Dans une enquête exclusive, Jeune Afrique dévoile les coulisses de la reconduction massive des caciques du RDPC à la tête des régions. Malgré ses promesses de priorité accordée aux jeunes et aux femmes, le président a maintenu sept barons sur dix, certains octogénaires, à leurs postes.
Yaoundé – Six semaines après avoir promis solennellement de placer "la situation des jeunes et des femmes au cœur des priorités de son nouveau mandat", Paul Biya a tourné le dos à ses engagements. Jeune Afrique révèle l'ampleur du maintien de la vieille garde du RDPC aux commandes des dix conseils régionaux du pays.
Le cas le plus emblématique reste celui de Gilbert Tsimi Evouna. Jeune Afrique indique que cet homme de 81 ans, qui a déjà dirigé la mairie de Yaoundé pendant 15 ans avant d'effectuer un premier mandat à la tête du conseil régional du Centre, vient d'être reconduit pour cinq années supplémentaires. Il aura donc 86 ans à la fin de ce nouveau mandat en 2030.
Le magazine panafricain souligne également la reconduction de Polycarpe Banlog, 68 ans, maintenu à la présidence du conseil régional du Littoral, région stratégique abritant Douala, capitale économique du Cameroun. Au total, selon les révélations de Jeune Afrique, sept présidents de région sur dix ont été confirmés dans leurs fonctions, balayant les espoirs d'un rajeunissement des cadres dirigeants.
"De nombreux analystes ont prédit que le président procéderait à un grand renouvellement des effectifs dans les institutions", rapporte Jeune Afrique. Ces prévisions se fondaient sur les déclarations du chef de l'État lors de sa prestation de serment le 6 novembre dernier, où il avait explicitement mentionné la jeunesse et les femmes comme priorités.
Mais le magazine révèle que "le parti a fait le choix de maintenir sa vieille garde en place", préférant la stabilité et la fidélité éprouvée au renouvellement générationnel. Parmi les reconduits figurent des figures historiques comme Elango Bakoma Zacheus au Sud-Ouest, Fru Angwafo III dans le Nord-Ouest, Oumarou Ousmanou dans le Nord, Wouamene Mbele à l'Est, et l'ancien maire de Bafoussam Jules Hilaire Focka Focka dans l'Ouest.
Jeune Afrique apporte un éclairage particulièrement révélateur sur la question de la représentation féminine. Le magazine indique que Cathy Meba, nièce du président, "se présentait comme l'unique femme à ce poste" de président de région. Sa candidature, bien que finalement avortée, constituait la seule tentative de féminisation de ces instances régionales.
Au final, aucune des dix régions ne sera dirigée par une femme pour les cinq prochaines années, en totale contradiction avec les engagements présidentiels sur la place des femmes dans les institutions.
Seules trois régions ont connu un changement à leur tête, révèle Jeune Afrique. En Adamaoua, Aliou Issa succède à Mohamadou Dewa dans une région que le RDPC vient de récupérer face à l'UNDP. Dans l'Extrême-Nord, Daniel Kalbassou, "unique président de région issu du secteur privé lors de la première mandature", a été remplacé par Haman Djalo, dans ce que Jeune Afrique décrit comme "une tentative d'apaisement" après un mandat marqué par "de nombreuses tensions".
Et dans le Sud, Eric Gervais Ndo s'est imposé contre la volonté du parti, un cas de figure inédit que le magazine qualifie d'acte de rébellion sans précédent dans le bastion présidentiel.
Cette stratégie de continuité révélée par Jeune Afrique témoigne d'un paradoxe : à 92 ans, Paul Biya semble privilégier l'expérience et la loyauté de ses lieutenants âgés plutôt que de préparer une relève générationnelle. Un choix qui interroge sur la capacité du système à se renouveler et à répondre aux aspirations d'une population camerounaise majoritairement jeune.









