Actualités of Wednesday, 30 April 2025

Source: www.camerounweb.com

Exclusif – Cameroun : l’hémorragie silencieuse des soldats et étudiants enrôlés dans l’armée russe (Jeune Afrique)

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Ils s’appellent Garba, Romuald, Williams ou encore Dongmo Kemton Brice. Militaires en activité, étudiants ou simples citoyens en quête d’une vie meilleure, des dizaines de Camerounais ont été enrôlés – parfois contre leur gré – dans l’armée russe et envoyés sur le front ukrainien. Certains y ont déjà perdu la vie. D’autres ont disparu sans laisser de traces. Face à l’ampleur du phénomène, les autorités camerounaises tentent de réagir, mais la machine à recruter de Moscou, alimentée par la précarité et une propagande bien rodée, continue de faire des victimes. Jeune Afrique a mené une enquête exclusive.

« Je sais pourquoi tu m’appelles… Moi-même, je viens d’apprendre la nouvelle sur les réseaux sociaux », murmure, la voix brisée, l’épouse de Garba. Ce militaire des forces spéciales camerounaises, en poste depuis 2015, a été déclaré mort le 25 mars 2025 dans les combats en Ukraine. Comme lui, des dizaines de soldats camerounais ont déserté pour rejoindre l’armée russe, attirés par des promesses de salaires mirifiques.

Au Cameroun, un caporal-chef gagne à peine 200 000 FCFA (305 euros) par mois, une misère pour ceux qui risquent leur vie dans les zones de conflit comme l’Extrême-Nord face à Boko Haram ou les régions anglophones en proie à la crise séparatiste. « Si tu as le réseau, donne-le nous, nous aussi on part », lance, mi-sérieux mi-ironique, un autre militaire interrogé par Jeune Afrique à Ngaoundéré.

Sur Telegram, TikTok et Facebook, des comptes comme « mr_lerusse » (56 000 abonnés) ou « Génération ZOV » diffusent une propagande agressive : l’armée russe y est présentée comme « invincible », offrant salaires élevés, primes de combat et même une nationalité russe après la guerre.

Mais la réalité est bien plus sombre. Romuald, 20 ans, est parti pour Moscou sous prétexte d’études. À son arrivée, son passeport a été confisqué. Quelques jours plus tard, sa famille recevait une photo de lui en treillis, saluant militairement. Comme lui, des étudiants africains se retrouvent enrôlés de force, signant des contrats en russe qu’ils ne comprennent pas, avant d’être expédiés au front.

Disparus, morts… et un réseau qui s’étend jusqu’à l’armée camerounaise
Les témoignages de familles désemparées se multiplient :

Fotué Fotso Roméo, Atchoumnou Noudjagom Rodest, le caporal Dongue – tous portés disparus depuis des mois.

Williams, ex-membre du BIR, tué à Lougansk après avoir été envoyé en Russie en octobre 2024.


Pire : selon nos informations, un réseau de recrutement opère au sein même de l’armée camerounaise, promettant jusqu’à 1 500 euros pour convaincre des soldats de rejoindre la Russie. Certains croient pouvoir échapper à l’enrôlement une fois sur place, mais très peu y parviennent.


Face à l’hémorragie, le ministre camerounais de la Défense, Joseph Beti Assomo, a ordonné en mars 2025 un contrôle renforcé des départs militaires et des sanctions contre les déserteurs. Mais ces mesures arrivent-elles trop tard ?

L’ambassade de Russie au Cameroun refuse de commenter. Pendant ce temps, des familles pleurent leurs proches, morts pour une guerre qui n’était pas la leur.