Coup de tonnerre diplomatique. Le Senate Foreign Relations Committee (Commission des Affaires étrangères du Sénat américain) a publié un message cinglant contre le régime de Paul Biya, dénonçant des violations des droits de l'homme, la détention illégale de citoyens américains et appelant à une réévaluation des relations entre les deux pays. Une prise de position qui intervient à la veille de la cérémonie d'investiture du président camerounais.
Dans un message publié sur son compte X (anciennement Twitter), la Commission sénatoriale américaine ne mâche pas ses mots : "The corrupt Biya regime in Cameroon hunts its political opponents, enables Wagner's illicit activities, and has created conditions for jihadist groups like Boko Haram and ISIS to thrive and fuel the Anglophone crisis" (Le régime corrompu de Biya au Cameroun persécute ses opposants politiques, couvre les activités illicites de Wagner et a créé un contexte propice à l'essor de groupes djihadistes comme Boko Haram et Daech, alimentant ainsi la crise anglophone).
Cette déclaration, d'une rare violence diplomatique, marque une escalade sans précédent dans les relations entre Washington et Yaoundé.
Le Sénat américain dresse un réquisitoire accablant en plusieurs points :
1. Persécution des opposants politiques : Les sénateurs dénoncent la chasse aux opposants menée par le régime après l'élection présidentielle du 12 octobre.
2. Connivence avec Wagner : Washington accuse Yaoundé de "couvrir les activités illicites de Wagner", référence au groupe paramilitaire russe présent dans plusieurs pays africains et considéré comme une menace pour les intérêts occidentaux.
3. Montée du djihadisme : Le Sénat estime que le régime "a créé un contexte propice à l'essor de groupes djihadistes comme Boko Haram et Daech", une accusation qui met en cause la gestion sécuritaire du pouvoir camerounais.
4. Crise anglophone : Les sénateurs pointent la responsabilité du régime dans l'alimentation de cette crise qui dure depuis huit ans.
5. Élection frauduleuse : "The regime has staged a sham re-election" (Le régime a orchestré une mascarade de réélection), affirment les sénateurs, validant ainsi implicitement les accusations de fraude portées par Issa Tchiroma Bakary.
6. Détention de citoyens américains : Point particulièrement sensible, Washington dénonce la détention "illégale" de citoyens américains, "y compris originaires de l'Idaho", État du nord-ouest des États-Unis.
"Le Cameroun n'est pas un partenaire des États-Unis"
La conclusion du message sénatorial est sans appel : "Cameroon is not a U.S. partner, and poses economic and security risks to the American people. It's time to reassess this relationship before the blowback gets worse" (Le Cameroun n'est pas un partenaire des États-Unis et représente un risque économique et sécuritaire pour le peuple américain. Il est temps de réévaluer cette relation avant que la situation ne s'aggrave).
Une remise en cause frontale du partenariat bilatéral qui pourrait avoir des conséquences économiques et diplomatiques majeures pour le Cameroun.
Reuters confirme : Tchiroma escorté par des soldats loyalistes
Cette sortie du Sénat américain intervient au moment où l'agence Reuters Africa révèle qu'Issa Tchiroma Bakary aurait été "escorté vers un lieu sûr par des soldats qui lui sont fidèles pour sa protection, une démarche qui pourrait signaler une scission au sein de l'armée suite à l'élection contestée".
Cette information, si elle se confirme, accrédite la thèse d'une fracture au sein des forces armées camerounaises, certains éléments choisissant de protéger le candidat contestataire plutôt que d'obéir aux ordres du pouvoir central.
Cette déclaration du Sénat américain, publiée à quelques heures de la cérémonie d'investiture de Paul Biya prévue le 6 novembre, n'est évidemment pas fortuite. Elle constitue un camouflet diplomatique majeur pour le régime camerounais et un soutien implicite à la contestation menée par Issa Tchiroma.
Washington envoie ainsi un message clair : la victoire de Paul Biya n'est pas reconnue comme légitime par les États-Unis, et des sanctions ou une révision des relations bilatérales pourraient suivre.
L'expression "reassess this relationship" (réévaluer cette relation) est un euphémisme diplomatique qui cache généralement des mesures concrètes : gel d'avoirs de dignitaires du régime, restrictions de visas, suspension de coopération militaire ou économique, voire sanctions commerciales.
Le Cameroun, déjà fragilisé économiquement, pourrait difficilement supporter une dégradation de ses relations avec Washington, d'autant que l'Union européenne observe également avec inquiétude l'évolution de la situation post-électorale.
Un régime de plus en plus isolé
La cérémonie d'investiture de ce jeudi 6 novembre se déroulera donc dans un climat de défiance internationale sans précédent. Paul Biya entame son huitième mandat dans la tempête, avec la perspective de voir ses relations avec Washington gravement dégradées si la répression de l'opposition se poursuit.









