Actualités of Thursday, 18 December 2025

Source: www.camerounweb.com

Géopolitique - Quand les réseaux sociaux tentent de déstabiliser le Cameroun : anatomie d'une fake news stratégique

Paul Biya Paul Biya

Investigation exclusive : derrière la rumeur, une manipulation calculée


La désinformation ciblant le Cameroun a pris une nouvelle dimension avec l'affaire de sa prétendue "suspension" de l'Union africaine. L'investigation de Jeune Afrique révèle les mécanismes d'une opération de déstabilisation qui mêle faits réels et exagérations dramatiques.


Depuis le 15 décembre, plusieurs médias et comptes influents sur les réseaux sociaux ont relayé une information alarmiste : le Cameroun aurait été "suspendu" de l'UA pour non-paiement de ses contributions. Jeune Afrique a retracé la propagation de cette information et identifié des incohérences majeures dans sa diffusion.

"Il y a eu une volonté manifeste de confondre 'sanctions préventives temporaires' et 'suspension définitive'", explique à Jeune Afrique un spécialiste de la désinformation en Afrique centrale. "Les deux termes n'ont absolument pas la même portée diplomatique."


Jeune Afrique a pu consulter le document officiel du 16 décembre signé par Yaouba Abdoulaye, ministre délégué auprès du ministre des Finances. Contrairement aux affirmations circulant en ligne, ce document ne mentionne nulle part une "suspension" du Cameroun, mais bien des "sanctions préventives" qui ont été "immédiatement levées" après le paiement partiel du 10 novembre.
La distinction cruciale entre sanctions et suspension
L'enquête de Jeune Afrique établit une différence fondamentale souvent ignorée dans le débat public. Selon le cadre juridique de l'UA que nous avons analysé, la suspension complète d'un État membre n'intervient que dans des cas extrêmes : coups d'État, ruptures constitutionnelles majeures, violations graves des principes fondamentaux de l'organisation.

"Mettre sur le même plan des arriérés financiers et un putsch militaire est une confusion dangereuse", souligne une source diplomatique à Addis-Abeba interrogée par Jeune Afrique. "Le Cameroun n'a jamais été dans cette catégorie."


Le ministre Yaouba Abdoulaye a formellement démenti la suspension dans sa correspondance, affirmant que "la République du Cameroun n'a jamais été suspendue de l'Union Africaine" et qualifiant les informations sur les réseaux sociaux d'"inexactes". Jeune Afrique a constaté que ce démenti n'a été diffusé qu'après plusieurs jours de propagation virale de la fausse information.


Jeune Afrique révèle que des communicants proches du gouvernement ont tenté de contrer la désinformation dès son apparition, mais se sont heurtés à la viralité des réseaux sociaux. "L'information négative se propage dix fois plus vite que le démenti", déplore l'un d'eux sous anonymat.


L'analyse de Jeune Afrique du calendrier de diffusion soulève des questions. Pourquoi cette information surgit-elle précisément maintenant, alors que le paiement partiel date du 10 novembre et que les sanctions ont été levées il y a plus d'un mois ?

Des observateurs politiques contactés par Jeune Afrique évoquent une possible manœuvre de déstabilisation à l'approche du sommet de l'UA de février 2026, où des enjeux stratégiques importants seront débattus, notamment la réforme institutionnelle de l'organisation et le financement des opérations de maintien de la paix.


Jeune Afrique a appris que le Cameroun n'est pas le seul pays à avoir connu des difficultés de paiement auprès de l'UA. Plusieurs États membres, dont certains parmi les plus influents du continent, ont également accusé des retards dans leurs contributions sans faire l'objet d'une telle campagne médiatique.
"Il y a manifestement deux poids, deux mesures dans le traitement médiatique de ces questions financières", observe un analyste des relations internationales africaines joint par Jeune Afrique.


Cette affaire, décryptée en exclusivité par Jeune Afrique, illustre la vulnérabilité des États africains face aux campagnes de désinformation. Elle pose également la question de la transparence dans la communication gouvernementale sur les finances publiques et les engagements internationaux.
Pour les experts interrogés par Jeune Afrique, une communication plus proactive et transparente des autorités camerounaises aurait pu désamorcer cette crise avant qu'elle ne prenne de l'ampleur sur les réseaux sociaux.