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Actualités of Tuesday, 11 October 2022

Source: L’œil du Sahel

Déplacé du NOSO: triste histoire d'une famille devenue SDF à Yaoundé

Mispa Agbor, déplacée de la crise anglophone Mispa Agbor, déplacée de la crise anglophone

Mispa Agbor, déplacée de la crise anglophone. «Trois familles vivent dans un logement inachevé de la SIC»




Pourquoi et comment vivez dans un logement de la société immobilière du Cameroun (SIC) qui est inachevé ?

Je viens de Bamenda. Je suis à Yaoundé depuis la fin d’année 2020 et le début d’année 2021. J’étais hébergée par un proche quand je suis arrivée à Yaoundé. Et comme il ne pouvait plus nous supporter mes enfants et moi, il nous a demandé de gagner la porte. C’est en errant dans la rue, que j’ai rencontré une personne qui a dit qu’elle pouvait me venir en aide. Cette personne m’a présenté un gardien qui travaille au camp SIC d’Olembé. J’ai rencontré le gardien, il m’a demandé de lui donner de l’argent pour qu’il me trouve un logement. D’après lui, c’est la règle pour toutes personnes qui souhaitent bénéficier d’un logement à la SIC à Olembé. Mon bienfaiteur et moi, avions réuni la somme que le gardien nous a demandé. Et c’est ainsi que j’ai pu intégrer le logement. La maison est constituée d’une chambre, d’un salon, d’une douche et d’une cuisine. Tout se passait bien jusqu’au jour où, le gardien est venu nous mettre dehors car, ne pouvant plus payer le loyer qu’il me demandait tous les mois. Avant de sortir de ce logement, le gardien nous a expliqué qu’il le fait à la demande du ministre. Qu’il exécute simplement les ordres. Tous les occupants qui vivaient dans les logements de la SIC et qui ne payaient pas le loyer, devaient vider les lieux. Et ceux qui voulaient rester, n’avaient qu’à s’acquitter de ce qu’on leur demandait. Ils devaient verser l’argent pour rester. Mais le gardien ne nous a pas orienté. Il ne nous a pas dit où on devait verser l’argent et le montant à verser. Curieusement, les appartements qui ont été vidés par les premiers habitants, ont vite été remplacés par de nouveaux locataires. Locataires qui n’avaient rien à voir avec les précédents, si on s’en tient au standing des voitures dans lesquels ils se déplacent. Ne pouvant résister longtemps et n’ayant nulle part où aller, je suis venue m’installer dans ce chantier abandonné avec mes enfants.




Vous vivez dans une situation précaire depuis trois mois. Il n’y a pas d’ouvertures ; les murs ne sont même pas montés. Vous êtes exposés à tous les dangers. Pourquoi restez-vous alors que vous avez des enfants en bas âge ?

Je ne suis pas seule à vivre dans cet immeuble abandonné. Nous sommes trois familles à vivre ici. Il y a une sœur qui reste au premier étage avec ses six enfants. Mon frère vit également avec sa famille ici. Nous dormons sur des contreplaqués à peine couverts d’haillons. J’ai quelques seaux pour donner le bain aux enfants. On se débrouille comme on peut pour survivre. Les enfants ne descendent pas vu qu’il n’y a pas d’escaliers. Nous utilisons l’escabeau communément appelé échelle, pour monter et descendre. Quand il y a urgence, je me réfère aux enfants qui travaillent dans le chantier en contrebas pour qu’ils me rendent service. C’est ainsi qu’on vit au quotidien. A Yaoundé, j’ignore où partir. Et à Bamenda, je n’ai plus rien là-bas. Mon époux est mort dans la guerre. Nous avons perdu la maison. Mes enfants sont là et ne sont pas scolarisés. Ici au moins, j’ai où dormir malgré les risques. On se cache régulièrement quand il y a des contrôles, par crainte qu’on soit chassé à nouveau.




Avez-vous cherché à vous renseigner auprès de la mairie, au siège de la SIC pour voir s’il est possible de sortir de ce calvaire ?

Quand nous sommes arrivés ici, un homme nous a demandé d’aller se faire enregistrer à la mairie d'Etoudi. Que, chaque fin du mois, on va souvent nous donner de l’argent. Mais depuis que je me suis faite enregistrer, je n’ai rien reçu. Après on m’a envoyé jusqu’à la mairie de Biyemassi-Acacia. J’ai appelé celui qui m’a demandé d’aller là-bas, son numéro est encore dans mon téléphone, pour m’enquérir de la situation ? Ça fait plus de six mois que j’ai finis avec les enregistrements. Il me dit qu’il va appeler la femme qui nous avait enregistrés. Jusque-là, il ne nous a pas encore rappelé.


Comment faites-vous pour vivre ?

Que faites-vous dans la vie ? Rien du tout. J’ai cherché le travail jusqu’à je n’ai rien trouvé. Je me suis faite berner par des femmes à plusieurs reprises. On te recrute en tant que ménagère pour 25 000 FCfa ou 30 000 FCfa à la fin du mois. Non seulement c’est insignifiant, vu la charge que j’ai, mais aussi on finit de travailler, et on ne nous paie pas. Elle change de contrat tous les jours, parfois on se retrouvait à 20 000 FCfa par mois. J’ai trois garçons. Ce ne sont pas les filles. Parce que pour nourrir un garçon, c’est grave. Ils sont encore petits et par conséquent, ils mangent beaucoup. Ce n’est pas facile !!!



Quel est votre vœu le plus immédiat ?

J’aimerais trouver un travail pour nourrir ma petite famille, trouver une maison où je pourrais élever mes petits enfants sans père. Je suis ouverte à toutes les offres d’emplois possibles. Même si c’est comment je veux et je vais travailler. Pour rester ici, regardez comment l’eau coule, avec les enfants sans protection contre le froid lorsqu’il pleut comme maintenant. Ils peuvent attraper la maladie. L’eau entre partout. Même là où on a mis ce qui nous sert de lit, l’eau coule là-bas. On a fui nos origines pour venir ici, c’est pour ça que nous devons seulement supporter. L’école ici n’est pas à 20 000 FCfa ou 30 000 FCfa, tout s’achète au marché, même les légumes. Il n’y a pas où travailler même le maïs. Ce n’est pas facile…