Le politologue et observateur électoral Moussa Njoya livre un témoignage accablant sur le fonctionnement de la Commission nationale de recensement général des votes au Cameroun, dénonçant des conditions de travail archaïques et de nombreuses irrégularités.
Après trois jours de travaux, la Commission nationale de recensement général des votes a achevé ses décomptes le 20 octobre 2025 au siège du Conseil constitutionnel à Yaoundé. Cette instance, chargée de procéder au décompte général des voix et de corriger les éventuelles erreurs matérielles avant transmission des résultats au Conseil constitutionnel, est au cœur d'une critique virulente.
Dans une chronique publiée le 20 octobre dans L'œil du Sahel, intitulée « Ce que j'ai vu à la Commission nationale de recensement général des votes », Moussa Njoya dresse un constat alarmant.
« Ma conviction, et ce à mon plus grand désarroi, est que tout avance dans le monde pour que rien ne bouge au Cameroun, dont le fonctionnement des institutions semble bloqué au 20ᵉ voire au 19ᵉ siècle ! Et ce, en dépit des portables dernier cri et des grosses cylindrées dont raffolent nos gouvernants et élites », écrit-il.
Le politologue décrit avec stupéfaction les moyens rudimentaires utilisés pour effectuer les décomptes électoraux. « Les travaux s'y déroulent encore comme si l'informatique n'existait pratiquement pas, avec des procès-verbaux rédigés à la main, et toute l'illisibilité que cela engendre », dénonce-t-il.
Plus étonnant encore, Moussa Njoya révèle que les outils informatiques de base, comme le logiciel Excel, semblent ignorés au sein de la Commission. « On remet à chaque "commissaire" (c'est ainsi qu'on appelle les membres de la Commission) des calepins, des stylos et des calculettes d'addition de basse qualité, du genre qu'on trouve dans les boutiques de quartier pour faire la somme de nos achats », s'indigne-t-il.
Ces méthodes obsolètes ont des conséquences directes sur la qualité et la crédibilité du travail accompli. « Résultat des courses : des erreurs de calcul arithmétique parmi les plus incroyables, commises par des adultes au niveau d'éducation pourtant très élevé, l'essentiel étant des hauts fonctionnaires en activité ou à la retraite », relate l'observateur.
Il ajoute : « La plus grave des conséquences reste ces heures interminables perdues dans des tâches harassantes, que l'usage même basique de l'informatique aurait permis d'effectuer en quelques secondes, les doigts dans le nez, avec à la clé des résultats pour le moins discutables. »
Au-delà des problèmes techniques, Moussa Njoya évoque d'autres anomalies troublantes. Il mentionne notamment la présence de représentants de candidats qui s'étaient pourtant officiellement désistés, ainsi que « des opposants plus soucieux des intérêts du RDPC que le RDPC lui-même ».
Le politologue précise que ces observations ne constituent qu'« une infime partie » des incongruités constatées au cours des travaux de la Commission.
Ce témoignage soulève des questions cruciales sur la transparence et la crédibilité du processus électoral camerounais, alors que le pays se prépare à des échéances électorales majeures. Il met en lumière le décalage entre les moyens technologiques disponibles et les pratiques réellement mises en œuvre dans les institutions de la République.