Actualités of Tuesday, 9 September 2025

Source: www.camerounweb.com

EXCLUSIF - Cameroun : comment le pouvoir Biya instrumentalise la fracture religieuse pour sa survie politique

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Enquête exclusive de Jeune Afrique : face à la contestation croissante des évêques catholiques, la présidence camerounaise a mis en place une stratégie délibérée d'instrumentalisation des divisions religieuses, utilisant le soutien des imams comme contrepoids politique à l'opposition cléricale chrétienne.
Rarement une présidentielle aura autant révélé les fractures confessionnelles du Cameroun. Selon nos informations exclusives, la présidence de Paul Biya a développé une véritable stratégie de manipulation des sensibilités religieuses pour neutraliser l'impact de la contestation catholique qui secoue le pays depuis janvier 2025.


Nos sources au sein de la présidence révèlent l'existence d'une véritable opération de communication baptisée en interne "bouclier islamique". Cette stratégie, mise en œuvre dès février 2025, visait à mobiliser les dignitaires musulmans pour créer un narratif opposé à celui des évêques catholiques.
Jeune Afrique a pu établir que cette opération s'est concrétisée par plusieurs actions coordonnées : la rencontre du 28 janvier avec les imams triés sur le volet, l'organisation de la réception solennelle du 11 août au Palais de l'Unité, et surtout, la mise en avant systématique du soutien musulman dans la communication présidentielle.


"L'idée était de montrer que si les chrétiens contestent, les musulmans, eux, restent fidèles", confie à Jeune Afrique une source proche du cabinet présidentiel, sous couvert d'anonymat.


Nos investigations révèlent comment l'organisation du pèlerinage à La Mecque a été transformée en instrument de fidélisation politique. Jeune Afrique a pu vérifier que les imams signataires de la motion de soutien ont systématiquement mis en avant les "actions présidentielles liées au Hadj" comme justification de leur engagement.


Cette instrumentalisation religieuse n'a pas échappé aux observateurs avertis. L'avocat Cheikh Ali Assad, proche de l'opposition, a dénoncé auprès de Jeune Afrique "un soutien basé sur un symbole religieux plutôt que sur les besoins réels des fidèles".

La critique porte : comment justifier un soutien politique par l'organisation du Hadj quand les mêmes régions du Nord souffrent de pénuries d'eau potable, de routes impraticables, d'hôpitaux et d'écoles mal équipés ? Cette contradiction, mise en lumière par nos investigations, illustre la fragilité de cette stratégie d'instrumentalisation.


La révélation exclusive de Jeune Afrique sur l'opération "Saint Boycott" lancée par le jésuite Ludovic Lado prend une dimension particulière dans ce contexte. Ce réseau œcuménique, qui dénonce "la complicité des élites avec le système en place", se trouve désormais confronté à une stratégie présidentielle qui divise pour régner.


Nos sources révèlent que la présidence suit de très près les développements de ce mouvement de contestation religieuse. La convocation policière du pasteur protestant Yves Foncha Méfire, rapportée en exclusivité par Jeune Afrique, s'inscrit dans cette logique de pression sur les voix dissidentes chrétiennes.


Jeune Afrique révèle les dessous de la vaste concertation préélectorale supervisée par Paul Biya. Nos sources confirment que le refus initial des évêques de se rendre au palais présidentiel a créé un véritable embarras au sein de l'équipe de campagne.


La pression exercée par Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence, pour obtenir cette rencontre avec huit membres du clergé, révèle l'importance accordée par le pouvoir à cette bataille de l'opinion religieuse. Le communiqué publié à l'issue de cette rencontre, rappelant la "distance" du clergé vis-à-vis de la politique, constitue en réalité un échec pour la présidence, comme le confirment nos sources.


Cette stratégie de division confessionnelle, révélée en exclusivité par Jeune Afrique, comporte des risques majeurs pour la cohésion nationale. En opposant imams et évêques, le pouvoir joue avec des équilibres delicats dans un pays où les tensions religieuses ont déjà causé des drames par le passé.
Nos investigations montrent que cette instrumentalisation suscite des inquiétudes jusque dans les rangs gouvernementaux. "On marche sur des œufs", confie à Jeune Afrique un membre du gouvernement, conscient des dangers de cette polarisation orchestrée.


La révélation de ces manœuvres par Jeune Afrique éclaire d'un jour nouveau la campagne présidentielle camerounaise. Au-delà des enjeux électoraux, c'est la question de l'unité nationale qui se pose quand le pouvoir en place n'hésite pas à instrumentaliser les fractures religieuses pour sa propre survie politique.
Cette stratégie révélée en exclusivité par nos soins illustre les dérives d'un système qui, faute de projet mobilisateur, en est réduit à diviser pour mieux régner.