L'enquête exclusive de Jeune Afrique. Derrière les accusations de partialité qui frappent le Conseil constitutionnel du Cameroun se cache une réalité peu connue : un système de rémunération et de privilèges qui transforme les "Sages" en bénéficiaires d'un statut quasi-aristocratique. Selon les informations obtenues par Jeune Afrique, chaque membre de l'institution perçoit environ 3 millions de francs CFA nets d'impôts par mois, soit près de 4 600 euros, dans un pays où le salaire minimum tourne autour de 36 000 francs CFA.
Les révélations de Jeune Afrique. Mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg, révèle notre investigation. Les conseillers bénéficient également de primes en numéraire dont les montants ne sont pas rendus publics, d'avantages en nature incluant un véhicule 4×4 renouvelé tous les cinq ans, avec une particularité édifiante découverte par Jeune Afrique : l'ancien véhicule leur revient en pleine propriété. À cela s'ajoute une mutuelle santé aux prestations généreuses, dans un pays où l'accès aux soins reste un luxe pour la majorité de la population.
Ce que Jeune Afrique a découvert. Cette "cage dorée" explique en grande partie pourquoi, selon un avocat cité par Jeune Afrique, "les juges rejettent souvent les recours des opposants, ce qui a fini par éroder la confiance du public et des hommes politiques". L'inamovibilité des conseillers, censée garantir leur indépendance, se transforme paradoxalement en chaîne dorée. "Même s'ils sont inamovibles, les conseillers n'ont aucun intérêt à renoncer à leurs privilèges", confie à Jeune Afrique une source proche de l'institution.
L'analyse exclusive de Jeune Afrique. Le cas de Clément Atangana, président du Conseil, illustre parfaitement ce système. Nommé en février 2018 par Paul Biya alors qu'il "venait d'être admis à la retraite", ce magistrat hors hiérarchie de 84 ans à la santé fragile – Jeune Afrique révèle qu'il a "récemment subi une hospitalisation de longue durée en Europe, où il séjourne régulièrement" – incarne une génération de juristes ayant fait toute leur carrière sous Biya et qui lui doivent tout.
Les informations obtenues par Jeune Afrique. Le président du Conseil ne décroche plus son téléphone depuis l'ouverture des travaux le 22 octobre, rapporte notre rédaction. Une stratégie de silence qui en dit long sur la pression qu'il subit. Mais cette pression est-elle suffisante pour contrebalancer des décennies de loyauté et des avantages financiers considérables ? Jeune Afrique a tenté de comprendre la psychologie de ces juges pris entre leur conscience juridique et leurs intérêts matériels.
Pourquoi c'est crucial. Comme le révèle Jeune Afrique, ce système transforme le Conseil constitutionnel en "chambre d'enregistrement plutôt qu'une instance capable de départager des adversaires sur la base du droit, selon ses détracteurs". Le verdict que prononcera Atangana le 27 octobre sera donc scruté non seulement pour son contenu politique, mais aussi comme un révélateur de la capacité – ou de l'incapacité – des institutions camerounaises à s'affranchir de l'emprise du pouvoir exécutif.









