L'ancien ministre de l'Emploi s'apprête à expliquer publiquement les raisons de sa démission du gouvernement

Issa Tchiroma Bakary, qui a regagné son fief de Garoua après avoir quitté le gouvernement, s'apprête à lever le voile sur les motivations de sa démission. Selon nos informations exclusives, le président du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC) devrait adresser dans les prochaines heures un message écrit intitulé "Lettre au peuple camerounais", dans lequel il expliquera les raisons de sa rupture avec l'exécutif de Paul Biya.

Le choix de Garoua pour rédiger cette lettre n'est pas anodin. C'est depuis cette ville du Grand Nord, berceau de son influence politique, que l'ancien ministre de la Communication entend s'adresser directement aux Camerounais. Ce retour dans son fief électoral, après avoir déposé sa lettre de démission du ministère de l'Emploi, marque symboliquement une nouvelle étape dans son parcours politique.

Tchiroma Bakary, qui avait été nommé ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle en mars 2018, met ainsi fin à sept années de collaboration gouvernementale avec le régime de Paul Biya. Sa démission intervient dans un contexte politique particulièrement tendu, à quelques mois de la présidentielle de 2025.


Cette "Lettre au peuple camerounais" était en réalité attendue depuis plusieurs mois. Les observateurs politiques avaient relevé les signaux de distanciation de Tchiroma Bakary avec le pouvoir central, notamment lors de ses grands rassemblements à Garoua et Maroua.

Devant des foules nombreuses, l'ancien ministre avait soigneusement évité de mentionner Paul Biya, rompant avec ses soutiens explicites de 2011 et 2018. À Maroua, devant plus de 50 000 personnes, il avait même lancé en fulfuldé : "Le président national ne doit pas imposer sa volonté au peuple, il doit s'y soumettre."

Issa Tchiroma Bakary, 70 ans, peut se targuer d'un parcours politique riche et parfois tumultueux. Ancien journaliste, il a notamment occupé le poste stratégique de ministre de la Communication de 2011 à 2018, période durant laquelle il était considéré comme l'un des porte-voix les plus influents du régime.

Sa trajectoire politique l'avait déjà mené de l'opposition au pouvoir. Fondateur du FSNC en 1991, il avait longtemps incarné une alternative politique dans le Grand Nord avant de rallier Paul Biya. Son retour dans l'opposition, s'il se confirme, constituerait un nouveau tournant dans sa carrière.

Cette prise de parole intervient dans un contexte de recomposition politique majeure dans le Grand Nord camerounais. La région, longtemps acquise au RDPC, traverse une période d'incertitude avec les questionnements autour des intentions de Bello Bouba Maïgari, leader de l'UNDP, qui doit tenir un congrès extraordinaire ce 28 juin.

Les deux figures politiques majeures du septentrion semblent ainsi coordonner leurs mouvements. Alors que Bello Bouba fait face aux pressions de sa base pour rompre avec Paul Biya, Tchiroma Bakary franchit le pas en quittant définitivement le gouvernement.


Les propos que Tchiroma Bakary aurait tenus à Paris prennent aujourd'hui tout leur sens : "Si Biya se présente en 2025, je ne le soutiendrai pas." Cette confidence, rapportée par plusieurs sources, semble se concrétiser avec sa démission et l'annonce de cette lettre explicative.

L'ancien ministre avait également exprimé ses doutes sur l'efficacité de son action gouvernementale, se plaignant des contraintes qui pesaient sur son ministère et de l'impossibilité de mener les réformes qu'il jugeait nécessaires.


Le choix d'une "Lettre au peuple camerounais" révèle une stratégie de communication réfléchie. Ce format, qui rappelle les grandes heures de la rhétorique politique africaine, permet à Tchiroma Bakary de s'adresser directement aux citoyens sans filtre médiatique.

Cette approche directe contraste avec les habituelles déclarations gouvernementales et pourrait marquer les esprits, particulièrement dans le Grand Nord où Tchiroma jouit encore d'une forte popularité.