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Actualités of Sunday, 22 July 2018

Source: kamerinfos.com

Crises et manipulations au RDPC: comment Biya a été imposé aux militants

Paul Biya candidat déclaré à la présidentielle d'octobre Paul Biya candidat déclaré à la présidentielle d'octobre

Aidé par quelques caciques et des textes taillés sur mesure, le président sortant a réussi à s’imposer une énième fois comme candidat du Rassemblement démocratique du peuple camerounais à l’élection présidentielle du 07 octobre.

«Paul Biya, candidat naturel du RDPC». La formule rappelle le parti communiste soviétique et tranche avec l’image d’un homme «moderne voire futuriste» (pour citer Jacques Fame Ndongo) que le président sortant, 85 ans dont 35 passés à tête de l’Etat, se donne du mal à se construire. Au RDPC, son parti, l’expression agace beaucoup même si seuls quelques courageux osent l’avouer. Saint-Eloi Bidoung est le sacrifié qui accepte d’en parler à visage découvert. «Le président Biya aurait dû être adoubé lors du congrès du parti», indique-t-il.

Pour le 1er adjoint au maire de Yaoundé 6, invité éclair de Policam, l’émission politique de la RTS, une radio urbaine de Yaoundé, cette investiture sans congrès frise le «déni de démocratie». Sur la masse de militants revendiquée par le parti, c’est en effet une vingtaine de caciques, réunis au sein du bureau politique, où on entre sur proposition ou par nomination du président national (voir article 26 des statuts du RDPC), qui a investi Paul Biya comme candidat de cette formation politique à l’élection présidentielle du 07 octobre 2018.

Tout s’est joué en cette matinée du 03 novembre 2016. Convoqué au palais de l’Unité, «le saint des saints», comme il se fait appeler, proroge le mandat de Paul Biya comme président national du RDPC et donc fait de lui le candidat du parti au pouvoir à la future élection présidentielle. Il faut savoir que, selon l’article 27, alinéa 3, le président national «est le candidat du parti aux élections présidentielles».

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Désir d’éternité

La décision du bureau politique est prise «conformément à l’article 18 des statuts du RDPC», justifie la présidence de la République du Cameroun. Mais rien n’est vraiment clair à la lecture de cet article. «Le congrès définit l’orientation politique, économique, sociale et culturelle ainsi que le cadre général de l’action du Parti.

Il se tient tous les cinq ans. Toutefois, en cas de nécessité, cette période peut être abrégée ou prorogée par le bureau politique. Il peut être convoqué en session extraordinaire dans les conditions fixées à l’article 22 des présents statuts», indique-t-il. «Comme le congrès élit le président national, c’est donc de manière incidente que le bureau politique étend son pouvoir à la prorogation du mandat du président national», explique un cadre du parti.

Mais à bien lire les textes du RDPC, Paul Biya est candidat à vie de cette formation politique car élu à vie président du parti, un peu comme le sont les membres du comité central dont les mandats ne sont pas renouvelés. C’est que l’article 19 des statuts de ce parti indique que «le congrès élit le président national du parti, les membres du comité central au scrutin de liste et les membres suppléants du comité central», sans préciser pour combien de temps.


Jacques Fame Ndongo est d’ailleurs formel: «il y a aucune disposition qui limite ce mandat», affirme ce membre du bureau politique et secrétaire national à la communication du RDPC en mi-septembre 2016 alors que le débat fait rage sur la nécessité de la tenue d’une convention du parti. La preuve, lorsque Paul Biya convoque la réunion du bureau politique ce 03 novembre, il y a plus de 5 ans que s’est tenu le dernier congrès qui l’a réélu. C’était précisément les 15 et 16 septembre 2011. Paul Biya sera le candidat du RDPC «à toutes les autres élections présidentielles (futures) jusqu’à ce que lui-même en décide autrement», indiquait en juillet 2011, le ministre de l’Enseignement supérieur.

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Manipulations

À quoi a donc servi la prorogation du mandat du président national par le bureau politique ? «À envoyer le messager que le patron est toujours partant et à déclencher l’avalanche d’appels en faveur de sa candidature», confie une source. D’ailleurs, au sortir de cette réunion, les membres du bureau politique ont, dans une motion commune, invité Paul Biya à être «le candidat du RDPC à la prochaine élection présidentielle». Ce sont ces appels que Paul Biya utilise ce 13 juillet pour donner une certaine légitimité à sa candidature.

«Chers compatriotes du Cameroun et de la diaspora, conscient des défis que nous devons ensemble , relever pour un Cameroun encore plus uni, stable et prospère, j’accepte de répondre favorablement à vos appels pressants», prétexte le président sortant avant d’ajouter: «Je serai votre candidat à la prochaine élection présidentielle». «Paul Biya est candidat depuis longtemps», affirmait pourtant Grégoire Owona, secrétaire adjoint du RDPC, dans le quotidien Le Jour, édition du 11 juillet.