Actualités of Tuesday, 25 November 2025

Source: www.camerounweb.com

Décentralisation, rajeunissement et succession : Les trois défis existentiels de Paul Biya

Dans la dernière partie de son enquête exclusive sur les défis de Paul Biya, Jeune Afrique s'attaque aux questions les plus structurelles et les plus taboues du régime camerounais. Entre la nécessité de décentraliser l'État, le besoin urgent de rajeunir les institutions et l'épineuse question de la succession, le président nonagénaire fait face à des choix qui engagent l'avenir du pays.


Décentraliser pour apaiser les périphéries


Jeune Afrique révèle que "depuis que la crise a éclaté dans les régions anglophones en 2016, et plus encore après la présidentielle de 2018, le débat sur la forme de l'État s'est imposé dans l'espace public". Le magazine note que "lors de la dernière course électorale, une majorité de candidats se sont dits favorables à un système plus décentralisé, voire à une fédération".
Paul Biya, "farouche partisan d'un État unitaire, seul garant, selon lui, de l'unité nationale", s'est "toujours opposé" à cette évolution, révèle Jeune Afrique. Cependant, le magazine rappelle que le président "avait lâché du lest lors de son précédent mandat en acceptant, à la fin de 2020, de mettre en place des conseils régionaux – créés en théorie en 1996 – et de leur déléguer certains pouvoirs centraux, au moins sur le papier".



Jeune Afrique dénonce toutefois le caractère superficiel de cette réforme : "Dans la pratique, cette réforme n'a pas d'incidence majeure : si ces conseils existent bel et bien, la décentralisation n'a pas eu lieu." Un politologue cité par le magazine suggère que "la rendre effective pourrait être l'une des réponses à la crise actuelle".

Le magazine recueille une analyse éclairante de ce même politologue : "On l'a vu lors des manifestations postélectorales : ce sont les périphéries qui se sont agitées, alors que Yaoundé est resté globalement calme. Biya pourrait tenter de donner une autonomie régionale dans certains secteurs."
Cependant, Jeune Afrique révèle le scepticisme d'un proche de la présidence : "Ce n'est pas du tout l'état d'esprit du président, ni son logiciel. Pour lui, l'État central doit contrôler. D'ailleurs, on voit bien que les prétendus contre-pouvoirs régionaux ne sont que des façades." Cette déclaration exclusive confirme que Paul Biya ne compte pas véritablement décentraliser le pouvoir, malgré les demandes pressantes.


Rajeunir les institutions fossilisées


Jeune Afrique aborde frontalement la question de l'âge : "Paul Biya est conscient que son âge est l'une des raisons du fossé qui se creuse entre les Camerounais et lui. Cela a été l'un des thèmes principaux de la campagne." La question posée par le magazine est cruciale : "Comment répondre à ce problème alors que sa réélection est le symbole même de l'absence de renouvellement de la classe politique ?"
Le magazine identifie les figures que le président pourrait remplacer : "Luc Ayang, Adolphe Moudiki, Marcel Niat Njifenji ou encore Cavayé Yéguié Djibril". Jeune Afrique révèle que pour Luc Ayang, "la question ne se pose plus" : le natif du Septentrion, qui dirigeait le Conseil économique et social (CES) depuis 1984, "est décédé le 14 octobre". Le magazine note que c'est "l'occasion, pour un chef d'État qui voit la politique comme un échiquier, de rajeunir une institution en sommeil et d'en faire un exemple".


Jeune Afrique révèle que "accorder un peu de repos à Adolphe Moudiki, patron très affaibli de la Société nationale des hydrocarbures (SNH) et compagnon de Biya depuis les années 1980, serait aussi bienvenu que risqué". Cette formulation suggère que même les figures les plus anciennes du régime ne sont plus totalement intouchables.

Le magazine s'attarde sur le cas du Sénat, dont Marcel Niat Njifenji, 91 ans, "n'assume plus la présidence pour raisons de santé". Jeune Afrique révèle que "le vice-président actuel, Aboubakary Abdoulaye, lamido de Rey-Bouba (Extrême-Nord), serait un choix prudent, perçu comme un geste à l'égard du Septentrion". Cependant, le magazine note que "des profils plus jeunes et originaires d'autres régions – l'Ouest de Niat Njifenji, par exemple – pourraient séduire".


Jeune Afrique souligne l'importance symbolique de ce choix : "Le président du Sénat est le successeur constitutionnel du chef de l'État." Un opposant cité par le magazine tempère : "Cela limite le choix. À son âge, Biya ne peut pas prendre de risque avec ce poste."

Pour l'Assemblée nationale, le magazine révèle que Cavayé Yéguié Djibril, 85 ans, "a lui aussi montré des signes de faiblesse" et "n'a pas réussi à empêcher sa région de l'Extrême-Nord de voter massivement pour Tchiroma Bakary". Jeune Afrique note que "certains rongent leur frein au sein du RDPC" mais se demande : "Biya sautera-t-il le pas ?"

Le magazine recueille l'analyse d'un politologue : "Le problème, avec les équilibres qui durent, c'est que, plus le temps passe, moins on se risque à les modifier." Cette citation exclusive de Jeune Afrique résume parfaitement le dilemme de Paul Biya : comment rajeunir sans bouleverser des équilibres politico-régionaux construits sur des décennies ?

Préparer l'après, le tabou qui ne l'est plus


Jeune Afrique révèle que "la question de l'après-Biya n'est plus taboue". Le magazine rappelle qu'elle "se posait déjà après la présidentielle de 2011, et plus encore à l'issue de celle de 2018". Mais en 2025, "elle s'est même imposée à l'opposition : plusieurs candidats, dont Tchiroma Bakary, ont été contraints de promettre qu'ils n'exerceraient qu'un court mandat de transition, de trois ou cinq ans".

La question posée par Jeune Afrique est directe : "Réélu dans la douleur, Paul Biya cédera-t-il à l'une des demandes insistantes des Camerounais : se fixer une date de départ ?" La réponse du magazine est sans appel : "Faisant fi des doutes sur ses capacités physiques, il n'a jusqu'ici jamais cédé à ces sirènes."


Jeune Afrique révèle que "à plusieurs reprises déjà, des rumeurs ont couru à propos de la création d'un poste de vice-président de la République, susceptible de faire émerger un dauphin". Le magazine note que "le scénario, préparé à la présidence, ne s'est jamais concrétisé".

Le magazine pose également la question du renouvellement du RDPC : "Aucun congrès ne s'est réuni depuis dix ans ; le bureau politique, en partie composé de membres incarcérés ou décédés, n'a pas été renouvelé. Paul Biya procédera-t-il enfin à des ajustements, favorisant l'ascension d'un potentiel successeur ?"
"Il a trop attendu"

Jeune Afrique recueille l'analyse désabusée d'un cadre du RDPC : "Il a trop attendu. S'il avait renouvelé [ses troupes] au fur et à mesure, la transition aurait été naturelle. Mais maintenant, tout serait interprété sous le prisme de la succession." Cette déclaration exclusive révèle le désarroi au sein même du parti présidentiel face à l'absence de préparation de l'après-Biya.
Un opposant cité par le magazine offre une autre explication : "Il y a un équilibre entre les clans, à Yaoundé, et Biya a peur de le rompre. Il aurait pu le faire depuis longtemps et mettre fin à la guerre qui fait rage autour de lui, mais il ne l'a pas fait." Cette révélation de Jeune Afrique confirme que la succession est paralysée par les luttes de clans au sommet de l'État.

La conclusion de Jeune Afrique est sévère, rapportant les propos d'une source diplomatique : "Le plus simple pour lui est de ne rien faire, égoïstement. Dès qu'il fera pencher la balance, il commencera à perdre de son pouvoir au profit de l'élu. Je ne pense pas qu'il y soit prêt."
Cette analyse cinglante suggère que Paul Biya, malgré ses 92 ans et un neuvième mandat arraché dans la douleur, n'est pas prêt à lâcher le pouvoir ni même à en organiser la transmission. Le magazine conclut implicitement que le Cameroun risque de se retrouver sans pilote le jour où le président ne sera plus en mesure d'exercer ses fonctions.


Les révélations de Jeune Afrique dressent le portrait d'un régime figé, incapable de se réformer en profondeur malgré l'urgence de la situation. Entre refus de décentraliser, impossibilité de rajeunir sans bouleverser les équilibres, et paralysie sur la question de la succession, Paul Biya semble condamné à gérer l'existant plutôt qu'à préparer l'avenir.