable que le Président Biya prenne des mesures fortes pour restaurer la confiance au sein de son parti et de l'électorat. Un remaniement ministériel pourrait être l'occasion de faire le ménage et de sanctionner les responsables de ces dysfonctionnements. Les ennemis les plus dangereux du chef de l’État pourraient finalement être ceux qui, proches de lui, exigeraient qu'il se repose en raison de son âge, mettant ainsi en péril la stabilité du régime.

Signal fort

La confiance a été renouvelée au candidat Paul Biya par ses militants, ceux du RDPC, mieux par le peuple camerounais. Mais, on ne peut s’empêcher de constater une chute de ses derniers résultats à la présidentielle : de 77,98% en 2011, il a dégringolé à 71,28% en 2018 pour se retrouver à 53,66% en 2025. Ce qui sonne comme un signal fort qui mérite des actions fortes. Et donc, comme première action, il y a les postures des dirigeants qui doivent être un peu plus raisonnées sur certains sujets d'actualité et surtout dans la gestion des affaires publiques.

Il y a ensuite la démarche politique qui doit davantage porter sur les mesures qui touchent les populations marginales, les populations défavorisées, et notamment les pauvres. Il faut des politiques sociales plus accrues et une politique infrastructurelle à même de résorber un ensemble de questions. Aussitôt élu, le président Biya a d’ailleurs reconnu « le poids des responsabilités » qui lui incombent et souligné l’importance de répondre aux attentes des jeunes et des femmes. Qu’on se souvienne de la prise en otage de hauts dignitaires du régime dans le Nord en avril dernier, laquelle prise en otage s'est soldée par le refoulement des hauts dignitaires envoyés par Paul Biya, la population étant fatiguée de leurs nombreuses promesses jamais tenues. Ou encore de la manifestation des populations de la vallée du Ntem qui ont barricadé la route pour empêcher la tenue d'un meeting du RDPC dans la localité alors qu'elle n'a pas de lumière depuis 06 mois.

Le message est plus que clair ! Le renouvellement de la classe politique est une urgence. Certains ministres sont là depuis 2004, sans aucun impact réel l'impact qu'une telle longévité ministérielle doit concéder. Il faut une classe politique rajeunie et des institutions non seulement fortes, mais républicaines, c'est à dire uniquement au service de la République et jamais au service d'un clan, une famille ou des individus.