Actualités of Thursday, 27 November 2025

Source: L'Indépendant n°721

Désordre : une autre affaire scandaleuse secoue l'État

Péages automatiques Péages automatiques

Selon le rapport de certification des comptes de l’État pour l’exercice 2024, rendu public par la Chambre des comptes, l’entreprise Tollcam exige près de 30 milliards Fcfa de dédommagements à l’État du Cameroun, après la rupture du partenariat public-privé qui liait les deux parties.

Le projet de modernisation des routes camerounaises par l’installation de péages automatiques, lancé en 2019, devait permettre la construction de 14 péages automatiques sur les principaux axes routiers du pays, pour un coût global estimé à 34,75 milliards de francs CFA toutes taxes comprises. L’objectif était de sécuriser les recettes routières, réduire les pertes liées à la gestion manuelle et moderniser l’infrastructure nationale.

Mais la suspension du contrat par l’État a stoppé net les travaux, laissant Tollcam avec des investissements déjà engagés et désormais revendiqués devant la Cour internationale d’arbitrage de Paris. D’où la réclamation de 30 milliards de francs CFA, proche du coût total du projet, illustrant un mauvais management financier.

Non seulement les infrastructures n’ont pas été réalisées, mais l’État camerounais pourrait devoir payer une somme colossale sans contrepartie tangible. Cette situation révèle une incapacité à anticiper les conséquences économiques et juridiques d’une rupture contractuelle, exposant les finances publiques à des charges imprévues.

Le timing est particulièrement critique : en 2024, le Cameroun affiche un déficit budgétaire croissant, aggravé par la hausse des dépenses publiques et la faiblesse des recettes fiscales. Dans ce contexte, l’éventualité d’un dédommagement de 30 mil- liards Fcfa apparaît comme un gouffre supplémentaire pour les finances nationales. Cette somme équivaut à des investissements prioritaires dans la santé ou l’éducation, secteurs déjà sous-financés, et risque de creuser davantage le déficit.

Fragilités structurelles

L’affaire Tollcam permet de jeter une lumière sur les fragilités structurelles des partenariats public-privé au Cameroun. Les ambitions de modernisation se heurtent à une gestion contractuelle instable, qui finit par coûter plus cher que les bénéfices attendus. Le projet des péages automatiques, censé sécuriser les recettes routières, risque paradoxalement d’alimenter la défiance des investisseurs et de fragiliser encore plus la crédibilité de l’État.

En définitive, ce bras de fer financier révèle une contradiction : l’État cherche à moderniser ses infrastructures pour accroître ses revenus, mais son incapacité à gérer efficacement ses engagements transforme ces projets en charges budgétaires. Dans le cas où Tollcam obtient gain de cause, les 30 milliards réclamés viendront s’ajouter au déficit déjà alarmant, renforçant l’image d’une gouvernance financière fragile et coûteuse.

Enfin, cette affaire pourrait entraîner des répercussions politiques et économiques plus larges. Les bailleurs de fonds et investisseurs internationaux, déjà attentifs à la gestion des finances publiques camerounaises, pourraient y voir un signal négatif quant à la fiabilité de l’État dans ses engagements. Dans un contexte où le pays cherche à attirer des capitaux pour financer ses infrastructures et relancer sa croissance, le contentieux Tollcam risque de peser lourdement sur la confiance et sur l’avenir des partenariats public-privé au Cameroun.