Actualités of Sunday, 19 October 2025

Source: www.camerounweb.com

Edmond Kamguia décortique le « phénomène Tchiroma » : contre-performance du pouvoir ou vote de rejet ?

Sur le plateau de « Droit de réponse » sur Équinoxe TV, l'analyste politique Edmond Kamguia a proposé une lecture critique des résultats électoraux du 12 octobre, attribuant la poussée inattendue d'Issa Tchiroma Bakary non pas à un phénomène politique endogène, mais à un cumul de mécontentements face à la gestion du gouvernement sortant.


Selon Kamguia, les observations menées dans plusieurs bureaux de vote à travers le pays révèlent une dynamique électorale claire : le vote en faveur de Tchiroma constituerait davantage un « vote refuge » ou un « vote de rejet » envers le candidat du parti au pouvoir qu'un adhésion idéologique à son programme. Une distinction importante qui change la nature de l'enjeu politique : il ne s'agirait pas tant d'un ralliement positif à une alternative politique que d'une répudiation du statu quo.

Cette interprétation expliquerait, selon l'analyste, la contre-performance inattendue du parti au pouvoir et de son candidat, un résultat que les sondages et les analystes n'avaient pas anticipé avant le scrutin.


Kamguia a identifié trois catégories de causes à cette mutation électorale : des facteurs politiques, juridiques et, surtout, socio-économiques. C'est sur ce dernier terrain que le diagnostic devient le plus accablant pour l'exécutif.
Le coût de la vie constitue un élément central de la frustration populaire. Kamguia a cité l'exemple éloquent du prix des légumes : la tomate, autrefois produit de consommation courante, atteint régulièrement 14 000 à 15 000 francs CFA, rarement inférieure à 10 000 francs même en période de baisse. L'oignon et l'ail suivent une trajectoire similaire. Pour ce que l'on appelle le « panier de la ménagère », la situation s'est détériorée progressivement, tandis que le pouvoir d'achat des Camerounais s'érode.


Au-delà des produits alimentaires, les problèmes structurels d'eau et d'électricité demeurent chroniques. Malgré les promesses gouvernementales répétées, les ménages, les industries et les entreprises souffrent d'une absence de régularité et de permanence dans l'approvisionnement. Une situation qui contraste fortement avec les discours officiels vantant les investissements dans les infrastructures énergétiques.


Sur le front des infrastructures routières, Kamguia a pointé des lacunes majeures, en particulier dans les régions économiquement importantes. À Douala, métropole économique du Cameroun, la pénétrante Est-Ouest — axe stratégique de désenclavement — n'a pas bénéficié de la mobilisation gouvernementale attendue. Les travaux progressent lentement, « beaucoup trop lentement » selon l'analyste, et même dans les localités où des chantiers ont débuté, la qualité des réalisations n'est pas à la hauteur des attentes des populations.


La situation s'aggrave dans les régions septentrionales. Au Nord, à l'Extrême-Nord et à Maroua en particulier, les routes nationales sont dans un état tel que les trajets s'allongent considérablement. L'axe Maroua-Kousseri, par exemple, demande le même temps de trajet que par le passé, sans amélioration palpable. Cette stagnation, selon Kamguia, n'est « pas de nature à rassurer les Camerounais ».

En contextualisant ces problèmes dans l'environnement politique plus large, Kamguia suggère que le gouvernement sortant a accumulé des griefs auprès de l'électorat sans parvenir à les résoudre. Les promesses électorales des années précédentes restent largement inachevées, créant un déficit de crédibilité.
C'est dans ce vide que s'est engouffré Issa Tchiroma Bakary, non nécessairement comme une force politique novatrice, mais comme une échappatoire face à l'insatisfaction généralisée. Un vote d'opposition plutôt qu'un vote d'adhésion.


L'analyse de Kamguia suggère que la contre-performance électorale du parti au pouvoir ne relève pas d'une malveillance politique ou d'une manipulation électorale, mais d'une accumulation de défaillances gouvernementales tangibles que l'électorat a sanctionnées aux urnes. Si cette interprétation s'avère exacte, elle pose une question gênante à l'exécutif : comment regagner la confiance sans s'attaquer aux problèmes réels — eau, électricité, routes, coût de la vie — qui ont alimenté le rejet de 2025 ?