Actualités of Monday, 27 October 2025
Source: www.camerounweb.com
EXCLUSIF - Dans un entretien accordé à Jeune Afrique cinq jours avant la proclamation officielle, le secrétaire général du RDPC reconnaît que Paul Biya a enregistré son pire résultat depuis 33 ans. Des aveux rares qui révèlent l'inquiétude du parti au pouvoir.
Rarement un cadre du régime camerounais se sera montré aussi cash. Dans les révélations exclusives de Jeune Afrique publiées ce 27 octobre, Grégoire Owona, secrétaire général du RDPC et ministre du Travail, livre une analyse sans fard de la performance électorale de Paul Biya : "Ce résultat est un message clair et nous devons en tenir compte."
Le magazine panafricain rapporte que le dirigeant du parti au pouvoir a commenté ainsi les résultats provisoires : le président sortant aurait enregistré "son pire score depuis son duel de 1992 avec John Fru Ndi". Une référence lourde de sens, car cette élection de 1992 avait été l'une des plus contestées de l'histoire du Cameroun moderne.
Si le Conseil constitutionnel proclame Paul Biya vainqueur avec 53,66% des suffrages, ce chiffre masque une réalité plus complexe que Jeune Afrique a réussi à faire avouer au secrétaire général du RDPC. Comparé aux scrutins précédents où Biya franchissait régulièrement la barre des 70%, voire 80%, ce score de 53,66% représente effectivement un recul historique.
Grégoire Owona ne se contente pas de constater. Selon Jeune Afrique, il va plus loin dans l'autocritique : "Il y a sans doute des erreurs que nous avons commises, nous devons les corriger au plus vite avant les prochaines élections locales."
Des erreurs. Le mot est lâché. Mais de quelles erreurs parle-t-on exactement ?
Un RDPC en pleine introspection
Les révélations de Jeune Afrique montrent un parti au pouvoir en plein doute. Loin de l'arrogance triomphaliste qui suit habituellement les victoires électorales au Cameroun, Grégoire Owona adopte un ton inhabituellement autocritique.
"Ce résultat est un message clair et nous devons en tenir compte, ceci d'abord dans nos rangs", confie-t-il au magazine. Cette formule, "dans nos rangs", suggère que le RDPC reconnaît des dysfonctionnements internes, peut-être une déconnexion avec les aspirations d'une partie de l'électorat.
Le secrétaire général du parti va même jusqu'à évoquer une urgence : les erreurs doivent être corrigées "au plus vite" avant les prochaines élections locales. Jeune Afrique révèle ainsi que le RDPC est déjà en mode survie, conscient qu'un nouveau revers électoral pourrait être fatal.
Dans cet entretien exclusif accordé à Jeune Afrique le 22 octobre, soit cinq jours avant la proclamation officielle, Grégoire Owona développe aussi la ligne de défense du parti face aux accusations de fraude qui circulent.
Le magazine rapporte ses propos : "Pourquoi l'opposition ne conteste pas [les résultats] dans les circonscriptions où nous sommes déclarés perdants, mais le fait là où on nous annonce vainqueurs ?"
Cet argument, révélé par Jeune Afrique, tente de retourner la logique : si le RDPC avait massivement truqué les élections, pourquoi aurait-il accepté de perdre dans certaines zones ? C'est une défense classique mais qui bute sur une réalité : l'opposition conteste précisément là où les écarts entre ses chiffres et ceux du pouvoir sont les plus importants.
Jeune Afrique révèle également la position de Grégoire Owona sur les réformes du système électoral camerounais, réclamées depuis des années par l'opposition. Pour le secrétaire général du RDPC, le diagnostic est clair : il y a "un problème de personnes mais pas de loi électorale".
Cette analyse, rapportée exclusivement par le magazine, éclaire la stratégie du pouvoir : refuser toute réforme structurelle du système électoral, mais éventuellement sacrifier quelques boucs émissaires. Une approche qui permettrait de préserver l'essentiel – le contrôle du processus électoral – tout en donnant l'illusion du changement.
"La clé de l'élection, c'est le PV", insiste Grégoire Owona selon Jeune Afrique. "Vous ne pouvez pas être absent d'un bureau de vote et affirmer qu'il y a de la fraude." Un raisonnement qui fait porter la responsabilité sur l'opposition, accusée de ne pas avoir suffisamment mobilisé ses militants pour surveiller les bureaux de vote.
Ce qui transparaît des révélations de Jeune Afrique, c'est la conscience qu'a le RDPC de son érosion électorale. Passer de 70-80% à 53,66%, c'est perdre près d'un électeur sur trois. Pour un parti habitué à l'hégémonie depuis 1982, c'est un choc.
Le magazine rapporte que Grégoire Owona évoque déjà "l'avenir" et la nécessité de "préparer" les prochaines échéances. Cette projection dans le futur, alors que la crise actuelle n'est même pas résolue, montre que le RDPC est déjà en campagne pour les scrutins à venir.
Jeune Afrique révèle une information capitale : le RDPC a identifié les élections locales comme le prochain test de sa capacité de mobilisation. "Nous devons les corriger au plus vite avant les prochaines élections locales", dit Grégoire Owona en parlant des erreurs commises.
Ces élections locales, dont la date n'est pas encore fixée, pourraient devenir le véritable référendum sur la popularité du régime. Si le RDPC y subit un nouveau revers, la légitimité de Paul Biya sera encore plus entamée, même s'il a remporté la présidentielle.
L'ensemble de l'entretien révélé par Jeune Afrique dessine le portrait d'un parti au pouvoir sur la défensive. Grégoire Owona ne fanfaronne pas, il justifie. Il n'attaque pas frontalement l'opposition, il tente de comprendre ce qui a failli.
Cette posture inhabituelle traduit peut-être une prise de conscience : le Cameroun est en train de changer, et le RDPC doit s'adapter ou risquer de perdre son hégémonie. Le "pire score depuis 1992" n'est peut-être que le début d'une longue érosion.
Les révélations de Jeune Afrique montrent un RDPC tiraillé entre lucidité et déni. Lucide sur l'ampleur du recul électoral, mais dans le déni sur les causes profondes. Grégoire Owona admet des "erreurs" sans les nommer précisément. Il reconnaît un "message" de l'électorat sans vraiment l'interpréter.
Cette ambiguïté révèle peut-être l'impossibilité pour le RDPC de se réformer en profondeur tant que Paul Biya, 92 ans et au pouvoir depuis 1982, reste à sa tête. Comment un parti peut-il admettre avoir "commis des erreurs" pendant 43 ans sans remettre en cause son leader historique ?
En admettant publiquement que Paul Biya a réalisé son pire score depuis 33 ans, Grégoire Owona a peut-être commis une maladresse politique. Ces propos, immortalisés par Jeune Afrique, fournissent des munitions à l'opposition qui peut désormais argumenter : même le RDPC reconnaît que Biya n'a jamais été aussi faible.
Pour Issa Tchiroma Bakary et ses soutiens, ces déclarations exclusives révélées par le magazine panafricain constituent une validation indirecte de leur thèse : le peuple camerounais aspire au changement, et seule la fraude aurait permis à Paul Biya de l'emporter.