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Actualités of Tuesday, 16 January 2018

Source: journalducameroun.com

Désacralisation de la figure de l’intellectuel au Cameroun

l’auto-valorisation prend une dimension nocive car elle relève alors purement et simplement du déni l’auto-valorisation prend une dimension nocive car elle relève alors purement et simplement du déni

Une certaine opinion bien répondue voudrait que le Cameroun soit un des pays qui regorgent le plus d’intellectuels en Afrique. Faut-il y voir ce chauvinisme Camerounais bien connu en matière de football où, quoique leur équipe s’est depuis fort longtemps fait détrôné, bon nombre de Camerounais n’ont jamais cessé de se sentir supérieurs aux autres équipes du continent qu’ils abordent souvent avec le sentiment du déjà-gagné pour parfois se faire laminer par celles-ci ? Dans un pays où les instances du football ont fait profession d’accoucheur de scandale, rendant les lions indomptables de plus en plus domptables et sabotant ainsi la présence de cette équipe à des compétitions de haute envergure, vous trouverez quand même des inconditionnels pour chanter la gloire des lions et soutenir à ciel ouvert, avec force conviction, que le Cameroun a les meilleurs footballeurs d’Afrique. En soi, ce chauvinisme est une chose plutôt louable. On peut même regretter qu’une telle auto-valorisation n’investisse que les milieux du foot et de l’intelligentsia camerounaise, car si notre cher continent quoi que berceau de l’humanité et donc de tous les savoirs et de tous les savoir-faire est aujourd’hui la risée du monde entier, y compris des gens les plus abjects, c’est de n’avoir pas toujours su se jeter des fleurs face aux discours effronté et malveillant de l’idéologie coloniale ; c’est d’avoir laissé à son sujet se répandre une image définie par les autres sous un mode essentiellement dégradant et de s’en être finalement trouvé affecté. Toutefois, lorsqu’elle ne s’accompagne d’aucune remise en cause de soi, notamment dans un contexte où il y a de réels problèmes à résoudre, l’auto-valorisation prend une dimension nocive car elle relève alors purement et simplement du déni.

Il nous semble que la richesse intellectuelle d’une société ne peut objectivement s’évaluer qu’à l’aune de son progrès social et économique. La question est donc : La richesse intellectuelle camerounaise dont on parle tant est-elle objectivable où s’agit-il du déni ?

A moins de faire preuve de chauvinisme ou d’avoir une connaissance très limitée de ce pays qui est le mien, je pense que si le Cameroun ne peut prétendre être le plus illuminé en Afrique, il peut tout de même se gargariser d’être parmi les plus éclairés : Avec un Indice de Développement Humain de 0.518 qui le situe à la 23e place africaine, le Cameroun ne fait pas partie de ce que le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) appelle « low human developpement » pour désigner les pays où la qualité de vie est la moins bonne sur la planète. Vu ainsi, un simple syllogisme permet de trancher la question: un pays qui n’est pas intellectuellement évolué est un pays à faible développement humain. Le Cameroun n’est pas un pays à faible développement humain donc le Cameroun est un pays intellectuellement évolué.

Mais le classement du PNUD n’est pas suffisamment éloquent (153e dans le monde, il est dans la moyenne en Afrique tout en étant faible au plan mondial) pour occulter la réalité d’un milieu intellectuel camerounais où l’action de la majorité est essentiellement orientée vers des desseins purement personnels et qui, loin d’être un atout pour leur société, en représentent très souvent une menace.

En fait, qu’est-ce ce qu’un intellectuel si ce n’est quelqu’un qui contribue par la qualité et la quantité de son savoir à impulser le changement dans sa société? L’intellectuel camerounais répond-il vraiment à cette définition. Le Cameroun me semble dans une situation assez macabre où tout dégage une odeur nauséabonde parce que les politiciens, à force de se crêper le chignon pour garder le trône, ont répandu leur pisse partout. Ils ont, par leur folie meurtrière de la société Camerounaise entraîné dans leur chute la classe intellectuelle désormais préoccupée par la simple part du gain : « silence on mange ! » car « bouche qui mange ne parle point« . À la limite elle peut fredonner des « merci patron ! » pour assurer son appartenance au cercle de la mangeoire publique. Résultats des courses, on se retrouve avec une classe intellectuelle complètement inapte à impulser un réel changement et qui, à force de ridicule pour mériter l’attention du pouvoir politique, a perdu toute considération auprès de sa jeunesse. Entre ceux qui se revendiquent « éhonteusement » des créatures d’un régime politique qui fait stagner la République depuis des décades ; ceux qui écument les médias et ronronnent à longueur de journée juste pour se tailler une place dans le cercle de la mangeoire publique, n’hésitant pas pour ce vil dessein à tordre le coup à la science et à mettre sans cesse la vérité sous le boisseau ; ceux qui se livrent à des combats de gladiateurs révélateurs de la bête qui sommeille en eux ; ceux qui utilisent leur position de pouvoir pour abuser sexuellement ou sucer jusqu’à la moelle une jeunesse dont ils sont censés conduire la destinée, les voyant généralement non pas comme des esprits dont il faut favoriser l’éclosion et l’insertion sociale mais plutôt comme des tremplin pour des besoins nombrilistes, on est bien loin de la figure de l’intellectuel et la jeunesse réalise qu’elle est tournée en boutique.

Le drame d’une société se noue lorsque ses modèles où ceux qui sont censés l’être perdent en crédibilité aux yeux de ceux qui devraient les prendre comme tels. Pas étonnant que la jeunesse en soient aujourd’hui à caricaturer des professeurs dans des domaines que ces derniers sont censés maîtriser le mieux que quiconque. Que des étudiants puissent remettre en doute la parole de leur professeur, cela relève de l’ordinaire et est intellectuellement salutaire. Mais qu’il puisse en démontrer le contraire ! Il ne reste plus qu’à échanger les statuts. Alors, oui. Le Cameroun n’est pas dernier de la classe africaine en matière de qualité de vie. Mais sa position est loin d’être enviable et son intelligentsia le porterait bien plus haut s’il retrouvait aux yeux de la jeunesse son image de modèle et d’éclaireur qui lui permet de maintenir cette jeunesse dans la quête de l’excellence.