Vous-êtes ici: AccueilActualités2023 06 09Article 727247

Actualités of Friday, 9 June 2023

Source: Roland Tsapi

Figure : Ernest Ouandié, son histoire falsifiée ?

Ernest Ouandié et ses œuvres résistent et confirment que l’histoire ne peut être effacée Ernest Ouandié et ses œuvres résistent et confirment que l’histoire ne peut être effacée

Il est l’un des personnages historiques dont la trajectoire et les prises de positions font l’objet des polémiques dans les écrits, ayant vécu dans un contexte où la manipulation de l’information était l’une des armes privilégiées du pouvoir. Ernest Ouandié et ses œuvres résistent et confirment que l’histoire ne peut être effacée d’un coup de crayon.

L’histoire du Cameroun a été écrite par certains hommes qui ont fait don de leur vie pour un pays meilleur, mais a été réécrite par d’autres hommes dont l’intention n’était pas toujours de rendre service. Ernest Ouandié est l’un des hommes qui a courageusement laissé sa vie sur la potence, ayant en idée de servir d’exemple, mais a été doublement victime du pouvoir colonial qui en plus de le vouer à la mort, a tout d’abord essayer de ternir son image et le présenter comme un traître. Un fait indéniable au moins, c’est qu’il fut exécuté le 15 janvier 1971, et son corps enterré coulé dans du béton pour éviter que ses proches ne puisse rien en récupérer. Dans un hommage rendu en 2021 à celui que l’on appelait le dernier des mohicans, l’historien africain Francis Kuikoua donne une autre version des évènements qui ont précédé sa mise à mort. Jusqu’ici on savait que Ernest Ouandié avait été arrêté par les soldats du pouvoir après avoir été trahi par son secrétaire tombé quelques heures avant dans les filets de l’armée coloniale, alors que les deux attendaient que Monseigneur Ndogmo viennent les récupérer pour les exfiltrer au Cameroun anglophone. Francis Kuikoua affirme que tout cela est de la manipulation et que Ernest Ouandié alias « camarde Emile » s’était rendu lui-même aux autorités. Il explique que « tout était parti le 19 août 1970 à Mbanga où le commandant en chef de l’ALNK sans doute sous pression, avait décidé de mettre fin au grand suspens sur sa personne en se rendant. Lâché par les uns et trahi par les autres, Ouandié devenu très barbu, fatigué, finit par se rendre le 19 août 1970. « Je suis Ernest Ouandié » se présente t-il aux gendarmes à Mbanga. Ce fut d’abord la débandade de ces derniers avant d’être gentiment rappelé par leur étrange visiteur. À la suite de quelques coups de fils à Bafoussam, Douala et Yaoundé, le prisonnier le plus recherché se laissait passer les menottes sans résistance. Yaoundé exulte ! L’appareil de l’Etat au travers de Jean Fochivé et Samuel Kamé comme des boulangers en quête de légitimité, devaient rentrer à l’usine pour la fabrication des « vérités» de l’Etat en vue de tuer l’âme du héros vivant en Ouandié. C’est ainsi qu’on emmena habilement les pauvres populations à applaudir les raisons d’état de sa condamnation à la peine capitale. Il ne faut surtout pas qu’on dise qu’il s’est rendu. À ce sujet, une course à la montre est animée par les autorités autour de son ralliement que l’on veut absolument transformer en une capture. Deux gendarmes vers qui Ouandié s’était présenté, ayant divulgué leur témoignage sur ce ralliement ont été portés disparus. Ils étaient allés contre la version gouvernementale, croyant que Ouandié était un prisonnier comme les autres. Pour Abada Apollinaire, secrétaire général de l’inspection Fédérale d’administration de la région de l’Ouest dans son procès-verbal du 29 août 1970, rapporte dans la version officielle que le chef rebelle a été arrêté par les populations…Le même rapport précise qu’à peine arrêté, le président de l’UPC avait commencé à livrer ses complices. Ce qui n’était pas vrai. Ouandié ne pouvait donner aucun nom. Car Jean Fochivé et Samuel Kamè à la manœuvre étaient bien plus capables de ses enfumages. Une liste de noms du maquis dit « kribi » dans la localité de Loum refugiés à Tombel fut dressée. L’idée du pouvoir était de discréditer Ouandié à deux niveaux au moins, montrer qu’il n’était pas aussi puissant que l’opinion le présentait, et que la simple population l’avait arrêté, ensuite faire croire qu’une fois arrêté il a rapidement livré ses camarades, que c’était un traître, pour que les combattants restés en forêts baissent les bras et sortent.

Pour Ouandié, le combat ne fait que commencer et ne s’arrêtera plus. Surtout que sa dernière parole, avant que les balles n’aient raison de lui, scandait ces mots : D’autres poursuivront le combat”. L’histoire peut bien lui donner aujourd’hui raison, car cinquante ans après sa prophétie, le combat pour la liberté et l’indépendance du Cameroun reste entier : un pays appauvri, écartelé, divisé, au bout de l’implosion avec plus de 10.000 morts aujourd’hui dans les régions anglophones et un nombre inestimable de déplacés ou vivant en brousse, une dérive dictatoriale assumée digne des temps les plus sombres de l’histoire de notre humanité, pour un oui ou pour un non, on peut se retrouver en prison, reniant la démocratie et tout ce qui en fait la force

Prophétie

L’historien conclue son récit assez détaillé par cette analyse : « En ce jour d’anniversaire, symbolique du meurtre de Ouandié, il est impératif de s’arrêter un tant soit peu et penser d’abord au Cameroun en donnant un sens à ce bouc émissaire sacrifié sur le chemin de la liberté, au même titre que le très charismatique Um Nyobè le Mpodol, Félix Moumié le jusqu’auboutiste, Ossendé Afana « alias Castro » et les autres. Pour avoir eu le mérite de soulever et d’anticiper ces dangers qui guettaient à court et à long terme le Cameroun, ses camarades et lui ont été victimes de la barbarie coloniale. À 47 ans bien sonnés, l’âge de la maturité, de la grande raison, Ernest Ouandié est froidement exécuté sur la place publique le 15 janvier 1971 après une mascarade de procès tenu à Yaoundé. L’homme était considéré par les pouvoirs en place comme étant le dernier poison qui les empêchait de troquer servilement les richesses du sol et du sous-sol du Cameroun à la France. Pour Ouandié, le combat ne fait que commencer et ne s’arrêtera plus. Surtout que sa dernière parole, avant que les balles n’aient raison de lui, scandait ces mots : D’autres poursuivront le combat”. L’histoire peut bien lui donner aujourd’hui raison, car cinquante ans après sa prophétie, le combat pour la liberté et l’indépendance du Cameroun reste entier : un pays appauvri, écartelé, divisé, au bout de l’implosion avec plus de 10.000 morts aujourd’hui dans les régions anglophones et un nombre inestimable de déplacés ou vivant en brousse, une dérive dictatoriale assumée digne des temps les plus sombres de l’histoire de notre humanité, pour un oui ou pour un non, on peut se retrouver en prison, reniant la démocratie et tout ce qui en fait la force. Une constitution “coupée décalée”, un code électoral taillé sur mesure, champion toutes catégories confondues de la corruption, de népotisme, d’assassinats pour des raisons diverses et que sais-je encore… Que ceux qui se plaisent à falsifier l’histoire de notre pays pour des raisons de pouvoir, de ventre ou de bas-ventre, se gardent de tout triomphalisme car, les faits sont têtus, inutiles de leur trancher la tête, ils resurgiront toujours et de la plus belle manière, comme disait Nguefang Ambroise alias “supportant” l’ex-cuisinier de Ouandié, au maquis dit “Accra” dans le Ndé.

Roland TSAPI