Actualités of Monday, 27 October 2025

Source: www.camerounweb.com

Garde rapprochée: les dignitaires religieux brisent le silence et soutiennent Issa Tchiroma Bakary Jeune Afrique )

Des évêques aux imams, une coalition spirituelle inédite défie Paul Biya. Révélations exclusives de Jeune Afrique sur ces autorités morales qui appellent au changement.



Yaoundé – Dans les coulisses de la contestation post-électorale qui secoue le Cameroun depuis le scrutin du 12 octobre, une force discrète mais déterminante émerge : celle des dignitaires religieux. Selon des informations exclusives obtenues par Jeune Afrique, plusieurs figures spirituelles de premier plan ont franchi le Rubicon en apportant leur soutien explicite à Issa Tchiroma Bakary, bravant ainsi les usages de neutralité qui prévalent habituellement dans leurs rangs.

L'homélie qui a tout changé


Tout commence fin 2024, à Yagoua, dans l'Extrême-Nord camerounais. Jeune Afrique révèle que c'est lors d'une homélie devenue légendaire que Mgr Barthélemy Yaouda Hourgo, évêque de Yagoua, prononce les mots qui marqueront la campagne : « Un nouveau président, quel qu'il soit, serait préférable à Paul Biya. "Le Diable", qu'il prenne d'abord [le pouvoir], le reste, on verra après. »

Cette déclaration fracassante vaudra à Issa Tchiroma Bakary son surnom de « bon Diable », qu'il portera comme un étendard tout au long de sa campagne. Jeune Afrique a appris que ce n'est pas un hasard si l'opposant choisira ensuite Yagoua comme point de départ de sa tournée électorale, scellant ainsi une alliance symbolique avec l'évêque contestataire.

« Cette prise de position a libéré la parole dans l'Église catholique camerounaise », confie un proche du prélat à Jeune Afrique. « Mgr Hourgo a ouvert une brèche dans laquelle d'autres ont pu s'engouffrer. »

Une mobilisation catholique sans précédent


L'effet domino ne se fait pas attendre. Jeune Afrique révèle que Paul Lontsié-Keuné, évêque de Bafoussam, bastion politique de l'Ouest camerounais, rejoint rapidement le mouvement. Dans des déclarations publiques, il met en garde le pouvoir contre toute tentative de manipulation électorale, un avertissement qui résonne comme un appel à la transparence.


À Douala, capitale économique du pays, Samuel Kleda, évêque du diocèse, partage cette vision, selon les informations de Jeune Afrique. Son positionnement est d'autant plus significatif que Douala constitue le cœur battant de l'opposition camerounaise et que son influence sur la communauté catholique de la métropole est considérable.
« Ces trois évêques ne se contentent pas de soutenir Tchiroma Bakary », explique un observateur de la vie religieuse camerounaise à Jeune Afrique. « Ils portent un message plus large : celui du rejet d'un système politique à bout de souffle et de l'aspiration au changement. »


Les imams du Nord rompent le pacte de silence


Mais la mobilisation ne se limite pas aux rangs catholiques. Jeune Afrique dévoile que dans le septentrion musulman, fief traditionnel d'Issa Tchiroma Bakary, plusieurs imams ont également pris position. Parmi eux, Modibo Kader se distingue par la radicalité de son message.


Dans une déclaration officielle faite au nom de plusieurs imams et révélée par Jeune Afrique, il appelle directement Paul Biya à « accepter sa défaite » et invite le gouvernement à dialoguer avec l'Union pour le changement (UPC), la coalition rassemblée autour de Tchiroma Bakary, « pour garantir une transition pacifique du pouvoir ».


Ces mots, prononcés avant même la proclamation des résultats définitifs par le Conseil constitutionnel, traduisent une rupture dans l'attitude traditionnellement prudente des autorités religieuses musulmanes vis-à-vis du pouvoir.

« L'implication des imams est stratégique pour Tchiroma Bakary », analyse un spécialiste de la politique camerounaise joint par Jeune Afrique. « Dans le Nord et l'Extrême-Nord, leur parole a un poids considérable sur les populations. Leur soutien confère une légitimité morale à sa contestation. »

Les chefs traditionnels sortent de l'ombre

Au-delà des autorités religieuses, Jeune Afrique révèle que plusieurs chefs traditionnels du Nord ont également choisi leur camp. Le lamido de Bogo, Bello Mohamadou, longtemps soupçonné de soutenir discrètement Issa Tchiroma Bakary, assume désormais pleinement cet engagement.

Plus spectaculaire encore, selon les informations de Jeune Afrique, Mourad Aba, sultan de Kousséri, s'est illustré en accueillant dans sa ville l'une des plus grandes mobilisations en faveur de l'opposant. Il sera même le premier dignitaire à adresser publiquement ses félicitations à Issa Tchiroma Bakary dès le soir du 12 octobre, avant même l'annonce des résultats provisoires par Elecam.

« Ces ralliements ne sont pas anodins », souligne un analyste politique à Jeune Afrique. « Dans la société camerounaise, particulièrement dans le Nord, l'autorité morale des chefs traditionnels reste considérable. Leur positionnement peut influencer des milliers d'électeurs. »

Un risque calculé face au pouvoir

Cette mobilisation religieuse et traditionnelle comporte néanmoins des risques. Jeune Afrique a recueilli les témoignages de plusieurs sources proches des dignitaires engagés, qui évoquent des pressions discrètes exercées par le pouvoir pour tenter de faire taire ces voix dissidentes.

« Certains ont reçu des visites d'émissaires du régime, d'autres ont été contactés par téléphone », confie à Jeune Afrique un membre de l'entourage d'un évêque. « Mais ils ont tenu bon. Leur légitimité spirituelle les protège, dans une certaine mesure, d'une répression frontale. »

Cette immunité relative explique pourquoi ces figures religieuses jouent un rôle central dans la stratégie de contestation d'Issa Tchiroma Bakary, révèle Jeune Afrique. Dans un contexte où les voix politiques de l'opposition sont souvent étouffées, celles des évêques, imams et chefs traditionnels peuvent porter plus loin.

Une coalition inédite pour un combat historique

Ce qui frappe les observateurs, c'est la diversité de cette coalition spirituelle. Jeune Afrique constate que rarement dans l'histoire politique du Cameroun catholiques, musulmans et autorités traditionnelles se sont trouvés aussi unanimement alignés derrière un candidat de l'opposition.
« Cette convergence témoigne de l'ampleur du rejet du système Biya », analyse un sociologue camerounais contacté par Jeune Afrique. « Quand les autorités morales de tous bords franchissent le pas et appellent au changement, c'est que la société est mûre pour une rupture. »

Alors que le Conseil constitutionnel s'apprête à proclamer ce lundi les résultats définitifs de la présidentielle, ces dignitaires religieux constituent un rempart moral pour Issa Tchiroma Bakary. Leur soutien transforme la contestation électorale en mouvement de conscience collective.

« Ils ne parlent pas seulement au nom de leurs fidèles », conclut un opposant historique joint par Jeune Afrique. « Ils parlent au nom d'un peuple fatigué d'attendre le changement. Et cette voix-là, même Paul Biya ne peut pas la faire taire. »