Vous-êtes ici: AccueilActualités2017 11 17Article 426354

Actualités of Friday, 17 November 2017

Source: journalducameroun.com

Dix ans de prison requis contre Ahmed Abba

Le procureur a demandé à la Cour de confirmer la condamnation prononcée au tribunal militaire Le procureur a demandé à la Cour de confirmer la condamnation prononcée au tribunal militaire

Jeudi, le procureur a demandé à la Cour de confirmer la condamnation prononcée au Tribunal militaire contre le journaliste, reconnu coupable de non-dénonciation de terrorisme et blanchiment de produits d’actes de terrorisme.

Le procès en appel du correspondant en langue haoussa de RFI, Ahmed Abba, est reporté au 21 décembre pour délibéré. La Cour se donne le temps d’examiner les différents réquisitoires et plaidoiries présentés par les parties jeudi, afin de juger s’il est opportun d’accéder à la demande du conseil de la défense, qui a saisi cette juridiction dans le but de faire annuler la condamnation que le Tribunal militaire de Yaoundé avait prononcée contre le journaliste en avril dernier.

Au mois de mars 2017, le juge Edou, sur la base des preuves fournies par le commissaire du gouvernement, avait reconnu Ahmed Abba coupable de non-dénonciation d’actes de terrorisme et de blanchiment des produits d’actes de terrorisme. Il l’avait, par conséquent, condamné à dix ans de prison ferme et au paiement de 57 millions de franc CFA d’amendes. Ahmed Abba devait, par ailleurs, prendre en charge les dépenses de la procédure qui l’opposait à l’Etat du Cameroun.

Jeudi, devant la Chambre militaire de la Cour d’appel, les preuves présentées en instance et les circonstances dans lesquelles elles avaient été apportées ont été remises en question par la défense. Il s’agit principalement du rapport d’expertise produit le 22 février 2017 par les ingénieurs en cryptologie, cybercriminalité et cyber-investigation, Bell Bitjoka, Noumou Jean Pierre et le colonel Nanci Yossi.

Ceux-ci avaient été requis par le Tribunal militaire afin d’analyser et de décrypter au besoin les éléments d’informations que renferment les pièces à conviction saisies au domicile d’Ahmed Abba après son arrestation le 30 juillet 2015 ; notamment : un ordinateur portable et une clé Usb.

Les avocats de la défense soutiennent que ces experts ont travaillé « dans la partialité » et l’ « illégalité ». Et pour cause, Bell Bitjoka et Noumou Jean Pierre avaient été sollicités pour la première fois par le commissaire du gouvernement, sans l’autorisation de la Cour. Le rapport alors produit avait été annulé par le juge Edou, qui les avait lui-même mandaté pour une expertise. Le deuxième rapport présenté avait été contesté, car soutenait la défense, il était une copie conforme du premier document de ce type. Un autre rapport a été commis et admis en instance.

Il montrait qu’Ahmed Abba avait été en contact « avec le réseau de communication de la secte Boko Haram ». Dans le détail, le document montre qu’Ahmed Abba avait reçu un message téléphonique annonçant « un ou plusieurs attentats terroristes ». La défense affirme que la preuve n’a pas été apportée qu’un attentat était en cours et que les experts ont négligé d’effectuer les démarches auprès des opérateurs de téléphonie mobile pour identifier le propriétaire du numéro toujours en service jusqu’ici.

Ahmed Abba explique qu’il s’agissait d’un message d’encouragement envoyé par une amie à l’occasion du mois du Ramadan. Il ajoute que chaque fois qu’il avait été contacté par un membre de la secte terroriste, il avait saisi les autorités pour dénonciation. « Pourquoi n’y a-t-il aucune trace desdites dénonciations ? Il n’y a aucun document écrit qui atteste de cela. Pourquoi n’avoir jamais fait témoigner ces autorités pour apporter la preuve de vos dénonciations », interroge le procureur. Pour lui il apparaît évident qu’il y a eu non-dénonciation d’actes de terrorisme.

L’exploitation des scellés a, en outre, mis en évidence d’abondantes photos de dignitaires de la secte Al Qaida, de scènes d’attentats au Cameroun, de vidéos de prédications d’imams radicalisés, de techniques d’interrogatoires de prisonniers… Cela avait fondé le commissaire du gouvernement à établir l’intérêt d’Ahmed Abba pour des actions de terrorisme.

Sur le motif de blanchiment des produits des actes de terrorisme, le correspondant de RFI était accusé de détenir, dans son ordinateur, la copie de la mémoire du téléphone du nommé Mallam Baane, « un homme de main du secrétaire d’Etat du Borno au Nigeria reconnu pour ses liens avec Boko Haram ». « Nulle part on ne trouve de traces de l’existence de cet homme. Pour faire passer cette preuve, le commissaire du gouvernement avait cité les sources ouvertes c’est-à-dire Internet. J’ai cherché, il n’y a rien », affirme l’avocat de la défense, Charles Tchoungang, à l’issue de l’audience.

Le procureur demande que la culpabilité d’Ahmed Abba sur ce chef d’accusation soit reconnue. La défense plaide pour le contraire et demande qu’Ahmed soit acquitté et libéré.

Pour y parvenir, elle s’est appliquée à démontrer que « le dossier est vide », que les preuves « ont été montées de toutes pièces ». La défense a, pour cela, relever que des éléments qui n’existaient pas initialement avaient été ajoutés dans le dossier, tandis que d’autres avaient été retranchées – disque dur, barrettes, mémoire vive et mémoire morte de l’ordinateur saisis chez Ahmed Abba – dans l’intention d’incriminer son client.

Le coupable idéal

Me Charles Tchoungang place le correspondant de RFI dans la posture du coupable idéal, celui grâce auquel le Cameroun pouvait régler ses comptes avec la France alors soupçonnée de fournir des armes à Boko Haram. Pour le montrer, l’avocat remonte à l’attentat de Maroua survenu en juillet 2015.

« Les journaux disaient que la France apportait son soutien à Boko Haram en lui livrant des armes. Cela a fait naître un sentiment anti-français. Ahmed Abba est arrêté parce qu’à Yaoundé on disait, on veut des têtes. Si Ahmed Abba avait travaillé pour un média français, personne n’aurait entendu parler de lui. La preuve c’est que c’est la Direction de la sécurité du territoire (DST) qui a fait la perquisition. Pourquoi la DST ? ».

L’audience de jeudi s’est refermée sur la dernière tentative d’Ahmed Abba de clamer son innocence. « Je suis un patriote et j’aime mon pays. Je ne me suis jamais associé aux terroristes pour nuire mon pays et je ne le ferai jamais », s’est-il défendu.