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Actualités of Lundi, 21 Août 2017

Source: lavoixdukoat.com

Crise anglophone: le Cardinal Tumi romp le silence et fait des révélations

Aucun document n’a été signé à la conférence de Foumban - Christian Tumi Aucun document n’a été signé à la conférence de Foumban - Christian Tumi

Selon Son Eminence le Cardinal Christian Tumi, il n’y a jamais eu de réunification. Le Cardinal nous confie également que rien ne pourra changer au Cameroun avec le gouvernement actuel.

«Il n’y a jamais eu de mariage entre le Cameroun anglophone et le Cameroun anglophone. Ils vivent en concubinage.» C’est avec cette ironie que le Cardinal Christian Tumi résume ce qui s’est passé en juillet 1961 à Foumban. Son Eminence a accordé un entretien à l’Ong Un Monde Avenir et Lavoixdukoat.com cette matinée du lundi 21 août 2017, dans sa résidence. Les crises sociales et la situation politique du Cameroun étaient au menu des échanges.

L’homme qui est ordonné évêque en 1980 affirme : «Ils n’ont rien signé à Foumban. Le premier ministre John Ngu Foncha (qui était enseignant catholique avant) n’avait pas le pouvoir de négocier, parce que la Cameroun était sous tutelle de la France et de l’Angleterre. Comme les Français soutenaient Ahidjo, ils étaient à la conférence. C’est l’Angleterre et les Nations Unies qui devaient valider l’acte. Mais ces deux n’étaient pas présents. Il n’y a jamais eu de document sur ce qui s’est passé à Foumban. Les gens sont allés boire du vin.»


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N’allez pas croire que le Cardinal est contre la réunification. Il constate simplement qu’avec le fédéralisme, le «Cameroun était bien géré, le développement était à la base. Il y avait un premier ministre dans chaque partie du pays. Paul Biya avait signé un texte sur le fédéralisme qui précisait que les gouverneurs devaient être élus, il devrait avoir dix Etats fédérés. Paul Biya avait alors promis la décentralisation. Ça devait être bien. Mais j’ai l’impression qu’il dormait quand il signait le document et qu’il s’est réveillé après l’avoir fait, puisqu’il n’a rien mis en application. Le problème c’est que vous ne voulez pas partager le pouvoir.»

Cette concentration du pouvoir au niveau central est à l’origine de la crise dans les zones anglophones. Si l’opinion est divisée sur l’existence d’un problème, Son Éminence tempête : «Il y a un problème anglophone. Les problèmes sont physiquement les mêmes dans tout le pays, mais il y a nuance. Le Cameroun anglophone était déjà considéré comme un pays. Il se gérait seul, avec son administration, un premier ministre. Si la décentralisation avait été mise sur pied, il n’y aurait pas de problème, elle aurait évité les problèmes à venir dans d’autres régions du pays.»

L’impossible alternance

Pour résoudre la crise anglophone, le chef de l’Etat Paul Biya a créé la Commission pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme –présidée par Peter Mafany Musongue-. Sauf que, «les Camerounais n’ont pas attendu les slogans sur l’intégration, le bilinguisme…, pour s’intégrer. Combien de Camerounais sont bilingues ? Combien de personnes de différentes tribus se marient ? Donc on n’a pas eu besoin de ça. On n’attendait pas cette commission. Je ne sais même pas à quoi elle sert.

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Paul Biya connait quoi faire pour résoudre ce problème. Avant quand il allait à Bamenda, il prononçait tous ses discours en anglais. Aujourd’hui il feint de ne pas savoir parler l’anglais. Il ne devrait pas envoyer des fonctionnaires en mission dans la partie anglophone parce que toutes les personnes de ce gouvernement sont grillées. Et quand certains arrivent, ils –osent– s’exprimer en français, ce qui outre la population. La population réclame le fédéralisme, mais pour tromper les gens, le gouvernement avec Laurent Esso parle de sécessionnisme.»

Ceci dit, entre les revendications et le vandalisme, il y a une différence. Raison pour laquelle Christian Tumi déplore les actes de certains qui ont brûlé le drapeau du Cameroun. «On peut pardonner la personne, c’est la passion mais c’est inacceptable. Toute violence est inacceptable. On a coupé la main à une fille qui allait composer. Aucune raison ne peut permettre cela. On peut leur pardonner mais ce n’est pas impunie pénalement.»

Face aux multiples crises, quelle voie de sortie pour le Cameroun ? Du haut de ses 87 ans, malgré «ma foi», le Cardinal ne voit pas de lendemain en rose pour le Cameroun. «Tant que l’actuel parti est là, je n’espère rien. Il faut que nous aimions le Cameroun. Si les élections étaient transparentes, on pouvait espérer un changement. Je ne vois pas comment on peut avoir l’alternance au Cameroun. Les partis politiques de l’opposition, même s’ils se mettent ensemble, il leur faut les moyens. Les sous-préfets, préfets, gouverneurs…sont tous du parti au pouvoir, même s’ils ne sont pas tous des militants de cœur.» A l’époque du fédéralisme, se rappelle-t-il, il était interdit à tout fonctionnaire de militer dans un parti politique.

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C’est le contraire aujourd’hui. «Les fonctionnaires utilisent les outils, les voitures de l’Etat pour faire du militantisme.» Les jeunes qui devraient impulser le changement «sont découragés. Tous veulent partir. Je suis arrivé à conclure qu’au lieu qu’il y ait une guerre civile je préfère la situation actuelle. En temps de guerre, ce sont les innocents qui subissent», regrette le Cardinal. Il témoigne tout de même son soutien à ceux qui travaillent pour la construction d’un Cameroun meilleur. Il a ainsi affirmé toute sa disponibilité à l’Ong Un Monde Avenir.


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