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Actualités of Wednesday, 1 June 2022

Source: www.camerounweb.com

Emprunt Obligataire : le risque élevé de surendettement persiste

Louis Paul Motaze Louis Paul Motaze

Pendant que les autorités applaudissent la qualité de la signature du pays, les observateurs s’inquiètent de l’augmentation continue de l’encours.

l'État du Cameroun a reçu des offres de l’ordre de 239 milliards de francs pour son emprunt obligataire de 200 milliards francs organisé du 9 au 18 mai 2022 auprès de la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (Bvmac). Ceci représente des sursouscriptions de l’ordre de 119%, et le gouvernement se dit prêt à retenir toute l’enveloppe ainsi proposée par les 390 souscripteurs, sous réserve d’une autorisation du régulateur qu’est la Commission de surveillance du marché financier de l'Afrique centrale (Cosumaf). Pour les autorités ce résultat satisfaisant, obtenu dans un contexte économique difficile marqué, entre autres, par l’incertitude des marchés financiers, le relèvement des taux directeurs des banques centrales ainsi que le renchérissement du coût du crédit, « témoigne de la confiance des investisseurs en la signature du Cameroun, qui honore toujours à bonne date ses engagements financiers».

Les fonds issus de ce 6ème emprunt obligataire du pays, d’une maturité de 7 ans avec une période de grâce de 2 ans pour un taux d’intérêt fixé à 6,25%, iront prioritairement à la reconstruction des régions anglophones du Nord- Ouest et du Sud-Ouest, à celle de l’Extrême-Nord, aux infrastructures, à l’aménagement urbain et du Port autonome de Kribi, à l'eau et à l’énergie.

Générations futures

D’aucuns, loin de l’enthousiasme affiché par le ministre des Finances (Minfi), Louis Paul Motaze, préfèrent questionner le contexte et l’avenir. «Ce qui m'étonne sur ce gouvernement, c'est de toujours célébrer son succès à emprunter l'argent et donc à endetter les générations futures. Il célèbre aussi son succès à importer les aliments pour nourrir les populations locales», tacle l’analyste Louis- Marie Kakdeu qui invite plutôt le gouvernement à célébrer son succès à importer les aliments pour nourrir les populations locales.
Estimant le bilan de la création des richesses très mitigé. «Au gouvernement, vous avez choisi le chemin de la facilité : importer massivement pour consommer, emprunter massivement pour vivre. Vous ne pensez que très peu à la production nationale et à la création de la richesse», appuie le contempteur. Et il n’est pas le seul à s’émouvoir quant à la soutenabilité de l’enveloppe.
Selon les données de la Caisse autonome d’amortissement (CAA), au 30 avril 2021, l’encours de la dette du secteur public se situait à 10 551 milliards de francs, représentant 44,1% du produit intérieur brut (PIB). L’enveloppe se compose de 91,2% de dette directe et garantie par l’administration centrale, et de 8,8% de dette des établissements et entreprises publics.

Capacité d’endettement

S’agissant de l’encours de la dette directe des entreprises et établissements publics au 30 avril 2021, il est évalué à 924 milliards de francs représentant 3,9% du PIB. Il est en baisse de 0,8% en glissement mensuel du fait principalement des variations de taux de change, et se compose de 50,8% de dette intérieure et de 49,2% dette extérieure.
Depuis des années, le Fonds monétaire international (FMI) alerte sur le fait que «le Cameroun continue de présenter un risque élevé de surendettement». La capacité d’endettement du pays, indiquait-il en début décembre 2018, a aug- menté de faible à moyenne, mais génère des risques budgétaires considérables. «En conséquence, les deux seuils relatifs au service de la dette extérieure sont dépassés dans le scénario de référence, en rai- son aussi de l’échéance des eurobonds entre 2023 et 2025. Les tests de résistance conti- nuent de faire apparaître des risques considérables.»
Et ceci ne représente que la partie immergée de l’iceberg, car tout à côté le pays contracte des dettes dont les conditions sont jugées opaques. En janvier 2019, le même FMI pointait déjà des décaissements plus rapides que prévu de prêts projets étrangers, ayant abouti à une augmentation rapide de la dette extérieure publique. «Pour maintenir la viabilité de la dette, il est essentiel de limiter strictement les nouveaux emprunts non concessionnels et de s’atta- quer à l’encours des prêts contractés mais non décaissés», prévenait le Fonds. Ces consignes sont loin d’avoir été respectées.